bibliotheque internationale pour un monde responsable et solidaire ritimo

Le portail rinoceros d’informations sur les initiatives citoyennes pour la construction d’un autre monde a été intégré au nouveau site Ritimo pour une recherche simplifiée et élargie.

Ce site (http://www.rinoceros.org/) constitue une archive des articles publiés avant 2008 qui n'ont pas été transférés.

Le projet rinoceros n’a pas disparu, il continue de vivre pour valoriser les points de vue des acteurs associatifs dans le monde dans le site Ritimo.

BOUVERET Patrice

L’ONU... bien sûr ?

  • imprimer
  • envoyer
  • Augmenter la taille du texte
  • Diminuer la taille du texte
  • Partager :
  • twitter
  • facebook
  • delicious
  • google

> in Peuples en marche, n°188, septembre 2003

À la fin de la guerre froide, beaucoup d’espoir a été placé dans l’Organisation des Nations Unies comme lieu d’élaboration d’un “nouvel ordre mondial”. Pour autant, l’Onu peut-elle devenir un des rouages d’un « gouvernement mondial » en gestation ?

En cette fin du mois d’août 2003, avec l’attentat dont elle a fait l’objet à Bagdad - qui a causé la mort d’une vingtaine de personnes dont le représentant spécial, Sergio Viera de Mello, et blessé une centaine d’autres - l’Onu est revenue sur le devant de la scène. Mais lors du déclenchement de la guerre contre l’Irak, nombreux étaient alors les commentateurs à fustiger l’impuissance des Nations unies à « maintenir la paix et la sécurité internationales », comme lui enjoint l’article 1 de sa Charte fondatrice élaborée en 1945 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale sur les décombres de feu la Société des Nations.

Si on se place dans un strict constat de la réalité, il est clair que l’Onu n’a pu empêcher quasi aucun des nombreux conflits qui se sont déroulés à travers la planète depuis sa création, son rôle s’apparentant plus à celui d’un “pompier” ou d’une agence de distribution de l’aide humanitaire.

Quadrature...

Cela s’explique par cette contradiction inscrite au cœur de l’Organisation dès sa conception : comment maintenir ou rétablir la paix - tout particulièrement quand il s’agit d’une prise d’otage de tout un peuple par un “dictateur” ou d’une rébellion interne - tout en respectant le principe de souveraineté nationale de ses États-membres ? Ce n’est pas tant sa « bureaucratie », ses « lourdeurs administratives » qui entravent le plus l’Onu, mais la structure même de l’Organisation et de son système : la Charte énonce de grands principes sans fournir les moyens adéquats réels et indépendants des États pour contrôler leur mise en application...

L’Onu, un instrument de confrontation

Maurice Bertrand, observateur avisé (ancien membre du Corps commun d’inspection des Nations unies pendant dix-huit ans), explique cette contradiction par le fait que « l’Onu n’a pas été instituée pour répondre à des besoins précis et concrets. Elle est seulement chargée de répondre à un rêve, [...] celui de la paix ». Reste que « les rêves de paix ne sont pas neutres. Toute paix correspond à un ordre [1] ». En l’occurrence, celui des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale qui repose sur la prééminence d’États souverains dans le cadre de frontières définies et la présence d’armées nationales fortes pour défendre l’intégrité du territoire. Chaque État dispose bien d’une voix, un principe démocratique imparable en théorie, sauf que cinq États - les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Chine, la Russie et la France - sont plus égaux que les autres dans la mesure où ils se sont octroyés, au sein du Conseil de sécurité, une place permanente et un droit de veto. Un droit de veto que ces cinq pays n’ont pas manqué d’utiliser, contribuant à disqualifier l’Organisation et surtout l’empêchant d’agir... laissant ainsi libre-champ aux États de poursuivre leurs propres politiques à leur guise, comme ont pu le faire dernièrement les États-Unis vis-à-vis de l’Irak...

Est-il nécessaire de préciser que dans le cadre de cette conception répressive de la sécurité reposant sur l’usage de la force, les cinq États “plus égaux” que les autres sont également les puissances nucléaires “officiellement” reconnues ? Et qu’ils figurent parmi les plus importants vendeurs d’armes ?

Forum pour la société civile

Par contre, ce que n’avaient sans doute pas prévu les “pères fondateurs” en privant l’Organisation des moyens de son indépendance, c’est qu’elle allait devenir un forum public, une scène de théâtre et qu’elle allait ainsi contribuer à une prise de conscience par l’opinion publique des enjeux internationaux, et offrir à cette même société civile un espace dans lequel faire entendre la voix des peuples, via notamment diverses organisations non-gouvernementales. Et ce, d’autant plus que l’Onu regroupe elle-même une nébuleuse d’organismes touchant à tous les secteurs de la vie en société : économie, éducation, environnement, santé...

Résultat : si l’Onu a fait faillite dans le maintien ou le rétablissement de la paix, elle a néanmoins permis une progression principalement au niveau de l’élaboration d’un droit international et d’un instrument ad hoc avec la mise en place progressive de la Cour pénale internationale (CPI). La réticence des États-Unis face à la CPI est un indicateur de l’importance de cette avancée. Ceci dit, l’Onu est-elle aujourd’hui “foutue”, ou doit-elle être transformée ? Depuis de nombreuses années, moultes colloques, études se sont penchés sur cette question et ont proposé quelques pistes concernant la nature des organes nécessaires au plan supra-national (lire encadré [2]). Il est évident que l’établissement d’un système de gouvernance meilleur que l’actuel prendra du temps et ne pourra se faire que par étapes successives, au niveau international comme aux niveaux national et régional.

[1] BERTRAND Maurice, L’ONU, coll. Repères, La Découverte, 1994, 1ère édition, p.6

[2] Les pistes proposées ici sont issues de travaux menées par Maurice Bertrand, cf. le dossier “Projet de réforme de l’Onu” publié dans Damoclès n° 64, 1er trimestre 1995

document de référence rédigé le : 1er septembre 2003

date de mise en ligne : 16 août 2004

© rinoceros - Ritimo en partenariat avec la Fph via le projet dph et la région Ile de France via le projet Picri. Site réalisé avec SPIP, hébergé par Globenet. Mentions légales - Contact

ritimo