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DREANO Bernard

Tsunami : les catastrophes naturelles ne sont naturelles que dans leurs causes

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> Cedetim, 3 janvier 2005

Comme l’écrit Praful Bidwai “les catastrophes naturelles ne sont naturelles que dans leurs causes. Elles sont socialement déterminées et transmises à travers des mécanismes et des organisations qui sont des créations des sociétés et des gouvernements. Les désastres naturels ne sont pas socialement neutres dans leurs impacts. Ils frappent plus les faibles et les pauvres que les privilégiés”.

Chacun pourra gloser longtemps sur la vague de compassion qui a secoué le monde après la vague meurtrière du tsunami du 26 décembre en Asie du Sud. C’est l’illustration du monde globalisé, quand s’ajoutent aux dizaines de milliers de victimes locales les milliers de touristes occidentaux en vacances au Sri Lanka ou en Thaïlande et quand toutes les télévisions du monde en font leur “prime time”.

La compassion est un sentiment humain qu’il n’y a pas lieu de mépriser. Mais elle peut s’avérer contre productive si elle masque deux comportements humains nécessaires en pareil cas : le sens de la responsabilité et celui de la solidarité.

Personne n’est responsable d’un tremblement de terre, mais chacun est responsable de ces suites. Et la question de ces responsabilités s’est déjà posée, par exemple en Inde. “Pourquoi les systèmes d’alerte n’existaient pas en Asie du Sud et du Sud Est alors qu’ils sont relativement bon marché, environ 4 millions de dollars, moins que le prix de certaines maisons aux Etats Unis ?”, s’interroge ainsi le professeur Asoka Bandarage [1]. La première leçon de l’événement que tire de son coté Praful Bidwai [2], c’est, comme toujours en pareil cas, que la catastrophe n’était pas totalement imprévisible : le 28 novembre 1945, la côte occidentale de ce qui était encore l’Inde unie avait subi un tsunami frappant les régions de Karachi, Makran et Bombay. La baie du Bengale a connu des tsunamis en 1762, 1881 et 1941. D’ailleurs précise le célèbre éditorialiste indien “le monde a connu de nombreux tsunamis avec des vagues de plus de vingt mètres, 50 mètres et même, le plus haut, en Alaska en 1959 avec un tusmani monstre de 540 mètres... De même l’Inde a subi deux chocs majeurs, ceux de 1881 et 1941, le second causé par un tremblement de terre dans les îles Andamans d’une magnitude estimée à 8,5”. Et l’actuel tremblement de terre avait été enregistré à temps par le Pacific Tsunami Early Warning System (qui regroupe 26 pays) mais celui-ci n’avait aucun correspondant dans l’Océan Indien.

Mais il y a une deuxième leçon. “Faut-il seulement blâmer notre mère la Nature ?”, demande Asoka Bandarage, “la pauvreté et le manque d’accès aux technologies modernes ne sont-ils que le fruit de la surpopulation ?”. A quoi répond Praful Bidwai en écho : “les catastrophes naturelles ne sont naturelles que dans leurs causes. Elles sont socialement déterminées et transmises à travers des mécanismes et des organisations qui sont des créations des sociétés et des gouvernements. Les désastres naturels ne sont pas socialement neutres dans leurs impacts. Ils frappent plus les faibles et les pauvres que les privilégiés”. D’ailleurs les infrastructures médicales et sanitaires typiques du “Sud global” sont, ajoute-t-il, “désespérément inadéquates et s’effondrent généralement face aux calamités”. Et que va-t-il se passer ensuite ? Le journaliste P. Sainath s’interroge dans le grand quotidien The Hindu du premier janvier : “le gouvernement dépensera-t-il jamais les sommes, modestes, qui seraient requises pour protéger les millions d’indiens parmi les plus pauvres dont le sort dépend de la mer ?” [3]. Surtout que le dénuement dans lequel vont se trouver ces populations n’est pas entièrement dû à la fatalité, car il est aggravé par des choix d’aménagements : “des centaines de villages de pécheurs ont été reconstruits sur des implantations étroites dans le cadre du “développement” à l’indienne. Nombreux sont ceux qui ont été repoussés, dans des zones insécures, par les complexes touristiques ou les autoroutes. Les mangroves, qui ont toujours joué le rôle de freins, même limités, contre les vagues, disparaissent de plus en plus. Nous avons dépensé beaucoup d’énergie pour rendre la côte de moins en moins sure”. Parfois en prenant de gros risques : les responsables de la centrale nucléaire indienne de Kalpakkam près de la ville de Chennai, assurent avoir arrêté son fonctionnement dès l’annonce du tremblement de terre, mais elle a été touchée par la vague (au moins 65 morts), sans qu’il soit possible aujourd’hui d’en connaître les éventuelles conséquences [4].

Ce qui est vrai de l’Inde l’est aussi naturellement du Sri Lanka, des Maldives, de la Thaïlande, de la Birmanie et bien sûr de l’Indonésie, le pays le plus touché, sans parler du Kenya ou de la Somalie qui ont connu eux aussi des victimes sur leurs côtes, alors que la vague ne les a touchés que huit heures après que la catastrophe ait été constatée !

De plus, dans certaines régions, la situation est aggravée du fait de la situation politique. Au Sri Lanka, si le “processus de paix” est en cours dans la guerre opposant le gouvernement aux “Tigres” Tamouls, les réfugiés de ce conflit, nombreux dans des camps sur la côte orientale, ont été directement touchés. Les choses sont plus graves en Indonésie, dans la province d’Atjeh, au nord de Sumatra, la région la plus durement frappée par le raz de marée, (au moins 40 000 morts) qui est aussi ces dernières années le théâtre d’un conflit violent entre l’armée indonésienne et les rebelles musulmans. Enfin on ignore le nombre réel de victimes en Birmanie, où les généraux gangsters qui y règnent semblent plus affairés à restreindre la liberté de mouvement d’Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991 et figure charismatique de l’opposition, que de s’occuper des pêcheurs de la côte ! Ils ont fermé leur pays à toute aide internationale.

Chacun doit faire face à ses responsabilités, et la nôtre est aussi de transformer la compassion ressentie aux vues des images du drame, en solidarité avec les acteurs des sociétés locales. Cela commence dans nos rues : après tout il existe, en France, à Paris notamment, une importante communauté tamoule originaire de l’Inde du Sud ou du Sri Lanka et qui, bien sûr se mobilise.

Mais il faut aussi savoir répondre aux appels qui nous viennent de la région et qui sont notamment relayés par Via Campesina, l’organisation internationale à laquelle appartient en France la Confédération paysanne. Ce mouvement de paysans, de familles paysannes, d’ouvriers agricoles, de peuples indigènes, et d’organisation de paysans sans terre ainsi que d’autres mouvements ruraux, ont lancé un appel à une campagne en solidarité avec les communautés locales de pêcheurs et de paysans pour leur permettre de mettre en place leurs propres actions de secours et de reconstruction en s’appuyant sur les organisations locales. Au-delà de l’indispensable urgence il s’agit de d’aider les communautés à reconstruire leurs moyens de subsistance [5].

Les organisations locales de Via Campesina sont évidemment très actives sur le terrain, par exemple la fédération nationale indonésienne des organisations paysannes en Indonésie, avec d’autres organisations non-gouvernementales, a mis sur pied une équipe qui travaille actuellement dans la région d’Atjeh. Au Sri Lanka, l’organisation nationale des pêcheurs (National Organization of Fisherfolk (NAFSO) a envoyé cinq équipes de secours dans les zones les plus durement frappées pour venir seconder les populations locales dans leurs efforts de reconstruction.

Ces mobilisations en aide aux organisations locales, celles de Via Campesina et d’autres, ne doivent pas nous faire perdre de vue qu’à catastrophe globale il faut aussi une réponse mondiale. L’idée lancée notamment par ATTAC d’un prélèvement fiscal mondial exceptionnel va dans ce sens : “Il est largement temps d’imaginer une fiscalité internationale pour réduire la fracture qui va croissant entre le Sud et le Nord. L’exigence d’une fiscalité globale, au plan mondial, s’impose pour répondre, notamment, à des catastrophes comme celle de l’Asie” [6] précise à ce sujet Jacques Nikonoff, président d’Attac-france. Ce pourrait être une taxe sur les transactions financières dont le modèle est la taxe Tobin, une taxe unitaire sur les bénéfices à taux unique, quel que soit le pays ou la région du monde où s’installe une entreprise transnationale, une taxe sur les investissements directs étrangers, etc.

Une conférence internationale des donateurs se tient à Djakarta le 6 janvier. Tant mieux si l’on y coordonne un peu l’aide d’urgence. Mais il ne faut guère s’attendre à ce qu’elle abatte les barrières politiques que dresse la junte birmane, à ce qu’elle soutienne les organisations de base, à ce qu’elle débouche sur une gestion globale (et a fortiori une taxation). Cela demeurera l’affaire de ceux qui, à la base, se mobilisent pour que chacun-e assume ses responsabilités, pour que la solidarité soit effective.

[1] Asoka Bandarage : “Apocalypse in Asia”, South Asia Citizens’ Wire (SACW) 31 décembre 2004

[2] Praful Bidwai : The Tsunami warns us all”, SACW 31 décembre 2004

[3] P. Sainath : “Plus d’un million d’Hiroshimas” The Hindu, 1er janvier 2005

[4] Cf. S. P. Udayakumar : “The tsunami disaster”, South Asians Against Nukes List, 30 décembre 2005

[5] Collecte Via Campesina par carte bancaire en ligne : https://secure.groundspring.org/dn/....

[6] Communiqué d’Attac France, 3 janvier 2004

document de référence rédigé le : 3 janvier 2005

date de mise en ligne : 14 mars 2005

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