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CATHELINEAU Emmanuelle , CHASTANG Sandrine, ISAMBARD Bleuenn, JOBERT Pierre , LE HUEROU Anne

L’agonie tchétchène

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> Peuples en marche, n°193, mars-avril 2004, dossier thématique

A l’heure où nous bouclons ces pages, Poutine n’a pas encore été réélu président de la Russie. L’issue du scrutin - dans ce pays où la presse est à nouveau sous le joug du pouvoir et où la “glasnost” n’est plus qu’une lointaine parenthèse - ne fait pas de doute. Comme il ne fait pas de doute que la Tchétchénie continuera à souffrir. Puisque, en ces temps consensuels de « lutte contre le terrorisme », la communauté internationale ne semble pas décidée à sortir de sa cécité volontaire.


Sommaire :


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Tchétchénie - Crédits PEM
Le Caucase, mosaïque de peuples
  • Azéris : 6,7 millions d’habitants. Musulmans chiites
  • Géorgiens : 3,7 millions d’habitants. Chrétiens orthodoxes
  • Daghestanais : 1,6 millions d’habitants. Musulmans
  • Ossètes : 0,335 million en Ossétie du Nord et 0,164 en Géorgie. Majoritairement chrétiens orthodoxes.
  • Kabardes : 0,363 million. Islamisés au XVIIIème siècle, groupe ethnique turc
  • Ingouches : 0,197 million. Musulmans, regroupés avec les Tchétchènes sous le terme de Vaïnakhs.

Source : Atlas des peuples d’Orient, André et Jean Sellier, La Découverte, 1993, rééd. 2002.

L’agonie tchétchène

Soucieux de ménager leurs relations avec le “grand frère” russe, les Européens font mine de croire le discours de Moscou, qui affirme que la “normalisation” est en cours en Tchétchénie. Mais derrière les mots, les faits sont têtus. Et le discours ne colle absolument pas au quotidien vécu par les Tchétchènes.

Un discours, c’est d’abord une terminologie. Des mots choisis à dessein, réfléchis, savamment soupesés. En la matière, la guerre menée par Moscou en Tchétchénie constitue un cas d’école. Très vite, après le début de la guerre, Moscou a affirmé qu’il s’agissait non pas d’une guerre mais d’une « opération anti-terroriste ». L’été 2003, date à laquelle la direction des opérations a été confiée au ministère de l’Intérieur, marque un nouveau glissement sémantique : en Tchétchénie, Moscou se livre à une simple « opération de police » intérieure. En d’autres termes, « Circulez, il n’y a rien à voir. »

Pourtant, les faits sont là qui contredisent les mots. Dès 2000, une administration tchétchène pro-russe est mise en place à la tête de laquelle est placé Akhmed Kadirov, ancien moufti de Tchétchénie. Elle même est suivie par ce que Moscou a qualifié de « processus démocratique », en l’occurrence l’organisation, en mars 2003, d’un référendum portant sur l’adoption d’une nouvelle constitution pour la République Tchétchène, puis la tenue d’élections présidentielles et parlementaires. Ce référendum s’est tenu le 23 mars 2003, et partait d’un postulat non négociable : la Tchétchénie fait partie intégrante de la Russie...Officiellement, le taux de participation a été supérieur à 80%, et 96% des électeurs ont voté “oui” au référendum. L’auteure de l’article, présente justement en Tchétchénie en mars 2003, peut affirmer, avec d’autres, qu’il s’agissait là d’une véritable mascarade. Il n’y a évidemment pas eu 80% de personnes qui sont rendues aux urnes. Même chose pour les élections présidentielles du 5 octobre 2003 : 87,7% d’électeurs ne se sont pas déplacés pour aller voter à 85% pour Kadirov, l’officiel nouveau président de la République Tchétchène.

La guerre au quotidien

Il est utile d’évoquer le contexte dans lequel se déroule ce processus de normalisation. D’abord, il ne faut pas oublier que les Tchétchènes vivent au quotidien une situation de guerre. Même si les grosses opérations de guerre - bombardements, nettoyage massif - sont à peu près abolies (et encore, pas partout), la population vit dans une complète insécurité. Que ce soit dans les maisons, à l’hôpital, et même en Ingouchie voisine.

Depuis quelques mois, ce que l’on appelle les « opérations ciblées » se généralisent : les gens peuvent être arrêtés chez eux à tout moment du jour ou de la nuit par des hommes souvent masqués. La population se trouve prise en étau entre, d’un côté, le silence (les Tchétchènes se sentent abandonnés de tous) et, de l’autre, une violence qui vient maintenant de toutes parts : des Russes évidemment, mais aussi des Tchétchènes eux-mêmes. Kadirov s’est en effet entouré depuis janvier 2003 de ceux que l’on appelle les Kadirovtsy, des milices qui sèment la terreur sans vergogne et dans l’impunité la plus parfaite. Que ce soit à Grozny ou dans les villages tchétchènes, ces miliciens agissent au vu et au su de tous. Avec une violence incroyable. Les gens se retrouvent donc dans une situation où ils n’ont plus personne vers qui se tourner, et se trouvent aujourd’hui dans une situation de désespoir complet.

Pas de liberté de mouvement

Mais le “processus de normalisation”, ce sont également des élections et des consultations dites “démocratiques” qui se déroulent dans un pays où n’existe pas de réelle liberté de mouvement. Par exemple, un jour d’élections, les gens ont peur de sortir de leur maison, peur d’aller dans tel ou tel village, ou jugent au contraire plus prudent de quitter la ville. Beaucoup ont ainsi préféré fuir Grozny lors des élections. La campagne elle-même s’est déroulée dans une atmosphère malsaine et anti-démocratique, dans un contexte de peur généralisée. Et tandis que, sur place, les gens vivent cette situation de guerre où ils sont partout en insécurité, ailleurs - et surtout en Europe - on veut croire le beau discours russe, cet insupportable « tout va bien, c’est la normalisation ». Les Tchétchènes sont totalement niés, et le ressentent très fortement.

Le but de ce processus de normalisation est pourtant facile à comprendre : il entérine définitivement le refus des autorités de négocier avec la partie adverse. C’est une façon pour Poutine de dire en substance : « Vous voyez, j’ai ma solution négociée politique », en faisant l’impasse sur les Tchétchènes. Ce refus de Moscou de négocier avec Maskhadov (président légitimement élu en 1997 sous surveillance de l’OSCE) conduit à cette situation absurde : il y a en Tchétchénie deux présidents. L’un, élu démocratiquement, mais mis “hors la loi” par l’occupant russe. Et un autre, Kadyrov, pantin de Moscou et méprisé par une grande majorité de la population tchétchène.

Mais cette normalisation est également l’occasion de mettre définitivement au pas cette population tchétchène, ces civils qui sont dans une situation où ils n’ont de toute façon plus rien à dire puisqu’ils ont leur soit-disant “normalisation”. Qu’ils aillent voter ou non, on les fait de toute façon voter. C’est le paradoxe : puisqu’ils votent, ils n’ont plus aucune voix. Le tout dans un silence assourdissant, puisque la Tchétchénie vit dans un huis clos complet. Définitivement, c’est « Silence, on tue ».

Bleuenn Isambard & Pierre Jobert


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Grozny, janvier 1995 - Après la bataille pour la prise de Grozny par les forces russes - Photo © Stanley Greene, Agence VU

Du XVIIIe siècle à aujourd’hui, la « pacification » sans fin

Les tsars ont voulu les intégrer à l’Empire russe, la révolution de 1917 les a combattus, Staline les a massivement déportés, et Poutine tente aujourd’hui de les mater dans le sang. Chronologie de trois siècles d’histoire russo-tchétchène.

Le conflit qui oppose aujourd’hui Tchétchènes et Russes n’est pas - en dépit de la violence et des exactions qui le caractérisent - une nouveauté. Depuis la fin du XVIIIème siècle, date du rattachement du territoire tchétchène à l’Empire russe, les conflits se sont multipliés. L’instauration du pouvoir russe s’est faite contre une forte résistance de la population tchétchène, et l’empire a dû lutter contre plusieurs insurrections au cours du XIXème siècle. Après la révolution de 1917, l’enracinement du pouvoir soviétique s’est fait au prix de violents combats. Une république soviétique des Tchétchènes et des Ingouches est finalement créée.

En 1944, invoquant une fallacieuse collaboration avec les nazis, Staline fait déporter la quasi-totalité des Tchétchènes au Kazakhstan. 400 000 Tchétchènes meurent en déportation, tandis que le pouvoir stalinien sape la mémoire et la culture de ce peuple. En 1957, Khrouchtchev réhabilite les Tchétchènes qui retrouvent leurs terres. Mais la déportation devient un élément constitutif de la mémoire tchétchène.

Effondrement soviétique

Sur fond d’effondrement de l’Union soviétique intervient la proclamation de la souveraineté de la République tchétchène d’Itchkérie, à la tête de laquelle se fait élire Djokhar Doudaev, ancien général de l’armée soviétique, à l’automne 1991. L’Ingouchie se sépare de la Tchétchénie en juin 1992.

Cette même année 1992, après un conflit avec le Parlement, Doudaev instaure un régime présidentiel autoritaire, alors que la situation économique se dégrade dangereusement. Moscou, qui n’a jamais reconnu l’indépendance de la Tchétchénie, impose un blocus économique et soutient militairement l’opposition à Doudaev. Sa stratégie est d’instaurer un régime pro-russe.

1994-1996 : La première guerre de Tchétchénie

Le 11 décembre 1994, les forces armées de la Fédération de Russie interviennent pour « rétablir l’ordre constitutionnel » et lutter « contre les bandes armées illégales ». Moscou prévoit une guerre courte. Elle durera près de deux ans.

En janvier 1995, après un mois de pilonnage intensif, Grozny est occupée par les Russes, qui tentent de mettre sur pied un gouvernement tchétchène pro-russe. Zavgaev, ancien premier secrétaire du parti communiste, est élu à l’occasion d’un scrutin organisé par Moscou et boycotté par les indépendantistes.

Mais le mécontentement de l’opinion publique russe conduit, à l’approche des élections présidentielles, à proclamer la fin de la guerre. Un cessez-le-feu est signé en mai 1996 et, entre les deux tours de l’élection présidentielle, Boris Eltsine signe un décret prévoyant le retrait partiel des troupes russes.

Pourtant, dès le lendemain de sa réélection, Eltsine relance les hostilités. Les combattants tchétchènes reprennent Grozny en août 1996, et le général russe Lebed doit signer un nouveau cessez-le-feu avec les indépendantistes.

Le bilan de cette première guerre de Tchétchénie est lourd. La population civile paie le prix fort : bombardements massifs, pillages, vols, massacres, tortures... Les forces russes n’hésitaient pas à “revendre” les prisonniers (vivants ou morts) à leurs proches. Les pertes civiles sont estimées à 70 000 morts. Entre 3 000 et 10 000 soldats russes y trouvent la mort.

1996-1999 : entre deux guerres

Le dernier accord russo-tchétchène prévoit un règlement définitif du statut de la Tchétchénie au 31 décembre 2001.

En janvier 1997, les dernières troupes russes quittent le territoire tchétchène et le 27 janvier Aslan Maskhadov, le chef indépendantiste, est élu président le République tchétchène d’Itchkérie avec près de 60% des voix, lors d’élections reconnues démocratiques par l’OSCE. Il se trouve à la tête d’un pays dévasté, où vont se développer criminalité et prises d’otages.

Le 12 mai, le nouveau président signe avec Boris Eltsine un accord de paix stipulant que les deux parties s’engagent à « abandonner pour toujours l’usage de la force et la menace d’utiliser la force dans toutes les questions litigieuses, et à maintenir des relations en accord avec les principes généralement reconnus et les normes du droit international ».

Pays dévasté

Le pays est exsangue. Seule 10% de la population de la population occupe un emploi légal. Moscou n’a jamais honoré l’engagement pris lors de la signature de l’accord de paix de participer à la reconstruction du pays. Les trafics divers (pétrole, armes, drogue, fabrication de faux billets...) se sont multipliés, de même que les enlèvements, les prises d’otages, l’utilisation de prisonniers comme monnaie d’échange. Ce qui a contribué à un désengagement des ONG et à un isolement de fait de la Tchétchénie.

Dans le même temps, le mouvement wahhabite (interprétation fondamentaliste de l’Islam) s’est implanté, fort de ses importantes ressources financières.

Par ailleurs, le gouvernement a proclamé que la charia aurait force de loi en Tchétchénie lorsque les relations avec la Russie seraient normalisées, et l’existence de tribunaux islamiques a été accepté.

Pierre Jobert, d’après un rapport de la FIDH


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Carrefour de Minoutka, Grozny, janvier 1995 - Un commandant tchétchène, mort au combat, est emporté, en silence, par ses compagnons - Crédits Stanley Greene (Agence VU)

Elections russes 2004 : Circulez, y’a pas débat...

Aucun véritable débat, pas de liberté de la presse. Dans ces conditions, la Tchétchénie a été la grande absente de la campagne présidentielle russe. Une absence qui, paradoxalement, souligne l’enjeu que constitue la situation en Tchétchénie. Analyse de Anne Le Huérou [1].

Entretien avec Anne Le Huérou, propos recueillis par Pierre Jobert

- Peuples en marche - Quelle place a occupé la Tchétchénie dans la campagne pour les élections présidentielles russes ?

Anne Le Huérou - Je crois qu’il est d’abord essentiel à souligner que les Russes ont eu affaire à une non-campagne. L’issue du scrutin ne faisant pas de doute et Vladimir Poutine n’ayant pas daigné faire campagne, les Russes ont été confrontés à une campagne sans aucun débat. Que le gouvernement ait été limogé et remplacé à quelques jours d’un scrutin où le président sortant est donné largement vainqueur témoigne d’une pratique politique inédite mais révélatrice du message que Vladimir Poutine veut faire passer : il a les cartes en main et c’est lui qui mène le jeu. De l’imposition des règles du jeu par le pouvoir en place et du peu de cas qu’il fait des procédures démocratiques...
Il faut également rappeler que, lors de la précédente campagne électorale [2] - celle des élections à la Douma, la Chambre basse du parlement russe - les électeurs avaient déjà vécu une “non-campagne”. Iabloko, le parti libéral russe, a d’ailleurs préféré appeler au boycott de l’élection du 14 mars, qu’il qualifie de véritable « farce politique ».
Pas étonnant donc que, dans cette non-campagne, la Tchétchénie soit un “non-sujet”. Personne n’en parle, ou presque. Irina Khakamada, candidate indépendante, est sans doute la seule à porter la critique en ce qui concerne la politique russe en Tchétchénie. Encore le fait-elle de manière indirecte : elle l’évoque davantage pour critiquer la dérive autoritaire du pouvoir - notamment en faisant référence à l’attentat au Théâtre Nord-Ost de Moscou (en octobre 2002, un commando tchétchène avait retenu plus de 800 personnes en otage, 130 personnes y avaient trouvé la mort, succombant aux gaz utilisés par les forces de l’ordre, NDLR) - que pour condamner sur le fond la politique tchétchène de Poutine.
La gestion des attentats survenus il y a quelques semaines dans le métro de Moscou est à cet égard révélatrice : des commandos tchétchènes ont d’abord été mis en cause, mais le pouvoir a ensuite tenté de mettre cette thèse entre parenthèses. Comme si imputer ces attentats aux Tchétchènes risquait, cette fois, d’être contre-productif pour le pouvoir. On a parfois l’impression que la Tchétchénie est évoquée et utilisée en fonction des circonstances, au gré des opportunités... Mais comment ne pas voir que le silence sur la Tchétchénie dans la campagne est “assourdissant” et révélateur d’évolutions inquiétantes en Russie en termes de possiblité d’un débat démocratique et d’existence d’une société civile.

- Pem - Quelle a été le rôle des médias russes ?

A.L.-H. - Il a été très différent de la première guerre : dans un paysage médiatique pluraliste, de nombreuses voix s’élevaient alors contre la guerre. Aujourd’hui, tous les grands médias audiovisuels sont sous contrôle du pouvoir. Dans les différentes chaînes de télévision, les capitaux publics sont majoritaires. Par ailleurs, le traitement de l’information a changé : jusqu’à il y a un an ou deux, les médias traitaient de la Tchétchénie au moyen d’une propagande rappelant sans cesse les succès de l’armée dans la lutte contre les “bandits” ou les “terroristes”, recouraient fréquemment aux montages. Le pouvoir avait alors besoin de montrer sa force à l’opinion. Aujourd’hui, il n’a même plus besoin de communiquer sur la Tchétchénie...
Des médias moins inféodés au pouvoir ont beaucoup de mal à travailler. Le rédacteur en chef de la radio Echos de Moscou a fait état des pressions dont sa station est victime.
Autre exemple révélateur : le grand institut de sondages russe VTSIOM disposait, il y a quelques mois, d’enquêtes d’opinion montrant qu’une majorité de Russes était favorable à l’ouverture de négociations pour sortir de l’impasse Tchétchène. Peut après, les autorités prenaient le contrôle du VTSIOM, obligeant l’équipe en place à démissionner pour recréer un nouvel institut. Dans ces conditions, ce sont sans doute les différents sites internet spécialisés qui offrent l’information la plus riche. Il est hélas difficile de savoir qui les animent. Reste que, globalement, depuis plusieurs mois, l’atonie est terrible en matière d’informations sur la Tchétchénie. Il faut aussi redire que contrairement au premier conflit, cette guerre se déroule à huis-clos, inacessible à un travail normal des journalistes comme des associations humanitaires.

- Pem - La société civile russe opposée à la guerre ne parvient donc pas à se faire entendre ?

A.L.-H. - Il faut bien constater qu’elle est très minoritaire, l’opinion dans son ensemble soutenant Poutine et son action. Mémorial (lire p.16) fait un excellent travail de recueil de témoignages, mais est plus connu à l’étranger qu’en Russie. Quant aux Mères de soldats (à l’exception de l’organisation de St-Petersbourg, plus radicale et fondamentalement opposée à la guerre), si elle a été très en pointe lors de la première guerre de Tchétchénie, elle l’est beaucoup moins aujourd’hui. Il est parfois difficile de comprendre son positionnement. De plus, le secteur associatif est de plus en plus en butte aux tracasseries, encore plus lorsqu’il s’agit d’organisations de défense des droits de l’homme.

- Pem - Pourtant, la répression se poursuit en Tchétchénie ? Quelles sont les attentes de la population tchétchène vis-à-vis de ces élections ?

A.L.-H. - Il faut avoir conscience que cette population est complètement écrasée, et n’attend plus grand chose de personne. Sur le terrain, la “normalisation” conçue par Moscou continue sa marche inexorable qui s’est accélérée ces derniers mois : poursuite de la “tchétchénisation” des structures administratives et surtout répressives qui fait planer le risque d’une guerre civile dont les Russes se laveraient les mains, militarisation du pays (80 à 100 000 hommes sont stationnés en Tchétchénie), retour forcé des réfugiés après la fermeture de presque tous les camps en Ingouchie, alors que la sécurité de la population ne peut être assurée et que la reconstruction est inexistante. Et la répression se poursuit, prenant de plus en plus la forme de représailles ciblées, parfois provoquées par la vengeance ou la délation.
Dernièrement, un des commandants tchétchènes les plus combatifs a été éliminé. Peu de temps après, la famille du ministre tchétchène de la Défense de Maskhadov (le président élu sous contrôle de l’OSCE) a été enlevée par des commandos tchétchènes pro-russes. Pour que la menace de mise à mort de ces otages soit levée, le ministre a dû se rendre... Ce qui a bien entendu constitué une victoire politique pour le président russe quelques jours avant les élections. Après le 14 mars, l’urgence sera, encore et toujours, de soutenir la société tchétchène, traumatisée et déstructurée par 10 années de guerre.


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Asia, infirmière et résistante, 1995 - Crédits Stanley Greene (Agence VU)

La Communauté internationale face à la guerre : silence, on tue...

L’évolution de la position de la France et des institutions internationales à l’égard de la question tchétchène prouve que le silence n’est pas une absence de réaction mais bien un choix politique aux conséquences désastreuses. Pour les Tchéchènes, bien sûr, qui le paient cher. Mais pour les démocraties aussi, qui s’assoient sans scrupules sur les droits de l’homme.

L’alternance gouvernementale est passée par là. Certes, la position de la France vis-à-vis de la question tchétchène avait molli à partir de l’été 2000 puis de manière flagrante après le 11 Septembre 2001. Mais avec l’alternance gouvernementale de 2002, elle a subi une métamorphose radicale.

Jusqu’alors, Hubert Védrine, ministre français des Affaires étrangères, jonglait entre diplomatie amicale et fermes condamnations. La France a tenté d’utiliser certains moyens de pression sur la Russie mais la menace très forte que Paris faisait peser sur le sommet d’Istanbul de novembre 1999, qui aurait pu être décisive, s’est soldée par un échec : non seulement la Charte de sécurité européenne a été signée, mais la déclaration finale du sommet n’a évoqué la situation dans le Caucase que dans un bref paragraphe et en des termes peu virulents. La France a dès lors justifié son inaction par l’isolement dont elle faisait l’objet sur la scène internationale.

L’opinion publique portait alors le discours du ministère des Affaires étrangères ; celui-ci répondait à l’indignation de l’opinion. Dès que la mobilisation a faibli et que la Fédération de Russie s’est montrée moins visiblement barbare pour se rapprocher de l’image du « voisin que nous voulons pour l’Europe », le discours français s’est modéré. Pourtant, même après le 11-Septembre, Hubert Védrine continuait d’affirmer que la seule manière de lutter efficacement contre le terrorisme était de traiter ses racines, et refusait de céder au manichéisme ambiant.

Avec le changement de majorité, Dominique de Villepin rompt avec la politique “mi-chêvre, mi-chou” menée par la gauche en période de cohabitation : la France est désormais pro-russe et ne craint pas de l’affirmer haut et fort. Ce qui se traduit par l’absence de plus en plus fréquente de la question tchétchène dans les discussions bilatérales, par le silence absolu fait autour de l’utilisation de gaz et de la responsabilité du gouvernement russe dans la mort des otages du théâtre de Moscou en octobre 2002, et par une lecture désormais simpliste de la situation. La Tchétchénie est incorporée à la « menace globale » que constitue le terrorisme international et Poutine a droit à une avalanche d’hommages lors de sa dernière visite à Paris : si certains ont choisi de se bander les yeux, la France a décidé elle de regarder la situation à travers l’œil russe. Et c’est particulièrement inquiétant.

L’Union européenne

Côté européen, la décision avait été prise en 1999 de recentrer le programme de coopération entre l’Union Européenne et la Fédération de Russie (TACIS 2000) sur des axes liés à la démocratisation de cette dernière. C’est l’unique mesure concrète ayant été adoptée par l’UE. Et on ne peut pas dire qu’elle a été réellement vécue comme une pression par la Russie...

En revanche, l’Union Européenne n’a cessé de présenter des propositions de résolution sur la Tchétchénie à la Commission des droits de l’homme des Nations unies. Les deux premières (en 2000 et 2001) ont été adoptées, les deux suivantes (en 2002 et 2003) rejetées par une majorité d’Etats membres. Ce rejet n’a fait l’objet d’aucune déclaration indignée de la part du Conseil, qui est l’organe décisionnel de l’UE. Il faut dire qu’entre temps le 11-Septembre a transformé l’analyse du contexte tchétchène faite par les Etats membres de l’Union. Ceux-ci ont certes toujours condamné les actes terroristes, mais alors que l’Union Européenne refusait de réduire la question tchétchène à cette seule dimension, la Tchétchénie est subitement devenue, après le 11-Septembre, l’un des centres du terrorisme international...

Mais si l’UE ne souhaite pas froisser son puissant voisin, la Tchétchénie reste un sujet de préoccupation humanitaire : ECHO (l’Office d’aide humanitaire de l’Union européenne) est le premier bailleur de l’assistance humanitaire dans la région. Un alibi en or pour justifier l’absence de positionnement politique...

Au Parlement européen

Lieu de débat démocratique par excellence, le Parlement Européen est plus véhément. Onze résolutions concernant la Tchétchénie ont été adoptées entre 1999 et 2003. Si, jusqu’en février 2001, le Parlement entend contrecarrer l’excès de confiance accordé à la Fédération de Russie et interpeller le Conseil, l’unique résolution de 2002 est beaucoup plus nuancée. En octobre, la “normalisation” vole en éclats au Théâtre de Moscou et la Tchétchénie s’invite à nouveau dans les médias occidentaux. La résolution de juillet 2003 apparaît dans la presse comme un acte fort en raison de la qualification juridique des exactions des forces russes : “crime de guerre” et “crime contre l’humanité”. Pourtant, par comparaison aux précédentes, cette résolution s’apparente plus à une dénonciation informative qu’à une incitation à exercer une pression politique. Le référendum en Tchétchénie, bien qu’entaché d’irrégularités, est considéré comme un véritable premier pas vers la stabilisation tandis que l’« éradication totale de ce fléau [le terrorisme] dans la province participe également de la lutte internationale contre le terrorisme ». Poutine ne l’aurait pas mieux dit... Ainsi, le Parlement européen a perdu sa dimension d’organe de pression.

Au Conseil de l’Europe (44 Etats)

Au sein du Conseil de l’Europe, deux voies particulièrement différentes s’expriment : celle du Comité des ministres, instance de décision composée des ministres des Affaires étrangères des Etats membres ou de leurs représentants, et celle de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), composée de 313 membres élus ou désignés par les parlements nationaux. Ces deux institutions se sont opposées jusqu’en 2000 sur la question tchétchène, l’APCE jugeant inacceptable l’absence de dénonciation des exactions perpétrées par la Fédération de Russie de la part du Comité. Les réponses de ce dernier ont effectivement pris la forme d’un véritable plaidoyer pour la Fédération, d’une mauvaise foi manifeste. L’APCE recommande alors au Comité de reconsidérer l’appartenance de la Russie au Conseil de l’Europe et suspend le droit de vote de la délégation russe à l’Assemblée.

Néanmoins, cet acte fort est rapidement remis en question : en janvier 2001, l’Assemblée ratifie les pouvoirs de la nouvelle délégation russe. S’ouvre alors une ère caractérisée par un espoir dans la coopération : l’accent est mis sur les progrès réalisés et sur les mécanismes de coopération nouvellement créés, tel le Groupe de travail mixte.

Le processus qui s’opère à partir de 2002 tend à déresponsabiliser de manière directe le gouvernement russe. Ainsi, en janvier 2003, l’APCE estime que les autorités russes ne « semblent pas capables » de mettre un terme aux violations des droits de l’homme en Tchétchénie. Incapables, mais pas forcément responsables... Le ton des résolutions se fait plus calme, explicatif, moins revendicatif. En avril 2003, l’APCE envisage la création d’un tribunal ad hoc pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis en Tchétchénie : c’est un moyen extrêmement intelligent d’agir contre l’impunité en ménageant les relations diplomatiques, tout en sachant que cette mesure amènerait indubitablement à engager la responsabilité directe des dirigeants politiques et militaires russes. Par conséquent, cette résolution possède une valeur symbolique très forte : au milieu du défilé de courbettes, l’APCE a décidé de lever la tête. En vain...

Concernant la thématique terroriste, l’APCE ne rentre pas, même après le 11-Septembre, dans le jeu du discrédit et de la diabolisation. Elle s’évertue au contraire à distinguer combattants et actes terroristes, reconnaissant indirectement la légitimité de la lutte des Tchétchènes.

Les textes de l’APCE sont intéressants car ils sont les seuls à tenter de définir ce que devrait être le rôle de la communauté internationale : « Les habitants de la République tchétchène n’ont pas simplement droit à notre compassion, ils ont aussi droit à notre protection ». C’est ainsi la responsabilité de chaque Etat membre du Conseil de l’Europe qui est rappelée : ils ont la possibilité (et le devoir) de saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Par conséquent, s’ils n’agissent pas, c’est qu’ils n’ont pas la volonté de le faire.

Mais malheureusement, constater l’absence de volonté politique ne change rien à cet état de fait. Un député formulait ainsi, en avril dernier, cet aveu d’impuissance : « Cependant, nous le savons tous, cette proposition n’aboutira pas, elle ne franchira pas le niveau des ministres des Affaires étrangères ! Nous sommes en fait renvoyés une fois de plus à notre impuissance. Cette Commission n’existera pas, ce tribunal ne se réalisera pas. Encore un propos dans le vide ! »

Conclusion déprimante mais pragmatique d’un désir d’agir confronté au mur de la realpolitik...

Aux Nations unies

Deux résolutions de la Commission, trois rapports du Haut Commissaire : les documents disponibles et existants en provenance des Nations unies concernant la situation des droits de l’homme en Tchétchénie sont bien peu nombreux.

A une fermeté croissante jusqu’en 2001 a succédé une démission sans rémission. Bien que dénuée de moyens coercitifs, la réaction virulente des autorités russes à l’encontre des résolutions révèle leur forte valeur symbolique. Les deux dernières résolutions n’ont pas été adoptées et, par voie de conséquence, le Haut Commissariat n’est plus mandaté pour réaliser des rapports sur la situation des droits de l’homme en Tchétchénie. Aux Nations unies, la question tchétchène est désormais absente des organes spécialisés sur les droits de l’homme...

Les organisations internationales semblent donc globalement convaincues que la situation en Tchétchénie est “normalisée”. La dernière résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe s’apparente à un geste de désespoir : quitte à frapper dans le vide, autant frapper fort ! Olivier Dupuis, député européen, s’est lancé dans une grêve de la faim en janvier. Pour que l’opinion publique, elle aussi bien trop silencieuse, réagisse et impose à ses représentants un autre choix politique.

Emmanuelle Cathelineau


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Tchétchénie - Crédits Anne Le Tallec (Acat) 1

Réfugiés tchétchènes en France : la roulette russe

Peu nombreux à demander l’asile en France, les Tchétchènes subissent le contexte sécuritaire et les mesures qui tendent à limiter le droit d’asile. Et la France n’hésite pas à vouloir les renvoyer parfois à... Moscou.

Les Tchétchènes en France ne sont pas très nombreux, peut-être 2 ou 3 000. Ils arrivent en général comme demandeurs d’asile. Depuis un an ou deux, le chiffre des arrivées paraît stable même si, actuellement, les demandes semblent un peu plus nombreuses du fait des mesures tendant à accélérer les procédures. La majorité d’entre eux obtiennent le statut de réfugié, souvent en appel suite à un premier refus - avec, parfois, des vagues de refus, généralement argumentés par le manque de preuves permettant d’attester que le demandeur est bien un ressortissant tchétchène. Il semble d’ailleurs que, depuis quelque temps, les refus augmentent, sans qu’il y ait de doute sur l’appartenance du demandeur à la communauté tchétchène. Et on assiste même à des traitements particulièrement choquants à l’encontre des demandeurs d’asile.

Atteinte au droit d’asile

Ainsi, le 16 février 2003, une famille Tchétchène refuse d’embarquer dans l’avion à l’aéroport de Roissy. Le père, la mère et un enfant de 3 ans, arrivés le 3 février, comptaient déposer immédiatement une demande d’asile. Ce droit leur ayant été refusé, on s’apprêtait à les expulser vers Moscou. Suite à l’intervention du Comité Tchétchénie1 qui a engagé un recours contre la décision, la famille ne sera pas expulsée et le tribunal de Cergy conclura même à une atteinte grave et illégale à une liberté fondamentale : celle de demander l’asile. On savait que les différentes modifications des lois en matière d’entrée sur le territoire français réduisaient considérablement le droit d’asile. Mais penser que la France puisse renvoyer des Tchétchènes à Moscou, même sans être fin connaisseur de la région, pose question...

Daniel Mihailovic, du Comité Tchétchénie, explique qu’il est déjà arrivé qu’une famille tchétchène soit expulsée vers Moscou. C’était en octobre 2003. Mais jusqu’à présent, de tels cas n’avaient jamais été évoqués. Cette pratique pourrait-elle se généraliser ? Pas vraiment : les Tchétchènes fuient habituellement par voie terrestre, et rares sont ceux qui arrivent par avion. Mais l’exemple tend pourtant à confirmer une hypothèse : l’accueil réservé aux demandeurs d’asile tchétchènes semble épouser le changement d’attitude du gouvernement français vis-à-vis de la Russie...

Bien sûr, les Tchétchènes subissent, comme les autres, les effets des multiples mesures qui tendent à limiter le droit d’asile (lire encadré) et subissent, comme les autres étrangers, les renforcements successifs d’une législation sécuritaire. Les Tchétchènes sont ainsi l’objet de plus de contrôles, d’arrestations et, de ce fait, courent de plus grands risques d’expulsion.

Il est clair par ailleurs que, pour le ministère de l’Intérieur, être tchétchène est une qualité rédhibitoire : le terme est synonyme de “bandit”, voire plus clairement de “terroriste”. Il semble en effet qu’une véritable paranoïa se soit développée autour des Tchétchènes. Les médias ont ainsi pu annoncer que nombre de Tchétchènes étaient présents parmi les talibans afghans, sans que cela ait jamais été confirmé par aucun exemple. Le juge Brugière, chargé d’enquêter sur un réseau islamiste, a ainsi pu parler de « filière tchétchène » alors qu’aucun Tchétchène n’a jamais été interpellé dans cette affaire. Une des personnes interpellés aurait tout juste avoué vouloir se rendre un jour en Tchétchénie...

Que ces soupçons de terrorisme soient un prétexte pour permettre au gouvernement français de se rapprocher de la Russie est probable. L’attitude de la France est claire puisqu’elle a refusé la proposition du Conseil de l’Europe de mettre en place un tribunal international chargé de juger les crimes de guerre commis par la Russie en Tchétchénie. Et même si l’Ofpra ne suit pas nécessairement ces orientations, trop de cas montrent que les demandeurs d’asile tchétchènes ne sont plus les bienvenus sur le sol français.

Témoignage

Issita a quitté Grozny il y a 2 ans. Avec Amin, Aziza et Fatima, ses trois enfants alors âgés de 5, 6 et 7 ans, elle est arrivée en bus, avec un visa touristique de 15 jours. Raison officielle ? Visiter Disneyland... Arrivée à Paris, elle demande immédiatement l’asile. Tchétchène, elle peut légitimement demander l’asile. Qui plus est, son mari a disparu, le petit Amin a perdu la parole suite aux traumatismes subis là-bas, et les menaces qui pèsent sur elle sont suffisamment fortes pour qu’il n’y ait pas trop de doute sur l’octroi de cet asile. Mais être réfugié en France n’est pas aisé : baisse des crédits, pénurie de logements, imbroglio administratif... Issita ne se doutait pas quand elle a tout vendu pour partir que le chemin serait semé de tant d’embuches.

Avant de recevoir une réponse sur son dossier, Issita est logée avec ses trois enfants dans une chambre minuscule d’un hôtel du quartier de Belleville, infecté de cafards et de rats... Les enfants et elle racontent aujourd’hui leur “épopée” en riant. Une façon de raconter leurs malheurs comme un conte, une aventure bien drôle qui ne fait pas réellement partie de leur vie. Pourtant le choc a été rude. Aucun revenu pendant 5 mois, et aucune aide à part les deux repas par semaine obtenus aux Restaus du cœur. Comment a-t-elle fait pour faire vivre ses 3 enfants ? Elle ne sait plus. Mais elle sait qu’elle doit beaucoup aux Français rencontrés par l’intermédiaire du Comité Tchétchénie, sans qui elle ne s’en serait pas sortie, et sur qui elle écrira un livre... un jour.

Sa demande d’asile acceptée, son parcours de combattante ne prend pas fin pour autant. Elle se trouve aujourd’hui confrontée aux conditions faites aux réfugiés en France, conditions qui ne cessent de se dégrader.

Une fois le statut obtenu, il faut trouver un logement, un travail, se débrouiller comme les autres. Mais comment trouver un logement quand on n’a pas de travail, qu’on ne parle pas la langue, que l’on ne peut pas compter sur la moindre famille et qu’on est, il faut bien le dire, épuisée par des démarches administratives interminables ?

Bien sûr, la situation s’est améliorée et la vie d’Issita et de ses enfants commence à ressembler à quelque chose de “normal”. Elle obtient une aide sociale (246€ par mois...), les enfants sont inscrits à l’école, Fatima apprend le piano, Amin parle à nouveau. Mais, deux ans après leur arrivée en France, Issita et ses enfants vivent à 4 dans une chambre de 12 m2, dans un hôtel social aux portes de Paris. L’école est très éloignée et les enfants, qui rentrent épuisés les soirs, s’endorment tout habillés après avoir mangé une boîte de cookies... Et, à 40 ans, Issita, ethnologue en Tchétchénie, doit tout réapprendre. Elle tente de ne pas imaginer qu’elle sera peut-être réceptionniste d’hôtel quand elle aura fini son stage de français. Surtout, elle est fatiguée, fatiguée par 10 ans de guerre et ces deux années de survie en France où chaque lendemain est si incertain.

Sandrine Chastang


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Tchétchénie - Crédits Anne Le Tallec (Acat) 2

En savoir plus

- Ouvrages, revues

  • Comité tchétchène, Tchétchénie, dix clés pour comprendre, Paris, La Découverte, 2003
  • ASTIGARRAGA Isabelle, Tchétchénie, un peuple sacrifié, Paris, L’Harmattan, 2000
  • CAZACU M., Au Caucase, Russes et Tchétchènes, récits d’une guerre sans fin, Genève, Les voyageurs, Georg, 1998
  • BABITSKI Andreï, Un témoin indésirable, Paris, Robert Laffont, 2002.
  • FIDH, Tchétchénie. Crimes contre l’humanité. Quand leurs auteurs seront-ils jugés ? Paris, Février 2002.
  • POLITKOVSKAIA Anna, Voyage en enfer. Journal de Tchétchénie, Paris, Robert Laffont, 2000.
  • POLITKOVSKAIA Anna, Tchétchénie, le déshonneur russe, Paris, Buchet-Chastel, 2003.
  • SUAU Anthony, GREENE Stanley, COHEN Bernard, Dans les montagnes où vivent les aigles, Arles, Actes Sud, 1995

- Sur le web

  • http://www.comite-tchetchenie.org - Site du Comité Tchétchénie de Paris. Actualités, informations sur les actions en France, avec des liens vers les rapports des organisations de défense des droits de l’homme et coordonnées de diverses organisations militant pour la paix en Tchétchénie.
  • http://www.fidh.org/spip.php?rubrique280 - Site de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme : communiqués de presse, rapports sur la sitatuion des droits de l’homme en Tchétchénie, interventions de la FIDH, articles sur la Tchétchénie.
  • http://fr.fc.yahoo.com/t/tchetcheni... - Actualités sur la Tchétchénie, dépêches de différentes agences de presse.

[1] Anne Le Huérou est sociologue spécialiste de la Russie. Elle est chargée de mission auprès de la Fédération internationale des droits de l’homme.

[2] La formation de Poutine, Russie unie, a largement remporté les élections législatives du 7 décembre dernier remportant 372 sièges à la Douma, soit plus de 2/3 des sièges.

document de référence rédigé le : 1er avril 2004

date de mise en ligne : 16 avril 2004

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