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Mouvements, WASSERMAN Gilbert

Le mouvement altermondialiste entre hésitations, deuxième souffle et maturation

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> Mouvements, n°38, mars-avril 2005

Pour beaucoup d’observateurs, l’affaire était entendue, le mouvement altermondialiste était soit en panne soit dans un processus d’essoufflement. Ce pronostic reposait sans doute sur un certain nombre de réalités. Il a toutefois été largement démenti par le succès et la grande qualité du cinquième forum social mondial qui s’est tenu du 26 janvier au 1er février 2005 à Porto Alegre. Plus que d’un deuxième souffle ou d’un nouveau départ, il s’agit d’une véritable manifestation de maturité qui n’élimine pas pour autant d’un coup de baguette magique des difficultés évidentes.

Comment se forme un commentaire dominant ? Souvent sur des constructions politiques ou idéologiques un peu artificielles mais souvent aussi sur une large part de réel. Il en va probablement ainsi du commentaire dominant sur l’état du mouvement altermondialiste dans la période qui a précédé le cinquième forum social mondial à Porto Alegre. Ce mouvement, dont tout un chacun avait du reconnaître la fulgurante percée dans les années précédentes, était en effet, de façon générale, présenté comme affaibli, essoufflé, porteur d’espoir sans doute mais en difficulté. Impossible dés lors pour tout altermondialiste lucide d’échapper à une réflexion sur la réalité ou non de cette présentation et surtout sur les faiblesses effectives d’un mouvement jeune et puissant certes mais qui n’est pas plus qu’un autre préservé par nature des contradictions, voire d’une usure précoce.

Identifier les signes de faiblesse

Il serait trop facile de dire que les seuls signes de difficultés viennent d’Europe mais c’est sur ce continent qu’ils se manifestent le plus vivement. Tentons donc de les identifier. Le mouvement altermondialiste ne se réduit pas aux Forums sociaux, mais ces derniers donnent le pouls de celui-ci. Sans conteste, le Forum social européen tenu à Londres en octobre 2004 a été quantitativement et qualitativement bien moins réussi que les deux éditions précédentes. Florence, en 2002, qui avait l’avantage et l’excuse de la nouveauté, avait vu coexister plusieurs réalités : une remarquable mobilisation contre la menace de guerre, une forte présence des jeunes, une ambiance dynamique et combattive mais en même temps une relative polarisation autour de l’extrême gauche européenne qui pouvait être un frein à l’élargissement nécessaire du mouvement. Le tir avait été plutôt bien corrigé pour le FSE de Paris-Saint-Denis dans la préparation duquel un gros effort avait été fait pour donner au forum le caractère le plus inclusif possible, inclusif en termes d’élargissement des organisations participantes mais aussi des thèmes abordés. Cette deuxième édition avait toutefois été handicapée par une trop grande dispersion des lieux, ce qui a rendu l’ambiance moins dynamique qu’en Italie. Londres a marqué un pas en arrière qui s’il se répétait à Athènes (beaucoup d’efforts sont en cours pour que ce ne soit pas le cas) placerait le mouvement en Europe en très fort décalage avec son évolution au plan mondial. L’échec n’est pas que quantitatif (20 000 participants seulement contre trois fois plus lors des éditions précédentes), il est qualitatif. Le FSE a été comme pris en otage, d’une part par le Socialist Worker Party, formation d’extrême gauche britannique qui compense sa marginalité par un militantisme efficace, d’autre part par le maire de Londres, Ken Livingstone, qui dès lors qu’il finançait le forum l’a utilisé un peu trop à sa guise. Dans les deux cas, il s’agissait d’une violation de la charte des forums qui ne peut avoir pour effet qu’un risque de distanciation à l’égard du processus en Europe de la part des grandes organisations syndicales, des ONG, des grandes associations, de certains mouvements sociaux qui sont pourtant, au plan mondial, le cœur même de la dynamique des forums. Insatisfaction qualitative également due au fait que le FSE en 2004 n’a que très peu parlé de l’Europe alors que la Constitution européenne est à l’ordre du jour. Dans le même temps, cette faiblesse n’est pas due qu’aux organisateurs britanniques mais aux différences évidentes d’appréciation sur cette question dans le mouvement à échelle du continent.

D’autres facteurs critiques ont porté sur la méthodologie du débat dans les forums sociaux qui, à l’évidence, ne concernent pas que les forums européens. Le risque de tourner en rond sur les mêmes thèmes au bout de plusieurs éditions, la difficulté de sortir des grands messes centrées autour de personnalités emblématiques mais où les participants sont surtout des spectateurs, le manque de vrais débats contradictoires, la difficulté à construire collectivement des propositions. De ce point de vue, au terme du troisième Forum social mondial tenu à Porto Alegre en janvier 2003, on sentait déjà clairement qu’on était arrivé au bout d’une forme de forum et qu’il fallait envisager des mutations. Ces mutations ont commencé à avoir lieu en janvier 2004 à l’occasion du FSM de Mumbai en Inde mais on ne peut dire qu’elles avaient été préparées par le Conseil international. Elles se sont d’une certaine façon imposées d’elles mêmes. L’innovation fut surtout la transformation du FSM en mouvement social en lui-même avec les défilés ininterrompus de dizaines de milliers de représentants de toutes les causes légitimes - et elles sont légion -, qui s’expriment en Inde. Du coup, la participation des catégories populaires, des exclus et tout particulièrement des dalits (intouchables) fut très forte. En contrepoint, le débat et la formulation de propositions de portée mondiale n’avaient que peu progressé. Porto Alegre 2005 devait donc relever le défi de tout à la fois conserver cette dynamique mobilisatrice et de faire avancer le débat, les propositions et la construction de campagnes internationales. Le Conseil international s’est attelé à cette tâche difficile pendant la courte année de préparation du forum mais le succès n’était pas acquis d’avance. Il l’était d’autant moins que la perte par le PT de la municipalité emblématique de Porto Alegre lors des élections municipales de novembre 2004 qui faisait suite à la perte de l’État du Rio grande do Sul en 2002 était largement de nature à semer le trouble.

Des difficultés plus structurelles

Les problèmes réels ou potentiels du mouvement altermondialiste ne tiennent cependant pas qu’au mode d’organisation des forums et à leur attractivité. On pointera ici quelques difficultés d’ordre plus structurel. Il faut évidemment les relativiser car chacune de ces difficultés prend place sur un fond non contestable de succès très significatifs de ce mouvement. Ainsi, quand le forum de Davos se sent obligé de modifier son programme et son agenda en puisant dans les questions habituellement traitées à porto Alegre pour tenter d’élaborer face à la pauvreté et au sida une sorte de théorie du capitalisme compassionnel, c’est un écho très direct de l’influence effective des thèmes altermondialistes. Lorsque Jacques Chirac, avec d’autres chefs d’État ou de gouvernement, de façon très réductrice sans doute, reprend des propositions de taxation internationale proches de la taxe Tobin qu’il combattait hier avec virulence, c’est d’une véritable victoire conceptuelle de ce mouvement qu’il s’agit. Lorsque le même sonne le tocsin dans toutes les arènes mondiales sur l’aggravation des risques écologiques, sans pour autant jamais traduire cela en France par une politique concrète, c’est tout de même en écho à la sensibilisation sur ces questions produite ensemble par le mouvement écologiste et par l’altermondialisme.

Pourtant, les difficultés existent. Difficulté, même si la mutation sémantique a été acceptée comme une traînée de poudre, à passer dans les faits de l’anti à l’altermondialisation, c’est-à-dire à une construction alternative. Difficulté à construire sur d’autres sujets, de grandes mobilisations mondiales de l’ampleur de celle réussie contre la guerre en Irak. Difficulté dés lors à construire des rapports de force qui, au-delà de la conscientisation et de l’éducation populaire, permettraient de remporter des victoires concrètes significatives endiguant les effets de la globalisation capitaliste. Difficulté à faire grandir dans les catégories populaires un mouvement qui semble impliquer surtout les couches moyennes et les catégories les plus diplômées, ce en Europe tout au moins car c’est inexact en Inde ou en Amérique latine. Difficulté à savoir gérer les différences et les divergences alors qu’elles sont constitutives d’un mouvement qui succomberait à toute tentative d’homogénéisation artificielle ou par le haut. Difficulté à sortir dans ces conditions de la simple confrontation de points de vue sur un certain nombre de sujets et à construire des propositions ; encore que là aussi un bémol s’impose tant en peu d’années le nombre de propositions réellement communes est déjà important. Difficulté à poursuivre l’extension mondiale au-delà des zones où l’influence du mouvement est déjà importante, c’est ainsi que les progrès sont lents en Afrique subsaharienne, faibles en Europe centrale et de l’Est ainsi que dans une large partie de l’Asie. Difficulté à penser et passer des alliances conjoncturelles avec des structures interétatiques qui ne sont pas altermondialistes, quelquefois loin de là - comme le G20 formé au sein de l’OMC -, mais qui peuvent jouer un rôle significatif de frein dans la mise en œuvre de la globalisation capitaliste. Difficulté à investir certains champs qui sont pourtant décisifs comme celui de la réforme de l’ONU mais aussi de l’évolution du droit international. Difficulté en général à tout à la fois préserver l’indépendance du mouvement social et à penser une intervention nécessaire sur le champ de la politique institutionnelle. Les soubresauts connus en France par Attac à l’occasion des élections européennes du printemps dernier sont significatifs de la non résolution de cette équation difficile. Difficulté enfin parce que la figure d’un homme comme Lula a joué un rôle symbolique non négligeable dans l’émergence du mouvement et parce que devenu président d’un des grands pays de la planète, il provoque un débat âpre sur son bilan à mi-mandat, nous y reviendrons.

Rien de tout cela n’est alarmant ni rédhibitoire, encore faut-il le mesurer pour aider un mouvement qui se cherche à trouver un deuxième souffle, même si une fois encore, ce serait une curieuse forme d’européocentrisme que de calquer sur le reste du monde des problèmes qui sont plus aigus en Europe qu’ailleurs. L’enjeu de ce cinquième forum mondial à Porto Alegre n’était sans doute pas d’apporter réponse à toutes les questions posées, il était de mesurer dans quelle mesure ce deuxième souffle était ou non à portée de main.

Pari gagné à Porto Alegre 2005

Était-ce parce qu’ils avaient été plus inquiets que de coutume ? Toujours est-il qu’au terme du forum, la quasi totalité de ceux des participants qui sont des habitués des FSM, émettaient le même diagnostic satisfait, ce cinquième forum mondial avait été le meilleur de tous et plus qu’un deuxième souffle il marquait une forte maturation du mouvement. À l’imitation de Mumbai, le forum avait quitté le cadre confortable de l’université catholique pour s’installer dans la rue, sous des tentes ou dans des entrepôts. Il fallait parcourir six kilomètres pour aller d’un bout du forum à l’autre et en milieu d’après-midi la chaleur intense ne facilitait pas les choses, mais peu importait, cette foule immense s’était mise au travail comme si rien ne pouvait l’en détourner.

Les chiffres d’abord : 155 000 participants inscrits venus de 135 pays avec une très forte présence de militants syndicaux mais aussi de sans terre, de chômeurs, de ceux qui se nomment les « no vox », de jeunes (ils étaient plus de 35 000 dans le seul camp international de la jeunesse), le tout lié à une progression, remarquable, de la participation au FSM de tout ce qui existe dans le monde comme grandes organisations de la société civile ONG ou mouvement sociaux. Au programme : 2300 séminaires et 500 activités culturelles, avec quelques difficultés de traduction de temps en temps. Le tout donnait certes un sentiment de gigantisme et d’un processus insaisissable mais pourtant il s’est révélé malgré son immensité plus homogène que les éditions précédentes.

La première raison tient à un changement de méthodologie. Les grandes conférences, les grands messes à de rares exceptions près avec les vedettes internationales de l’altermondialisme ont purement et simplement disparu parce qu’elles ne permettaient pas l’échange, prenaient des allures de cours magistral ou de meetings et devenaient totalement répétitives d’une année à l’autre. Cette fois, pas de hiérarchisation des initiatives, à l’exception des discours des deux chefs d’État invités (Lula au début et Chavez à la fin), mais des initiatives autogérées dont un grand nombre ne se contentaient plus de juxtaposer des idées mais se fixaient pour objectif de produire des propositions, de construire des campagnes.

Un des effets majeurs de ce changement de méthodologie a été d’accélérer l’appropriation du forum par ceux qui sont et doivent être ses acteurs essentiels, à savoir les mouvements sociaux, les syndicats, les ONG. Ce forum a été le leur, et les inévitables tentatives de récupération politique n’ont vraiment pas pesé lourd. Fait significatif, le poids des courants radicaux liés à l’extrême gauche politique, sans avoir totalement disparu, était devenu cette année réellement marginal. Un réformisme transformateur ou radical l’emportant de très loin sur l’emphase et les avant-gardes révolutionnaires auto-proclamées. Cela vaut d’autant plus d’être souligné qu’on n’en est pas tout à fait là en Europe malgré le souci très majoritaire de ne pas recommencer la mauvaise expérience de Londres. Cette question n’est pas anecdotique car ce qui s’y joue c’est la possibilité de forums réellement inclusifs de toute les forces qui peuvent avoir des raisons, même très partielles, de se rassembler contre la globalisation néo-libérale. Porto Alegre 2005 a donné un bel exemple d’inclusivité.

360 propositions concrètes ou objectifs de campagne sont issus des différents séminaires et beaucoup d’autres devaient être communiqués dans les jours suivant la clôture, nous n’en ferons pas ici l’inventaire mais quand on y regarde de près, l’acquis commun est d’ores et déjà considérable.

On en restera à quelques exemples. Tout d’abord le forum syndical mondial qui s’est tenu avant l’ouverture du FSM a été un moment important dans le processus de fusion en cours entre les deux grandes fédérations syndicales internationales que sont la CISL et la CMT. Cette mutation majeure du paysage syndical international n’est évidemment pas due qu’aux forums mais tous ses acteurs soulignent que les FSM ont été des lieux très significatifs d’approfondissement du débat et des convergences. Dans le programme même du FSM figuraient également de nombreux séminaires organisés entre syndicats de différents continents dans lesquels la CGT française a souvent pris une part importante et qui ont cherché à construire des campagnes comme sur la question du temps de travail. Par ailleurs, fait nouveau, les syndicats se sont souvent associés avec des ONG pour travailler sur des thèmes et des campagnes. Deuxième exemple important, la campagne lancée à Porto Alegre de lutte contre la pauvreté. Parrainée par Lula, elle inclut des centaines d’organisation et à la différence de ce qui s’est débattu à Davos sur le même thème, elle n’est pas centrée sur le caritatif ou le compassionnel mais sur des objectifs politiques majeurs comme l’annulation de la dette, la taxation des profits financiers... Troisième exemple, encore inimaginable voici deux ans tant le débat n’avait pas été mené, la décision prise par de multiples organisations dont les fédérations syndicales mondiales et l’Internationale socialiste, suite à une initiative italienne de lancer une grande campagne pour tout à la fois la défense de l’ONU face aux attaques américaines, son renforcement par l’inscription notamment dans son cadre des organisations économiques internationales et bien sûr sa démocratisation dans le rapport entre Conseil de sécurité et Assemblée générale et avec l’entrée de nouveaux pays parmi les membres permanents du Conseil de sécurité. Dernier exemple, mais on pourrait en citer beaucoup d’autres, la mise du problème de l’eau au centre de l’agenda politique international et ce en associant aussi bien des organisations ou des ONG de caractère environnementaliste que d’autres de caractère plus social ou plus généraliste. Il est vrai que la division des espaces du forum en onze thèmes et la multiplication des initiatives ne rend pas toujours aisées les synthèses même si au bout d’un moment, celles-ci quand elles viennent à maturité s’imposent d’elles mêmes sans qu’il soit besoin pour cela de textes officiels, de déclarations finales qui pourraient gêner le caractère inclusif du FSM et qui est contraire à la charte de principe de Porto Alegre.

La force de ce bilan rend un peu subalterne la querelle qui s’est enclenchée le dernier jour du FSM autour d’un texte signé par quelques personnalités autour de Bernard Cassen. Leur texte, malgré le titre qu’il porte, n’est pas le manifeste du FSM, il n’est pas non plus la formalisation d’un « consensus de Porto Alegre » à opposer à celui de Washington. Un tel projet ne pourrait être décidé à quelques uns et la majorité du Conseil international autour d’hommes comme Chico Whitaker veille avant tout à ne pas freiner une inclusivité en pleine expansion. Ce texte est donc une contribution parmi d’autres qui peut avoir son utilité dans les débats ultérieurs.

Le débat sur le bilan de Lula à mi mandat

Nombreux étaient ceux qui redoutaient un affrontement dur entre Brésiliens, voire Latino-américains sur l’analyse du bilan contrasté des deux premières années du gouvernement Lula. Évidemment quelques groupes très agités se sont manifestés criant à la trahison mais ils étaient peu nombreux et le président brésilien a été dignement accueilli. Cela ne signifie pas qu’il n’existe pas une véritable inquiétude sur la possibilité, voire sur la volonté, de tenir les engagements pris, ni sur le manque d’audace de la politique économique et sociale, voire sa trop grande conformité aux desiderata du FMI et de la Banque mondiale. Mais le forum a plutôt été conçu par l’immense majorité des acteurs brésiliens, comme un mouvement social en lui-même susceptible de dynamiser des choix politiques que comme un instrument de confrontation avec le pouvoir. Lula pour sa part, passant discrètement sur les engagements non ou pas encore tenus, a surtout insisté sur les aspects extérieurs de son bilan qui ont permis au Brésil de prendre la tête politique des pays émergents, de jouer un rôle majeur dans les progrès d’intégration du Mercosur, dans la poussée de la gauche en Amérique latine, dans la constitution du G20 au sein de l’OMC qui met en échec les plans agricoles US ou européens. Autant d’éléments qui pourraient permettre ensuite, selon lui, de desserrer l’étau économique dans lequel le pays est enfermé. Sans doute a t-on vu à la fin du forum, certains tenter une petite manipulation en faisant du vénézuélien Chavez une sorte de contre-exemple face à Lula : le militaire populiste assis sur une nappe de pétrole qui se radicalise d’un côté du fait de la volonté des États-Unis de le chasser, le militant ouvrier de l’autre qui se social-démocratise une fois au pouvoir. En réalité il est absurde d’opposer ces deux expériences qui peuvent se conforter et non s’affronter. Au delà du cas de Lula, ce FSM a toutefois aidé à mettre le doigt sur une réalité mondiale encore trop sous-estimée qui tend à l’inadéquation d’un discours simpliste sur les rapports ou l’affrontement Nord-Sud. En fait, si on additionne la Chine, L’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud et quelques autres, au moins la moitié des habitants de la planète vivent dans des pays qui ne se considèrent plus ni de l’un ni de l’autre mais comme des pays émergents qui tendent à jouer un rôle spécifique et à s’opposer, en fonction de leurs intérêts propres bien sûr qui ne sont pas toujours convergents avec ceux des pays les plus pauvres, à l’hégémonisme américain. Ne pas se tromper d’époque et d’analyse est sûrement un des grands enjeux pour le mouvement altermondialiste.

Les prochaines étapes

En 2006 le FSM sera décentralisé et éclaté en plusieurs éditions qui devront toutes avoir lieu au même moment en janvier en même temps que le Forum de Davos. Pour le moment, trois pays ou villes sont candidats pour 2006 et il devrait donc y avoir au moins trois lieux pour le FSM. Tout d’abord le Maroc (probablement à Marrakech), le reste de l’Afrique a donné son accord. En second lieu les Vénézuéliens appuyés par leur président Hugo Chavez ont annoncé de façon un peu unilatérale qu’un forum aurait lieu à Caracas. Confirmation probable en avril lors du Conseil international. Enfin la Corée du Sud annonce un forum à Séoul, à confirmer également.

Pour ce qui est de l’Europe, on sait que le prochain FSE aura lieu pour sa part au printemps 2006 à Athènes (probablement en fin mars ou avril). La proximité de date avec le Maroc peut poser problème, raison de plus pour différencier les thèmes globaux d’un FSM et ceux plus spécifiquement européens d’un FSE.

En 2007, par contre, il y aura un FSM centralisé en un seul endroit. La décision a d’ores et déjà été prise de l’organiser en Afrique subsaharienne mais le pays et la ville n’ont pas encore été décidés. En lice pour le moment Nairobi au Kenya et Bamako au Mali. Ces deux pays tiennent la corde car ils sont caractérisés par des sociétés civiles relativement actives et réellement indépendantes des États.

Quoi qu’il en soit, ces nouveaux déplacements géographiques représentent à la fois un atout majeur pour le développement du mouvement et un risque de ne pas pouvoir se situer au même niveau. Le risque a toutefois été pris en estimant que la dynamique relancée à Porto Alegre permettait d’affronter un tel pari. Il est certain que cette dynamique ne suffit pas à annuler à elle seule l’ensemble des difficultés structurelles que nous avons énumérées, elle permet de travailler à leur dépassement et c’est déjà beaucoup.

date de mise en ligne : 4 mars 2005

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