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CETIM

Exigeons l’application du droit à l’eau !

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> CETIM, mars 2005

L’eau potable, devenant de plus en plus rare et de plus en plus polluée en raison du mode de développement pratiqué (dans l’industrie et l’agriculture en particulier) à travers le monde, constitue un problème central pour l’humanité. Certains observateurs tirent déjà le signal d’alarme pour que des mesures soient prises afin d’éviter que l’eau ne devienne une source majeure de conflits dans un futur proche.

Quelques données sur l’eau

A ce jour, 1,4 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et près de 4 milliards ne bénéficient pas de conditions sanitaires convenables. Seulement 3% de l’eau de la planète est douce, dont 99% se trouve dans les glaciers ou enfouie dans les couches profondes de la terre. L’humanité n’a donc accès qu’à 1% des ressources aquatiques douces de surface, sachant que la quantité totale d’eau de la planète n’augmente ni ne diminue et que l’eau possède un cycle naturel ininterrompu. De plus, l’eau est répartie de manière inéquitable sur le globe : abondante dans certaines régions, elle est extrêmement rare dans des zones arides [1].

La pollution est le principal facteur de la rareté de l’eau potable. Elle est due essentiellement aux activités industrielles (il faut par exemple 280 000 litres d’eau pour produire une tonne d’acier et 700 litres d’eau par kilo de papier), à l’agriculture intensive avec l’utilisation des produits chimiques très polluants qui ne sont pas biodégradables [2], ainsi qu’à la construction des retenues et autres grands ouvrages (barrages) qui ont non seulement causé la pollution d’environ 60% des 227 fleuves les plus importants de la planète, mais également, depuis les années 1950, le déplacement de 40 à 80 millions de personnes [3].

Beaucoup de maladies ont un lien direct ou indirect avec l’eau et sa qualité :

  • 4 milliards d’épisodes de diarrhée causent 2,2 millions de morts par an, 10 % des populations des pays en voie de développement souffrent par ailleurs d’infections intestinales ;
  • 2 millions de décès sont dus chaque année au paludisme, la maladie affectant près de 100 millions de personnes ;
  • 6 millions de personnes deviennent aveugles par suite du trachome, une maladie oculaire contagieuse ;
  • 200 millions de personnes souffrent de la schistosomiase, une grave maladie parasitaire [4]. En 1972 déjà, l’Organisation des Nations Unies (ONU) alertait la communauté internationale sur les dangers de la destruction de l’environnement, en convoquant la 1ère conférence de l’ONU sur l’environnement et la question de l’eau qui a abouti à la création du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).

Le droit à l’eau est un droit humain

Bien que l’ONU ait multiplié ces trois dernières décennies des réunions internationales sur l’eau et proclamé des journées ou décennies sur la question [5], il est rare que celle-ci soit abordée sous l’angle du droit [6]. Pourtant, plusieurs traités internationaux en matière de droits humains font référence - implicitement ou explicitement - à ce droit.

Les organes compétents de l’ONU s’occupant des droits humains ont accompli un travail important dans ce domaine. En effet, l’article 14 h) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes [7] reconnaît explicitement le droit : « de bénéficier de conditions de vie convenables, notamment en ce qui concerne le logement, l’assainissement, l’approvisionnement en électricité et en eau, les transports et les communications ». L’article 24.2.c) de la Convention relative aux droits de l’enfant [8] exige également des Etats de prendre des mesures pour, entre autres, « la fourniture d’aliments nutritifs et d’eau potable, compte tenu des dangers et des risques de pollution du milieu naturel ».

Quant au 1er paragraphe de l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, il indique que « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires... », reconnaissant implicitement le droit à l’eau étant donné qu’« un niveau de vie suffisant » n’est pas concevable sans eau. Il en est de même pour l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Afin d’apporter un éclaircissement au contenu de ce droit, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, qui est en charge de l’application du Pacte (cf. présentation ci-après), a adopté l’Observation N° 15 [9] qui précise, entre autres, que : « L’eau est une ressource naturelle limitée et un bien public ; elle est essentielle à la vie et à la santé. Le droit à l’eau est indispensable pour mener une vie digne. Il est une condition préalable à la réalisation des autres droits de l’homme ».

Le Rapporteur spécial de la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme sur la réalisation du droit à l’eau potable, en accord avec le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, affirme que « Le droit à l’eau potable et à l’assainissement fait partie intégrante des droits de l’homme internationalement reconnus et peut être considéré comme une composante essentielle pour la mise en oeuvre de plusieurs autres droits de l’homme (droit à la vie, droits à l’alimentation, droit à la santé, droit au logement...) » [10]. Selon le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur le droit à l’alimentation « le terme d’alimentation recouvre non seulement la nourriture solide, mais aussi les aspects nutritionnels de l’eau potable » [11].

Le droit à l’eau est inscrit dans de nombreuses législations nationales

Le droit à l’eau est reconnu également dans de nombreux instruments régionaux [12] et de nombreux pays l’ont inclu dans leur législation [13]. En effet, selon une enquête menée par le Bureau juridique de la FAO sur la base de 69 rapports nationaux soumis entre 1993 et 2003, « il est possible ou probablement possible de saisir la justice dans 54 pays en invoquant le droit à l’alimentation » [14]. A titre d’exemple, tous les droits économiques, sociaux et culturels sont déclarés justiciables dans la législation sud-africaine dont le droit à l’alimentation et celui de l’eau : « le droit d’avoir accès à une nourriture et à de l’eau en quantité suffisante, sous-réserve d’une réalisation progressive » [15].

Malgré cette situation, d’aucuns continuent à prétendre que le droit à l’eau n’existe pas ou qu’il n’est pas assez explicite dans les textes internationaux dont quelques-uns ont été cités ci-dessus. Or, ces derniers sont juridiquement contraignants pour les Etats. Cette mauvaise foi est due sans doute à la tendance actuelle qui, sous l’impulsion des politiques néolibérales, considère l’eau comme un bien économique privatisable pour en faire une source de profits. Imposée, entre autres, aux pays pauvres par la Banque mondiale dans le cadre des politiques d’allègement de leur dette, les privatisations de l’eau dans divers pays ont posé plus de problèmes qu’elles n’en ont résolus.

Privatisation abusive de l’eau

A ce propos, l’exemple de Cochabamba (Bolivie) est édifiant. Les services promis par les sociétés transnationales n’ont pas été honorés ou ont été facturés à des prix prohibitifs, les prix de l’eau ayant augmenté de 400%, condamnant pratiquement à mort les populations concernées. Bien que le gouvernement bolivien, sous la mobilisation forte des habitants de Cochabamba, ait dû revenir en arrière, la « guerre de l’eau » semble avoir recommencé, étant donné qu’une des sociétés transnationales (Abengoa-Espagne), qui avaient signé le contrat de privatisation, a porté plainte auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) pour exiger des indemnisations au gouvernement bolivien (voir à ce propos le communiqué de presse du CETIM).

Le même scénario se répète ces jours-ci à El Alto (deuxième grande ville de Bolivie) où des dirigeants des comités de quartier ont entamé une grève de la faim pour réclamer la collectivisation de la gestion de l’eau de leur ville. Suivant l’exemple de la transnationale espagnole, l’entreprise française Suez-Lyonnaise des Eaux menace le gouvernement bolivien de porter plainte auprès du CIRDI en cas de rupture de contrat [16].

Echaudé par la privatisation abusive, les Uruguayens sont allés plus loin dans leur lutte en inscrivant l’an dernier dans leur constitution, par un référendum qui a recueilli 65% des votes, le droit à l’eau en ces termes : « L’accès à l’eau potable constitue un droit fondamental, dont la réalisation ne peut être assurée par des entités privées » [17]. Bien entendu le gouvernement uruguayen n’est pas à l’abri d’une plainte auprès du CIRDI. A nos yeux, l’arbitrage de cette entité, qui est sous la coupe de la Banque mondiale, devrait être rejeté.

Le système économique et politique qui domine actuellement le monde provoque plus de pollution et de destruction de l’environnement et cela a des conséquences désastreuses sur l’eau. Les privatisations de l’eau conduisent inévitablement à l’affaiblissement des pouvoirs publics alors que ces derniers ont, en vertu du droit international en matière de droits humains, l’obligation de respecter, de protéger et de mettre en oeuvre tous les droits humains dont le droit à l’eau.

Conclusion

L’eau ne peut pas être traitée comme une marchandise, mais doit l’être comme un bien commun de l’humanité et un droit humain. La réaffirmation du droit à l’eau et son traitement en tant que droit humain permettra d’éviter de futurs conflits autour de cette denrée devenue rare et assurera la survie des générations futures. C’est pourquoi, il est très important que tous les secteurs de la société, en particulier les mouvements sociaux, se mobilisent :

  • pour la promotion et le respect du droit à l’eau ;
  • contre la privatisation de l’eau ;
  • pour une utilisation rationnelle et concertée (au niveau national et international) ;
  • pour exiger de leur gouvernement le respect de la primauté des droits humains sur tout accord commercial, conformément aux nombreuses résolutions onusiennes ;
  • pour que leurs gouvernements refusent l’arbitrage du CIRDI.

[1] Cf. « L’eau, patrimoine commun de l’humanité », Ed. CETRI, Alternative Sud, février 2002.

[2] Idem

[3] Cf. Rapport du PNUE présenté au « Sommet mondial pour le développement durable », tenu à Johannesburg du 26 août au 4 septembre 2002

[4] Idem

[5] L’Assemblée générale de l’ONU a proclamé récemment « la période 2005-2015 Décennie internationale d’action, ‘L’eau, source de vie’, celle-ci devant s’ouvrir le 22 mars 2005, Journée mondiale de l’eau » (cf. résolution 58/217).

[6] La plus importante de ces réunions internationales est sans doute celle consacrée à l’eau qui s’est tenue à Mar del Plata (Argentine) en 1977. En effet, la Conférence internationale sur l’eau des Nations Unies a proclamé, entre autres, dans sa déclaration finale que « tout le monde a droit d’accès à l’eau potable en quantité et en qualité égales à ses besoins essentiels ».

[7] Adoptée le 18 décembre 1979 par l’Assemblée générale de l’ONU (cf. résolution 34/180) et entrée en vigueur le 3 septembre 1981. Elle a été ratifiée à ce jour par 170 Etats.

[8] Adoptée le 20 novembre 1989 par l’Assemblée générale de l’ONU (cf. rés. 44/259 et entrée en vigueur le 2 septembre 1990). Elle est ratifiée à ce jour par tous les Etats, sauf les Etats-Unis et la Somalie.

[9] Cf. E/C.12/2002/11, adoptée lors de la 29ème session du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (11-29 novembre 2002).

[10] Cf. E/CN.4/Sub.2/2004/20, élaboré par M. El Hadji Guissé.

[11] Cf. E/CN.4/2001/53, rapport établi par M. Jean Ziegler, Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation.

[12] La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Convention américaine sur les droits de l’homme et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

[13] Par exemple : l’Afrique du Sud, le Chili, la Colombie, la France, l’Indonésie, la Suisse, le Vietnam... la liste n’est pas exhaustive.

[14] Cf. IGWG RTFG 2/INF 1 (Rome, 27-29 octobre 2003).

[15] Cf. E/CN.4/2002/58, rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation.

[16] Cf. Le Courrier du 5 mars 2005

[17] Cf. Le Courrier du 18 novembre 2004.

document de référence rédigé le : 1er mars 2005

date de mise en ligne : 2 mai 2005

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