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Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers monde (CADTM), VIENNE Serge

Bhoutan : le pays du Bonheur National Brut

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Royaume himalayen de la taille de la Suisse, entre l’Inde au sud et le Tibet au nord, le Bhoutan est un pays qui fait peu parler de lui. Il s’y passe des choses qu’un esprit occidental trouve étranges, voire totalement archaïques. Voici un pays où la télévision resta interdite jusqu’en 1999 ; où l’on pratique au nom des valeurs du bouddhisme l’interdiction totale de fumer ; où l’on a inscrit dans la loi l’obligation de porter les vêtements traditionnels ; voici enfin un pays sans constitution qui diton est la dernière « monarchie absolue » de la planète.

Même si l’essentiel des mesures qui intéressent les gens se prend en réalité dans les centaines de communautés villageoises qui composent le pays, le roi semble décider de tout, et même parfois de ne plus être roi. Tout récemment, le 14 décembre 2006, le roi Jigme Singye Wangchuk, 51 ans, qui régnait depuis 1972 a ainsi abdiqué en faveur de son fils de 27 ans, Jigme Khesar.

Par souci d’indépendance, ce pays singulier a choisi de ne pas avoir de relations diplomatiques avec les grandes puissances politiques de notre monde : les 5 « patrons » du Conseil de Sécurité de l’ONU (Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, France et Chine) sont ignorés par les autorités bhoutanaises qui préfèrent traiter avec l’Australie, le Japon, les pays scandinaves et bien sûr l’Inde, l’indispensable voisin.

Le Bhoutan n’a donc que peu de contacts avec les institutions financières internationales dominées par les grandes puissances et sa politique économique est pour le moins originale puisque depuis 35 ans, elle s’est fixée pour objectif d’augmenter le « Bonheur National Brut ». En opposition avec la définition du « Produit National Brut », qui fait de la criminalité ou d’une catastrophe naturelle une potentielle source de richesse, le Bhoutan a choisi une voie de développement qui se veut plus harmonieuse et fondée sur 4 éléments : la conservation et la promotion de la culture nationale, la sauvegarde de l’environnement, l’utilisation durable des ressources naturelles et la « bonne gouvernance responsable ».

Dans la théorie du BNB, l’emprunt est utilisé avec une prudence infinie. Jusqu’ici, le Bhoutan a privilégié les accords bilatéraux (le Danemark est un de ses principaux prêteurs) et les projets qui concernent essentiellement les secteurs de l’éducation ou de la santé. L’endettement du Bhoutan est resté ainsi très limité par rapport à la plupart des pays du Sud : le service de la dette, équivalent à 4,5% des exportations et 1,2% du revenu national brut, est nettement inférieur à celui de tous ses voisins. On peut rappeler qu’un pays comme le Burkina Faso utilise 16% du revenu de ses exportations pour le service de sa dette ; au Brésil, c’est 11,5%, et en Indonésie, 10,5%.

Actuellement, c’est l’Inde qui est le principal bailleur de fonds du Bhoutan car elle est intéressée par le potentiel hydro-électrique des rivières de son voisin. L’Inde finance donc la construction de barrages et dispose ensuite à tarif privilégié de 60% de leur production. Les 40% restants sont utilisés à l’électrification des campagnes bhoutanaises où vivent encore 98% de la population. Si les bailleurs de fonds internationaux ne sont pas très intéressés par la mainmise sur ce petit pays, c’est bien sûr que les conditions sont peu favorables aux investissements étrangers : un isolement géographique plutôt radical, un marché intérieur restreint d’environ 2 millions de paysans, dont 30% vivent sous le seuil de pauvreté, une absence d’infrastructures modernes indispensables à l’industrialisation (5 000 km de routes asphaltées seulement).

Le Bhoutan dispose pourtant de ressources forestières, touristiques et hydrauliques considérables, propres à attirer les investissements étrangers mais la politique du BNB limite sérieusement les appétits : 26% du territoire national a été transformé en parcs naturels et les coupes de bois sont très surveillées. Quant au tourisme, les autorités bhoutanaises ne veulent pas qu’à l’instar du Népal voisin, leur pays devienne un nouveau paradis pour trekkeurs occidentaux, souilleurs de sommets. Les séjours au Bhoutan sont soumis à une taxe spéciale de 40 dollars par jour qui s’ajoutent aux frais de séjour minimum, réglementés par les autorités, qui vont de 130 à 220 dollars par jour (transports, hébergement...), ce qui en fait l’une des destinations les plus chères du monde.

Et pourtant loin des circuits financiers internationaux toujours présentés comme indispensables au développement, le Bhoutan a réalisé quelques progrès remarquables : avec 3.6% de son PIB consacré à la santé, le pays dispose de 5 fois plus de lits d’hôpitaux que le Bangladesh et 8 fois plus que le Népal. L’espérance de vie à la naissance selon l’OMS est de 63 ans, soit une augmentation de 16 ans sur les 23 dernières années. La corruption y est beaucoup moins répandue que dans les autres pays du Sud. Par contre l’éducation reste à la traîne : le taux d’alphabétisation n’atteint que 44% selon les chiffres officiels, ce qui n’est guère mieux que chez les voisins et c’est pour améliorer la situation dans ce domaine que l’Etat a accepté récemment le financement de certains projets par la Banque Mondiale. Avec une agriculture qui reste fondée sur les cultures vivrières, le Bhoutan demeure par ailleurs à l’abri des pénuries alimentaires.

La politique du BNB bhoutanais a donc contribué à protéger la culture nationale et à préserver l’environnement tout en améliorant la vie quotidienne des populations. La vie politique devrait bientôt se moderniser : le roi a annoncé pour 2008 toute une série de réformes libérales. Il reste à souhaiter que le Bhoutan accepte plus de transparence en information et surtout qu’il se préoccupe enfin du problème de sa minorité hindoue d’origine népalaise, qui est considérée par les autorités comme une menace contre la culture du pays. 100 000 personnes, qui contestaient l’obligation de porter les vêtements traditionnels bhoutanais et l’interdiction de pratiquer la langue népalie, ont été chassées du Bhoutan par l’armée et vivent aujourd’hui dans des camps de réfugiés.

Extrait du Bulletin du CADTM France, n° 28, mars 2007
Directeur de la publication : Damien Millet

Pour lire l’intégralité du Bulletin, consulter le site du CADTM

document de référence rédigé le : 1er mars 2007

date de mise en ligne : 12 mars 2007

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