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CEDIDELP, CRID

Vers la justiciabilité internationale des droits économiques, sociaux et culturels : le projet de « Protocole facultatif additionnel » au Pacte de 1966

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> CRID-Cedidelp, mai 2005

Depuis 1966, les droits économiques, sociaux et culturels, déjà reconnus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, sont inscrits dans une norme juridique contraignante au plan universel : le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ces droits recouvrent un ensemble d’aspirations humaines fondamentales : alimentation, éducation, logement, santé, accès à l’eau et aux services de base, conditions de travail dignes et sûres, liberté syndicale, environnement sain, préservation des ressources naturelles, etc. Longtemps marginalisés par rapport aux droits civils et politiques, ces droits, aussi désignés par l’acronyme « DESC », font depuis deux décennies l’objet d’un regain d’attention. Cette montée en puissance des DESC s’est traduite par un renouveau du discours des Etats et de certaines organisations internationales ainsi que dans les luttes de la société civile.

Une dimension particulière de ce regain d’intérêt réside dans les travaux qui visent actuellement à rendre les droits inscrits dans le Pacte de 1966 justiciables au plan international. Le projet serait de créer une procédure de plaintes permettant aux individus de saisir une instance de recours s’ils s’estiment victimes de violations des dispositions du Pacte. Pour créer une telle procédure de plaintes, l’Assemblée générale des Nations unies devrait adopter un texte venant compléter le Pacte de 1966 (dit « protocole additionnel au Pacte »). Ce court article vise à présenter ce projet d’adoption d’un Protocole additionnel. Il revient d’abord sur le contenu du Pacte de 1966 et sur la nature des mécanismes de contrôle aujourd’hui existants. Il décrit ensuite les apports espérés d’un Protocole additionnel et les évolutions récentes qui ont conduit à la création d’un groupe de travail de l’ONU à son sujet. Il évoque enfin les débats en cours sur sa portée et ses modalités ainsi que les prochaines étapes en vue de son adoption.

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

Ce Pacte (le « PIDESC ») a été adopté en 1966 par l’Assemblée générale des Nations unies, en même temps que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Tous deux viennent prolonger et donner force obligatoire aux droits contenus dans la Déclaration universelle de 1948. Cependant, jusqu’à la fin de la guerre froide, le Pacte relatif aux droits civils et politiques a prévalu sur la scène diplomatique et dans la doctrine juridique, les DESC étant considérés par le bloc occidental comme des aspirations plutôt que comme des « vrais » droits. Depuis le début des années 1990, on assiste cependant à un renouveau des DESC et du PIDESC. D’abord car les juristes et les militants se sont employés à démontrer que les DESC sont des droits aussi essentiels que les droits civils et politiques à la dignité humaine et qui ont la même valeur juridique. Ensuite, parce que le Pacte a été ratifié par un nombre croissant de pays et compte aujourd’hui 151 Etats parties.

Les droits protégés dans le PIDESC incluent notamment : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à tirer parti de leurs ressources naturelles ; le droit de chacun à travailler dans des conditions équitables et satisfaisantes ; à se syndiquer et à faire grève ; à bénéficier de la sécurité sociale ; la protection de la famille (et notamment des mères et des enfants) ; le droit à disposer d’ un niveau de vie suffisant (y compris pour l’alimentation, l’habillement et le logement) ; à avoir accès au meilleur état de santé susceptible d’être atteint ; à l’éducation (y compris l’enseignement primaire universel et gratuit) ; à participer à la vie culturelle et à profiter du progrès scientifique .

Les Etats ont, sur chacun de ces droits, trois niveaux d’obligation juridique : il doivent les :

  • respecter, c’est-à-dire que l’Etat ne doit pas entraver la réalisation du droit considéré ;
  • protéger, c’est-à-dire que l’Etat doit veiller à ce que les tiers (entreprises, groupes armés, autres individus, etc.) ne leur portent pas atteinte ;
  • satisfaire, c’est-à-dire que l’Etat doit prendre toutes les dispositions possibles pour réaliser l’accès de tous les individus au droit considéré.

Le PIDESC ne demande pourtant pas l’impossible aux pays pauvres : les Etats sont en effet tenus d’agir « au maximum de leurs ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte » et doivent pour cela compter avec « l’assistance et la coopération internationale » (art. 2). Il s’agit donc d’une réalisation progressive, qui prend en considération les niveaux de richesse et les ressources disponibles.

Cela n’en signifie pas moins que les Etats ont de véritables obligations aux termes du PIDESC. Ils peuvent être considérés comme manquants à leurs obligations dans les cas où :

  • ils n’agissent pas « au maximum de leurs ressources disponibles ». Cette obligation signifie notamment que les Etats doivent garantir des droits minimaux de subsistance pour tous et empêcher tout retour en arrière dans la réalisation des droits.
  • ils ne respectent pas le principe de non-discrimination dans l’accès aux droits. Il s’agit là d’une obligation immédiate et absolue, qui interdit toute discrimination fondée sur l’âge, le sexe, la couleur, etc. mais protège aussi les plus pauvres. Ne pas privilégier les infrastructures et services de santé primaire peut par exemple, dans certaines circonstances, être considéré comme une violation du principe de non-discrimination.

Le Comité des DESC des Nations unies

En 1985, le Conseil économique et social a décidé la création du « Comité des droits économiques, sociaux et culturels », chargé de surveiller la mise en œuvre du Pacte par les Etats parties. Il se compose de 18 experts indépendants, élus pour quatre ans.

Le Comité a deux fonctions principales :

  • rédiger des documents interprétant et clarifiant les dispositions du Pacte. Ces documents, appelés « observations générales », sont destinées à aider les Etats à s’acquitter de leurs obligations.
  • examiner les rapports périodiques des Etats. Tous les 5 ans en moyenne, chaque Etat est tenu de rendre compte des progrès accomplis dans la réalisation des DESC et des mesures qu’il a adoptées pour y contribuer. sont tenus de soumettre régulièrement quant aux mesures adoptées et aux. Après avoir examiné ces rapports, le Comité peut, dans ses conclusions, émettre des recommandations et conclure le cas échéant à des violations du Pacte.

Ces conclusions exercent, dans une certaine mesure, une forme de contrôle et de pression sur les Etats. C’est d’autant plus vrai que, de plus en plus, des groupes habilités (ONG, syndicats, etc.) soumettent au Comité des rapports parallèles à ceux des Etats et diffusent ses conclusions dans les pays concernés. Néanmoins, ce dispositif n’est pas contraignant et ne permet pas à des individus ou à des groupes de soumettre de saisir une instance de recours en cas de violations. Ce manque est d’autant plus criant que le PIDESC est à ce jour le seul instrument des droits de l’homme du système des Nations unies qui ne dispose pas d’une telle procédure de plaintes. Tel est précisément l’objet du projet de « protocole additionnel » au PIDESC.

Le projet de protocole facultatif au PIDESC

Le projet de protocole vise à permettre aux personnes qui s’estiment victimes de violations des droits protégés par le Pacte de saisir directement une instance de recours internationale. Ils devront pour cela avoir au préalable épuisé les voies de recours internes. Cette procédure de plaintes serait ouverte aux individus et aux groupes, agissant directement ou en se faisant représenter par des groupes mandatés. Sur le modèle de certains dispositifs régionaux, elle pourrait être complétée d’un mécanisme d’enquête permettant au Comité de se rendre dans les pays concernés pour y mener une investigation en cas de violations graves des droits de l’Homme.

Une telle procédure :

  • permettrait d’exposer publiquement des cas de violations et de dénoncer les Etats coupables ;
  • constituerait une voie de recours supplémentaire permettant aux victimes d’obtenir réparation ;
  • préciserait le contenu des droits et des obligations des Etats : elle conforterait ainsi le caractère juridiquement contraignant des DESC et inciterait les Etats à respecter leurs obligations ;
  • rééquilibrerait les garanties apportées aux instruments de l’ONU en matière de protection des droits de l’Homme et contribuerait ainsi à leur indivisibilité ;
  • pourrait encourager les Etats à instituer des procédures de recours au niveau national, ce qui influerait positivement sur la jurisprudence interne.

Ce protocole serait facultatif dans la mesure où les Etats qui ont déjà ratifié le PIDESC pourraient choisir ratifier ou non le protocole. Pour les Etats qui le ratifieraient, celui-ci aurait alors la même force obligatoire que le Pacte.

Les étapes vers l’adoption d’un protocole facultatif

1990 : le Comité DESC commence à débattre d’un projet de protocole facultatif
1993 : la Conférence des Nations Unies sur les droits humains à Vienne mentionne le projet de protocole dans sa déclaration finale, encourageant la Commission des droits de l’Homme (CDH) à en poursuivre l’étude.
1997 : la Commission des droits de l’Homme adopte un projet de protocole facultatif rédigé par le Comité DESC (Document ONU E/CN.4/1997/105).
2001 : la CDH nomme un expert indépendant (M. Kotrane) sur le protocole facultatif (mandat d’un an, renouvelé en 2002).
2003 : la CDH décide de la création d’un groupe de travail ad hoc « chargé d’examiner les options en ce qui concerne l’élaboration d’un protocole facultatif »
2004 : - janvier - février : 1ère session du groupe de travail. Le rapport final rend compte des discussions et conclut à la nécessité de proroger le mandat du groupe (E/CN.4/2004/44).
- mars - avril : la CDH examine le rapport du groupe et renouvelle son mandat pour deux ans, en lui maintenant pour mission « d’examiner les options » (et non « d’aboutir à la rédaction d’un projet » comme le souhaitaient les ONG).
2005 : - janvier : 2ième session du groupe de travail sur le protocole (Rapport : E/CN.4/2005/52).
- mars - avril : 61° session de la CDH. La Haut-Commissaire aux droits de l’homme réaffirme le caractère indérogeable des DESC et la nécessité de les promouvoir au même titre que les droits civils et politiques. Elle appelle à l’entrée en vigueur d’un protocole additionnel relatif au PIDESC.

Les débats en cours dans le groupe de travail

La proposition de créer une procédure internationale de plaintes en matière de DESC est au cœur d’un très vif débat. Les discussions portent tant sur la nature des droits et obligations découlant du Pacte que sur les modalités possibles de la procédure de recours. Elles se sont notamment centrées sur les enjeux suivants :

  • les DESC protégés par le Pacte sont-ils de même nature que les droits civils et politiques ou ne constituent-ils que des objectifs vagues et génériques, sans force contraignante ?
  • les décisions de l’instance de recours ne risquent-elles pas d’interférer avec les choix des Etats en matière de politiques et de dépenses publiques ?
  • les Etats ne risquent-ils pas d’être dénoncés et condamnés pour des violations commises par des acteurs non-étatiques (multinationales et institutions financières internationales), dont ils ne peuvent pas toujours contrôler le comportement ?
  • qu’impliquent les notions de « réalisation progressive », « maximum des ressources disponibles » et « non-discrimination », au vu notamment des différences de richesses nationales ?
  • quelles sont les obligations incombant aux Etats les plus riches en vertu des dispositions du Pacte mentionnant « la coopération internationale et l’assistance technique » ?
  • quels droits ou aspects des droits pourraient faire l’objet de plaintes ? Vaut-il mieux adopter une approche « à la carte » afin de parvenir à un consensus entre Etats ou est-il indispensable d’adopter une approche imposant le respect de tous les droits et tous les niveaux d’obligation ?
  • quelles seraient les entités compétentes pour saisir l’instance de recours : les individus ? les groupes ? directement et/ ou via des organisations chargées de les représenter (ONG, syndicats, communautés organisées ...) ?
  • jusqu’où iraient les pouvoirs de l’instance de recours : pourra-t-elle prononcer des mesures intérimaires, recourir à des procédures d’urgence, enquêter sur le terrain, disposer de mesures de suivi, offrir des remèdes effectifs aux victimes ?
  • un mécanisme de plaintes relatif au PIDESC ne risque-t-elle pas de dupliquer les mécanismes existants au niveau régional ou international (à l’OIT, au Comité sur l’élimination de toute forme de discrimination envers les femmes, etc.) ?

Un certain nombre d’Etats se montrent défavorables, voire extrêmement hostiles, à l’adoption d’un protocole. Citons notamment : les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, la Pologne, l’Egypte et l’Arabie saoudite. Pourtant, le nombre de pays qui lui manifestent leur soutien est en constante augmentation et s’est notamment accru cette année à l’occasion de la deuxième session du groupe de travail. Parmi les Etats favorables, se trouvent : le Groupe des pays d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC) au premier rang duquel l’Argentine, le Brésil, le Chili, le Pérou, le Venezuela et le Mexique ; le Portugal, la Finlande, la Suisse, la Russie, la Croatie et la France. Le groupe des pays africains exprime désormais aussi une opinion plus favorable, notamment sous l’impulsion de l’Afrique du sud, du Burkina Faso ou du Kenya.

Un certain nombre d’ONG sont particulièrement actives dans les travaux du groupe de travail, parmi lesquelles : la Commission Internationale des Juristes, ESCR-net, COHRE, FIAN, la FIDH, Amnesty International et Terre des Hommes. La plupart sont regroupées dans la « Coalition internationale d’ONG pour un protocole facultatif au PIDESC ». Elles défendent notamment les exigences minimales suivantes :

  • que les travaux du groupe aboutissent à l’adoption et à l’entrée en vigueur d’un protocole ;
  • que la procédure combine un mécanisme de plaintes et un mécanisme d’enquête ;
  • que tous les droits et tous les niveaux d’obligation soient pris en compte, afin de ne pas perpétuer de divisions entre les différents droits de l’Homme ;
  • que les plaintes puissent être déposées par des individus et des groupes, tant directement qu’en se faisant représenter par des ONG. Elles souhaitent en outre que l’instance de recours ait des pouvoirs étendus en matière de remèdes, de mesures de suivi, de prononcé de mesures intérimaires et de protection des plaignants.

Le cas de la France

La France n’a pendant longtemps pas eu de position marquée sur la question du protocole. Avec la nomination récente d’un ambassadeur aux droits de l’Homme , elle a pris un rôle plus actif en s’intégrant au groupe des pays promoteurs et en établissant de bonnes relations avec les ONG.

Mais en France comme ailleurs, les citoyens doivent se mobiliser en faveur du protocole. D’abord parce qu’il est essentiel de faire pression sur le gouvernement français pour obtenir la prise en compte des exigences minimales des ONG quant au contenu et aux contours du protocole ; certaines propositions de protocole à la carte ne sont notamment pas acceptables. Ensuite, parce que la mobilisation autour du protocole est l’occasion de mieux faire connaître les DESC et d’insister sur leur exigibilité et leur justiciabilité, au moment même où ces droits sont soumis à de nombreuses attaques dans le contexte actuel de mondialisation économique. C’est donc l’occasion pour les différents mouvements de la société civile de réfléchir ensemble aux moyens de rendre les DESC justiciables, d’abord dans notre propre pays. Cette mobilisation favorisera ainsi également un rapprochement des organisations de solidarité internationale, des syndicats et des organisations de défense des droits.

Les prochaines étapes

Janvier 2006 : 3ième session du groupe de travail.
Pour les ONG, l’enjeu est double : convaincre de nouveaux Etats d’apporter leur soutien au protocole ; participer aux travaux de manière argumentée afin d’obtenir la prise en compte de leurs exigences minimales dans les positions des Etats et dans le rapport final établi par la Présidente du groupe. Leur objectif est également de progresser vers l’élaboration d’un projet de texte (et non de poursuivre les explications à l’attention de certains Etats ni de se limiter à « examiner les options possibles »).

Mars - avril 2006 : 62° session de la Commission des droits de l’homme
Cette échéance est essentielle, car c’est lors de cette session que la CDH va statuer sur la prorogation du groupe de travail et fixer son mandat. Les ONG se mobilisent déjà pour obtenir que le nouveau mandat du groupe consiste à « élaborer un projet de texte ».


Pour aller plus loin....

Documents de base

Liens :

Système des Nations unies :

ONG :

date de mise en ligne : 15 juin 2005

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