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CEDIDELP, ORTIZ Horacio, RIOUFOL Véronique

Les droits environnementaux comme exemple de lutte autour de la reconnaissance des droits

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Pour une approche dynamique des droits économiques, sociaux et culturels

> Cedidelp, mars 2005

Il est coutume de parler des droits économiques, sociaux et culturels, sans y associer les droits environnementaux, les droits sexuels et reproductifs, les droits des enfants, etc. Ce sont en effet les « DESC » qui sont consacrés dans le Pacte des Nations unies de 1966 et dans la plupart des textes internationaux ultérieurs [1]. De même, les acteurs engagés sur ce terrain préfèrent en général concentrer leur action sur les DESC, en s’en tenant à la définition qui en est donnée dans les principaux instruments internationaux. Pourtant, il nous semble indispensable d’adopter une approche dynamique des droits humains et notamment des DESC. Après une longue période pendant laquelle les droits civils et politiques ont trop souvent été érigés comme les uniques droits de l’homme, un enjeu majeur est aujourd’hui de rappeler le principe fondamental de l’indivisibilité de tous les droits humains et de promouvoir les droits autres que les droits civils et politiques.

Pour l’essentiel, ceux-ci sont habituellement désignés en référence à la catégorie des droits économiques, sociaux et culturels. Il ne s’agit cependant pas de promouvoir ces droits « marginalisés » en reproduisant une division entre droits qui seraient de première, deuxième, troisième ou énième génération. Parler des DESC tout court pourrait en effet faire oublier que dans les revendications qui prennent forme aujourd’hui il est souvent question de droits environnementaux, reproductifs, à la paix, des enfants, etc. En ce sens, la définition des DESC ne dépend pas de textes juridiques ou de définitions figées à jamais mais trouve son fondement dans l’affirmation de la dignité de tous les êtres humains et dans les conditions concrètes, nécessairement évolutives, de sa réalisation.

Pour bien montrer en quoi la définition du contour et du contenu des droits constitue à chaque époque un enjeu de lutte politique, nous proposons d’examiner l’exemple des luttes autour de la reconnaissance des droits environnementaux. Même parmi les défenseurs des droits humains et les groupes engagés en faveur d’une plus grande justice sociale, on trouve des acteurs qui sont réticents voire hostiles à parler de droits environnementaux. Pour certains, la priorité est en effet de se consacrer aux DESC au sens classique, soit parce qu’ils jugent ces droits plus importants, soit parce qu’ils se fondent sur les normes existantes (notamment juridiques) pour exiger ces droits marginalisés. Dans certains cas, les acteurs sont réticents à reconnaître l’existence même de droits environnementaux. Ils s’appuient pour cela sur un ou plusieurs des arguments suivants :

  • les revendications environnementales ne constituent pas des droits humains ; la protection de l’environnement peut, au mieux, être dérivée de certains droits humains
  • aucun instrument des droits humains ne protège les « droits » environnementaux (à l’exception du droit à un environnement sain, qui est dérivé d’autres droits)
  • l’affirmation de droits environnementaux est dangereuse en ce qu’elle concourt à affirmer une nouvelle « catégorie » de droits, donc à diviser les droits humains

En adoptant une approche dynamique des DESC, on peut néanmoins justifier la reconnaissance pleine et entière des droits environnementaux comme composante des droits humains. Il s’agit pour cela de rappeler que les droits humains ne se limitent pas aux normes inscrites dans des textes juridiques et de montrer que les droits environnementaux, indispensables à la survie et à la dignité des êtres humains, font partie des droits humains indivisibles.

- Les droits humains ne se limitent pas aux droits reconnus par des textes juridiques L’affirmation des droits environnementaux souligne que les droits humains ne se limitent pas aux droits recensés dans des textes juridiques et ne sont pas fixés une fois pour toutes. Les droits humains trouvent en effet leur fondement dans les aspirations de tous les êtres humains à une vie digne. Ces aspirations ont pour l’essentiel trouvé à s’incarner dans des droits : droit à la vie ; droit à un logement décent ; droit à une alimentation suffisante, saine et de qualité ; liberté d’expression ; droit de vote ; accès aux soins ; liberté de circulation... Peu à peu, de nouvelles aspirations sont reconnues et formulées en termes de droits - droits qui sont souvent d’abord l’objet d’une revendication politique avant d’être inscrits dans des textes juridiques. Quand ils existent, les instruments des droits humains sont à la fois l’incarnation d’aspirations humaines fondamentales et le reflet de leur temps. Ainsi, les questions environnementales sont quasi absentes du Pacte de 1966, alors qu’elles constituent aujourd’hui un enjeu politique majeur et ont été consacrées par des textes juridiques nationaux et internationaux et par des avancées de la jurisprudence.

Etendre les DESC pour y inclure les droits environnementaux nous permet donc de souligner que le contour des droits humains est évolutif et que leur reconnaissance juridique dépend de l’esprit du temps et des rapports de force, donc également des mobilisations sociales. Cela nous rappelle aussi que la revendication de ces droits est ancrée dans des normes éthiques, et reste fondée même lorsque les normes juridiques sont inexistantes ou insuffisantes. C’est bien la dignité humaine, et non une norme juridique, qui est le fondement des droits humains.

- Les droits environnementaux sont essentiels à la dignité des êtres humains et à leur survie - ils sont une composante des droits humains indivisibles

Champ particulièrement récent et évolutif, les droits environnementaux ont encore des contours difficiles à cerner avec précision. On peut néanmoins en identifier plusieurs composantes et montrer en quoi elles font intrinsèquement partie des droits humains. Le plus connu de ces droits est le droit à un environnement sain, c’est-à-dire le droit de vivre et de travailler dans un environnement qui ne soit pas pollué ni rendu impropre à la vie. Ce droit est, on le voit, très lié aux droits à la santé, à l’alimentation ou à l’eau.

D’autres aspirations concernent plus directement la protection de l’environnement et la préservation de sa biodiversité, de ses richesses ou de son équilibre. Ces autres droits environnementaux appartiennent également aux droits humains en ce qu’ils constituent :

  • une source de revenus : par exemple, la biodiversité pour les agriculteurs (lien avec le droit au travail et à un revenu permettant des conditions de vie décentes) ;
  • une composante du mode de vie : par exemple le caractère sacré de certains lieux ou les modalités coutumières d’utilisation de la terre et des ressources naturelles (lien avec les droits culturels) ;
  • un facteur de développement économique et social : l’utilisation et la gestion des ressources naturelles étant une des facettes du mode de développement choisi par un pays (lien avec le droit à l’autodétermination et le droit au développement) ;
  • une condition de la survie de l’espèce humaine : par exemple, la lutte contre le réchauffement de la planète ou les risques nucléaires (lien avec le droit à la vie).

Signalons que, si certaines associations écologistes font désormais référence à une approche par les droits [2], pour d’autres, la protection de l’environnement se justifie en elle-même, au-delà de toute considération concernant les droits et la dignité des êtres humains. Pour nous, les droits environnementaux sont des droits humains. Or, les droits environnementaux sont aujourd’hui toujours plus menacés, sous l’effet des destructions environnementales croissantes. Il est donc urgent de lutter pour la reconnaissance des droits environnementaux comme composante des droits humains. Il s’agit d’un combat politique, au même titre que ceux qui ont été menés pour aboutir à l’adoption d’instruments nationaux et internationaux protégeant les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.

Face aux critiques et dénégations opposées aux droits environnementaux, on peut également rappelé que ces droits ont, au cours des dernières décennies, commencé à faire l’objet d’une reconnaissance juridique. Depuis plus de trente ans, une multitude de documents juridiques sont en effet venus créer des obligations en matière environnementale, tant en droit interne qu’à l’échelle internationale. Le plus souvent, ces obligations sont inscrites dans des textes spécialisés, tels, au niveau international, la Convention de Vienne sur la protection de la couche d’ozone, la Convention de Rio sur la diversité biologique, la Convention de Bâle sur le transport de déchets dangereux ou le protocole de Kyoto. Au niveau national, elles figurent dans les réglementations qui encadrent les conditions de travail, les activités industrielles, le traitement des déchets ou la protection des réserves naturelles. La protection de l’environnement est désormais également reprise, au moins formellement, dans les directives de certaines institutions internationales, telles que la Banque mondiale ou l’OCDE. Dans certains cas, les aspirations environnementales sont reconnues comme des droits et inscrits dans des instruments de protection des droits humains. Le droit à un environnement sain figure ainsi dans le PIDESC (art. 12) [3], la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (art. 24) ou la Déclaration de Rio de 1992. Les droits environnementaux sont également reconnus dans la constitution de certains pays (Afrique du sud, Brésil, France [4], Madagascar, Namibie, Philippines...).

Soulignons aussi que différents tribunaux ont accepté de protéger ces droits environnementaux. La plupart des affaires concernent le droit à un environnement sain [5] ou la protection de l’environnement comme composante du mode de vie de certaines communautés [6]. Dans une décision qui fit date, la Cour suprême des Philippines a accepté d’examiner une plainte déposée par des parents au nom de leurs enfants et des générations futures et dénonçant les activités de déforestation. Elle a considéré que le principe de responsabilité intergénérationnelle pouvait, en l’espèce, être invoqué, et a consacré le droit à un environnement sain et équilibré, protégé par la Constitution [7]. Signalons pour conclure que si les décisions de justice se fondent fréquemment sur des réglementations sociales ou environnementales ou font dériver la protection de droits environnementaux d’autres droits humains, cela ne signifie en rien que ces aspirations ne sont pas des droits ou n’ont pas de statut autre que dérivé (et partant secondaire). Ces conclusions procèdent de la logique propre aux affaires judiciaires, dans laquelle les juges et les avocats se fondent sur les textes en vigueur pour mettre fin à des violations.


POUR ALLER PLUS LOIN SUR LES DROITS ENVIRONNEMENTAUX...

Références bibliographiques :

BOYLE Alan E. et ANDERSON Michael R., Human Rights Approaches to Environmental Protection, Oxford University Press, 1998, 313p

Amis de la Terre, En lutte pour nos droits : Droits de l’environnement, droits de l’homme, décembre 2004

Sites web :

Pour plus d’informations, consulter notamment les sites suivants :

Voir aussi deux organisations spécialisées sur les normes juridiques environnementales :

Voir enfin le site de l’association argentine Centro de derechos humanos y ambiente (CEDHA) à : http://www.cedha.org.ar

Liste (non exhaustive) de textes juridiques protégeant des droits environnementaux

Conférence des Nations unies sur l’Environnement : Déclaration de Stockholm, 1972

Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), adoptée à Washington par l’Union mondiale pour la nature en mars 1973. Entrée en vigueur le 1er juillet 1975.

Conférence de Vienne organisée par le Programme des Nations unies pour l’Environnement : Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone, adoptée en 1985.

Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, Programme des Nations unies pour l’environnement, mars 1989. entrée en vigueur le 5 mai 1992.

Conférence des Nations unies sur l’Environnement et le Développement (« Sommet de la Terre ») : Rapport de la conférence et Agenda 21, Rio de Janeiro, 3-14 Juin 1992

Convention sur la diversité biologique, Rio de Janeiro, juin 1992

Draft Declaration of Principles on Human Rights and the Environnement, UN Human Rights Commission (U.N. Doc. E/CN.4/Sub.2/1994/9), 1994. [Projet de déclaration de principes sur les droits de l’homme et l’environnement, Commission des Droits de l’homme des Nations unies, 1994]

Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, adoptée le 11 décembre 1997. Entrée en vigueur : janvier 2005

Convention de Rotterdam sur le commerce international de certains produits chimiques polluants, adoptée à Rotterdam en 1998. Pas encore entrée en vigueur.

Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques, protocole additionnel à la Convention de Rio sur la diversité biologique, adopté à Montréal en janvier 2000. Entrée en vigueur le 13 juin 2003.

Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, adoptée en 2001. Non encore entrée en vigueur.

Sommet mondial sur le développement durable, 2002 : Déclaration de Johannesburg, septembre 2002

[1] Par exemple : la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981, la Charte sociale européenne de 1961 ou le Protocole additionnel à la Convention américaine de 1969 relatif aux DESC adopté en 1988.

[1] Par exemple : la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981, la Charte sociale européenne de 1961 ou le Protocole additionnel à la Convention américaine de 1969 relatif aux DESC adopté en 1988.

[2] Voir notamment le récent rapport des Amis de la Terre International : En lutte pour nos droits : Droits de l’environnement, droits de l’homme, décembre 2004, disponible à : http://www.foei.org/fr/publications....

[3] L’article 12 consacré au droit à la santé mentionne « l’amélioration de tous les aspects de l’hygiène du milieu et de l’hygiène industrielle » (« du milieu » étant la traduction du terme anglais « environmental »). Le Comité DESC des Nations unies a étendu le droit à un environnement sain dans ses Observations générales pour considérer que les Etats ont également l’obligation de prendre toutes les mesures raisonnables pour prévenir la pollution de l’environnement ainsi que pour promouvoir la préservation de l’environnement et un développement écologiquement durable dans l’utilisation de leurs ressources naturelles. Voir Observations générales 12, 14 et 15, disponibles à : http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf.

[4] Soulignons, pour la France, l’adoption en février 2005 de la Charte de l’environnement, à valeur constitutionnelle.

[5] Par exemple : Shela Zia v WAPDA PLD (Cour Suprême du Pakistan, 1994) ; Lubbe et al. v Cape (Plc) (Chambre des Lords, Royaume-Uni, 2000) ; SERAC and CESR v Nigeria, (Commission africaine des droits de l’homme, 2001) - affaires présentées dans la base de données:d’ESCR-net http://www.escr-net.org/caselaw/.

[6] Par exemple : Rex Dagi et al. v. (BHP) et the Ok Tedi Mining Ltd (Cour Suprême de Melbourne ; règlement à l’amiable en juin 1996) ; Comunidad Mayagna (Sumo) Awas Tingni vs. Nicaragua (Cour interaméricaine des droits de l’homme, 1996, jugement de 2001) sur ESCR-net : http://www.escr-net.org/caselaw/.

[7] Oposa et al., v. Secretary of the Department of Environment and Natural Resources (G.R. n°101083, 30 juillet 1993), affaire présentée sur dans la base de données d’ESCR-net : http://www.escr-net.org/caselaw/. Un article analyse l’affaire Oposa et la jurisprudence ultérieure développée aux Philippines en défense des droits environnementaux est également disponible sur le site rinoceros à l’adresse : http://www.rinoceros.org/spip.php?a....

document de référence rédigé le : 1er mars 2005

date de mise en ligne : 25 avril 2005

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