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Notre Terre

Etre malade en Inde

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> Notre Terre n°17, janvier 2006

L’Inde a fait des progrès en matière de santé. Les gens vivent généralement plus longtemps, la mortalité infantile est en baisse. La variole a été éradiquée et il en sera peut-être de même pour la lèpre en 2005. Malheureusement, si on regarde ailleurs dans le monde, on constate que nos résultats ne sont pas vraiment brillants. A l’échelle planétaire, l’Inde c’est 23 % de la mortalité infantile, 20 % de la mortalité maternelle, 30 % des cas de tuberculose, 68 % de la lèpre. En matière de santé publique, nous côtoyons au bas de l’échelle certains des pays les moins développés de la planète.

Tourisme médical et menu peuple

De plus en plus d‘étrangers viennent en Inde pour des soins médicaux (opération, transplantation, dents...). L’an dernier ils ont été environ 150 000, et ce chiffre va sans doute augmenter de 15 % au cours de chaque année qui vient. Selon certains experts, cela pourrait peser plus de 100 milliards de roupies (près de 18 millions d’euros) en 2012. Les tarifs sont très concurrentiels : 10 % des coûts européens.

Faut-il en être fier ? Pas si sûr... L’Inde représente 16,7 % de la population mondiale mais 19,5 % de la « charge de morbidité totale ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Il s’agit d’un indicateur désignant le nombre de personnes qui décèdent prématurément d’une maladie et le nombre d’années de vie en bonne santé perdues. Cela donne une idée de l’état de santé d’un pays sur le plan mondial. Et notre pays n’a guère de raison de fanfaronner : voici d’autres chiffres. Plus de la moitié de cette charge de morbidité est attribuée à des maladies contagieuses (diarrhée, paludisme, tuberculose...). Pour un tiers, il s’agit de maladies non contagieuses (cancer, arrêt cardiaque...). Les traumatismes physiques représentent 17 % des décès ou invalidités, et on ajoute le manque de moyens pour les secours d’urgence. Disons aussi que, chaque année, environ 500 000 petits Indiens meurent d’une maladie véhiculée par l’eau. Voyons de plus près ce qu’il en est pour le paludisme et la tuberculose : les deux plus grands tueurs en Inde. Ces deux pathologies ne sont pas inconnues, elles ne sont pas incurables, elles ne nous prennent pas au dépourvu.

Paludisme

Dans les années 1960, une lutte systématique avait été engagée contre ce fléau. De 75 millions de cas on était passé à seulement 100 000. Ce fut une victoire de courte durée : en 1976 on a recensé 6,47 millions de cas, et la souche la plus virulente (plasmodium falsiparum) est en expansion. Les programmes nationaux de lutte antipaludéenne souffrent d’un manque de financement et de la médiocrité des systèmes de santé publique.

Tuberculose

Répétons que l’Inde représente le tiers de tous les cas de tuberculose recensés de par le monde. Quinze millions d’Indiens sont tuberculeux et chaque année 2,2 millions de plus sont contaminés. Certains experts disent que les décès consécutifs à cette pathologie pourraient atteindre les 4 millions dans quelques années. La campagne nationale antituberculeuse est languissante, faute de financements et de stratégies claires et efficaces. Une nouvelle offensive a été lancée avec l’appui de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mais les soins ont toujours bien du mal à parvenir à ceux qui en ont le plus besoin.

Malnutrition

Les maladies se propagent vite parmi la multitude de ceux qui en Inde sont affaiblis parce qu’ils n’ont pas assez à manger ou parce que leur nourriture est trop pauvre en éléments nutritifs pour leur donner une constitution résistante. Les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables. Environ 74 % des enfants indiens sont atteints d’anémie. Pratiquement la moitié des décès d’enfants dans ce pays est liée à la malnutrition.

Que fait l’Etat ?

Voilà pour la tuberculeuse, le paludisme et la malnutrition. Pour les autres programmes de santé publique, c’est largement la même chose : les objectifs sont loin d’être atteints. Pourquoi ? On vient d’évoquer à plusieurs reprises le manque de financements. Il est évident que l’Etat consacre bien trop peu d’argent aux services de santé de base, en principe gratuits. Dans notre pays, seulement 18 % des budgets consacrés à la santé viennent de fonds publics. Cela représente seulement 0,9 % du PIB : c’est dérisoire. La part du secteur privé est donc de 82 %. Cela veut dire que pour obtenir des soins, ici il faut généralement se débrouiller par ses propres moyens, qu’on soit riche, des classes moyennes, ou pauvre ou très pauvre. Sur la foi des statistiques disponibles, on peut dire que l’Etat consacre seulement 200 roupies (3,7 euros) par personne et par an pour la santé : un record mondial, en négatif.

Il existe 22 975 Centres de santé publique (PHC) à travers le pays. Ce n’est pas rien, si ce vaste réseau fonctionnait à bon régime. Malheureusement, toutes ces structures connaissent de multiples problèmes  : seulement 38 % d’entre elles ont suffisamment de médecins, seulement 31 % ont suffisamment de médicaments, et les populations locales n’ont pas leur mot à dire dans la gestion de l’établissement. Les carences du secteur public créent d’énormes disparités dans l’accès aux soins, notamment entre la ville et la campagne. Environ 70 % des Indiens sont encore des ruraux, et ils disposent de seulement 0,36 hôpital pour 100 000 habitants, contre 3,6 en zone urbaine. Dans les campagnes, au dispensaire public, on ne peut pas faire une radio ni une analyse sanguine, ce qui en ville est considéré comme un service essentiel. En 1986, 15 % de la population rurale n’avait pas accès aux soins médicaux  ; maintenant c’est 24 %.

Où sont les docteurs ?

A quoi peut bien servir ce vaste réseau de dispensaires publics si on n’y trouve pas le personnel nécessaire et des soins convenables ? Où les ruraux vont-ils trouver le spécialiste ? Il y a dans ce pays 165 écoles de médecine officiellement reconnues qui produisent 12 000 diplômés chaque année. Un cinquième d’entre eux vont à l’étranger vers des pâturages plus gras, mais la plupart se retrouvent dans le privé. Dans le secteur public, il n’y a donc que 0,2 médecin pour 1 000 habitants.

Le secteur public ne remplit pas sa mission. Le secteur privé est en pleine expansion, et on y trouve de tout : de l’hôpital superbement équipé appartenant à un grand groupe jusqu’à l’officine du charlatan. L’activité est libre dans le secteur privé. Si l’Indien aisé consacre en moyenne 2 % de ses revenus aux dépenses de santé, cette part peut s’élever à 12 % pour les plus pauvres de la campagne et de la ville. Ces gens doivent parfois se résoudre à vendre le peu qu’ils ont, à « hypothéquer  » d’une façon ou d’une autre leurs enfants. Et ils plongent un peu plus dans le dénuement.

L’Inde pouvait-elle faire mieux ?

On peut chercher des circonstances atténuantes. Nous sommes plus d’un milliard et nos gouvernants sont confrontés à une multitude de problèmes. En matière de santé publique cependant, certains pays en développement font pourtant bien mieux que nous. En Chine, l’espérance de vie est de 70,3 ans, contre 60 chez nous. En Chine, la charge de morbidité totale pour les maladies contagieuses est de 18,1 contre 30,3 pour l’Inde. Quelle a été la recette chinoise ? Former des « médecins aux pieds nus » pour délivrer les soins de santé primaire, intégrer la médecine traditionnelle dans le système officiel, mettre en oeuvre des campagnes de médecine préventive (vaccinations massives...). A Cuba, il y a maintenant 1 médecin pour 200 personnes. Le taux de mortalité infantile y est de 7,9 pour mille et l’espérance de vie de 76 ans : aussi bien qu’aux Etats-Unis. Les Cubains ont beaucoup misé sur la médecine préventive et de vastes programmes d’immunisation : le choléra, la polio, les oreillons ont disparu. Ils ont aussi intégré différents types de médecine (phytothérapie, acupuncture...) dans le système général.

Chez nous, deux secteurs de médecine classique cohabitent : le public et le privé. Mais il ne faut pas oublier les praticiens traditionnels auxquels près de 70 % des Indiens ont recours. Dans ce qu’on désigne sous le sigle ISM (Indian System of Medecine), on trouve six traditions médicales distinctes : l’ayurveda, le siddha, l’unani, le yoga, la naturopathie, l’homéopathie. Pour l’ensemble du ISM, on recense 3 004 cliniques, 23 028 dispensaires et 611 431 praticiens déclarés. Il serait bon d’harmoniser tous ces éléments en matière de formation et de recherche. L’ISM peut se développer et rendre d’énormes services, participer plus largement à la solution de nos problèmes de santé à moindre coût. Toutes ces pratiques ont cours en parallèle. Si on pouvait les rapprocher, on gagnerait en efficacité. Il serait bon que certaines pharmacopées traditionnelles, éprouvées et bon marché, trouvent leur place dans les dispensaires publics. Cela a très bien fonctionné à Cuba.

Il semble que l’une des solutions se trouve sur place, au sein de la population, comme le montre ce qui a été fait dans la vallée de Parinche, à 50 km de Pune, dans le Maharashtra. Des femmes ayant reçu une scolarité élémentaire ont été formées sur le tas pour pouvoir dispenser des soins de santé primaire aux gens et aux animaux. Bien intégrées à leur environnement, elles servent également de relais pour diffuser des informations utiles : micro-crédit, gestion de l’eau, assainissement, nutrition, énergie solaire... Ces femmes (on les appelle tais) gèrent aujourd’hui le poste sanitaire de 13 panchayats (= municipalités) de la vallée...Puisque les milliers de docteurs que fabriquent chaque année les facultés indiennes n’ont toujours pas dans leur clientèle les pauvres de nos campagnes.

document de référence rédigé le : 1er janvier 2006

date de mise en ligne : 12 avril 2006

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