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cartographie interactive >  environnement et développement durable  > L’environnement, parent pauvre de la gouvernance mondiale ?

NICOLAS Yveline

L’environnement, parent pauvre de la gouvernance mondiale ?

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> Peuples en marche, n°188, septembre 2003

Réchauffement climatique, raréfaction de l’eau, atteintes à la biodiversité... L’environnement est bien le domaine qui appelle une régulation internationale. Face à l’urgence, d’aucuns appellent à la création d’une Organisation mondiale de l’environnement. Mais l’urgence n’est-elle pas plutôt de parvenir à un contrôle démocratique de l’Organisation mondiale du commerce et des institutions internationales ?

S’il est un domaine qui appelle une régulation internationale, c’est bien celui de “l’environnement”. Effet de la globalisation, la survie même de la société humaine est en jeu. En témoigne le réchauffement climatique, lié à la surexploitation des énergies fossiles, au développement incontrôlé des transports et à l’industrialisation de toutes les activités, notamment agroalimentaires. D’autres indicateurs inquiètent tout autant, en raison d’effets parfois irréversibles : disparition des forêts et d’espèces animales et végétales, raréfaction de l’eau potable, dissémination de polluants...

Face à ces enjeux qui dépassent les frontières, la gouvernance de l’environnement reste dispersée entre plusieurs agences des Nations unies, des centaines d’Accords multilatéraux pour l’environnement (AME), un Fonds mondial pour l’environnement. Créé en 1972, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) est « chargé de surveiller les modifications notables de l’environnement, d’encourager et de coordonner des pratiques positives [1] ». Le Sommet de la Terre à Rio en 1992 a débouché sur trois Conventions internationales portant sur le climat, la biodiversité et la désertification, ainsi que sur la création d’une Commission du développement durable (CDD). A charge pour elle de mettre en œuvre “l’Agenda 21”, politique planétaire de développement durable, relayée dans chaque pays par des commissions similaires, mais elles ont rapidement été vidées de sens, faute de volonté politique.

La primauté de l’économie, toujours

Etant donné la puissance de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le droit commercial prime de fait sur le « droit à vivre dans un environnement sain, en harmonie avec la nature », pourtant affirmé dans la Déclaration de Rio. Ainsi, aucune disposition n’est prévue pour arbitrer en cas de conflits entre les accords multilatéraux sur l’environnement et les accords commerciaux. L’entrée en vigueur du “Protocole biosécurité” - qui n’a pas été ratifié par les principaux pays exportateurs d’OGM - constituera un test : il prévoit l’application possible du principe de précaution par un pays ne voulant pas importer de produits OGM. Mais le temps presse : à l’OMC, la libéralisation des biens et services est amorcée (notamment ceux concernant l’environnement), avec comme principal objectif la protection des intérêts des transnationales.

En même temps, la tentation est constante de vouloir privilégier les accords volontaires, les partenariats sectoriels entre acteurs publics et privés, alors que les ONG militent pour des dispositifs contraignants visant la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

Quel modèle de développement ?

Des initiatives et des prises de positions récentes relancent le débat. Comme d’autres acteurs publics et privés, le gouvernement français propose une Organisation mondiale de l’environnement (OME). Question : chacun y met-il le même contenu ? Pour des entreprises et certains chercheurs, une OME « facilitera la libéralisation commerciale et l’intégration économique [...] par une convergence des normes d’environnement entre les pays situés à un niveau similaire de développement [2] », alors que les acteurs associatifs y voient une « autorité pour faire contrepoids à l’OMC et imposer la primauté des règles de protection de l’environnement sur celles relatives au commerce [3] ». La majeure partie des associations de solidarité internationale et de protection de l’environnement estiment que la première étape est de parvenir à un contrôle démocratique de l’OMC ainsi qu’à une réforme des institutions actuelles [4].

Cette position est résumée par le récent avis des représentants de la société civile (associations, collectivités, syndicats, entreprises) du Conseil national du développement durable (CNDD) créé en France dans la foulée du Sommet de Johannesburg : « [...] Favoriser la synergie entre les Accords multilatéraux pour l’environnement par le renforcement des liens entre les secrétariats des conventions ; renforcer le Programme des Nations unies pour l’environnement dans son rôle de coordination ; introduire les principes du développement durable dans les institutions financières internationales ; ouvrir le débat au niveau national et international sur la réforme du système des Nations unies en vue d’atteindre les objectifs de développement durable. [5] »

Peut-on en effet créer des outils de gouvernance environnementale sans prendre en compte deux réalités : d’une part l’affaiblissement et l’obsolescence du système onusien et, d’autre part, le danger de sectorialiser les enjeux touchant l’environnement, enjeux transversaux qui devraient, comme les droits humains, conditionner toutes les instances de gouvernance, notamment financières et commerciales ? [6]

Répartition des richesses, modes de production et de consommation

Ce débat sur l’environnement renvoie à une question : quel modèle de gouvernance en général pour quel modèle de société ? Faut-il réduire la “gouvernance économique” à la libéralisation des échanges commerciaux, alors que des instruments économiques et financiers (écofiscalité, économie solidaire, commerce équitable, protection de l’agriculture vivrière, subventions à des modes de production écologiques) peuvent protéger l’environnement et soustraire les biens publics mondiaux au statut de marchandises ? Pourquoi opposer environnement, social et développement, au risque d’alimenter le clivage entre pays du Sud et pays riches qui bloque nombre de négociations internationales, au moment où le lien entre inégalités sociales et inégalités écologiques est de plus en plus évident ?

Tant que 20% de la population mondiale consommera 80% des ressources de la planète, les mécanismes institutionnels pourraient n’être que des instruments de maintien d’un état de fait destructeur [7]. Gouverner l’environnement suppose donc avant tout une répartition équitable des richesses et un changement des modes de production et de consommation, privilégiant échanges de proximité, économies d’énergie, etc.

L’articulation de politiques de développement durable aux niveaux local, national, sous-régional (européen en particulier), international, la décentralisation des agences multilatérales et leur démocratisation... et la signature et l’application par les Etats des accords et conventions existants témoigneraient déjà d’une volonté politique [8]. Parallèlement, chaque personne concourt par ses choix de consommation, de transport, de participation à la vie publique, à la “gouvernance” de l’environnement, local et global. De ce point de vue, l’éducation à l’environnement et au développement durable est aussi une priorité.

[1] Voir le site http://www.unep.org.

[2] Lire Courrier de la Planète ; Daniel C. Esty, directeur du Center for Environmental Law and Policy, Université de Yale

[3] Campagne d’Agir pour l’environnement et d’autres associations et personnalités pour la création d’une OME, envisageant une Cour mondiale de l’environnement, ouvrant à la notion “de crime contre l’environnement”. http://www.globenet.org/ape.

[4] La position des ONG pour les négociations de l’OMC : affirmation du principe de non domination du droit commercial sur le droit environnemental, traduction de ce principe en modalités concrètes d’arbitrage ; octroi d’un statut d’observateur permanent pour le PNUE et les Secrétariats des AME dans les différents comités de l’OMC ; lancement d’un programme d’appui technique et financier à destination des pays du Sud leur permettant de participer à l’élaboration et la mise en œuvre de normes environnementales et sanitaires. Texte complet sur http://www.coordinationsud.org.

[5] Mai 2003. http://www.environnement.gouv.fr.

[6] Le spécialiste des institutions internationales, Pierre de Senarclens, propose dans le cadre d’une refonte de l’Onu une Assemblée générale représentative, comprenant une commission des droits humains et du développement durable chargée d’élaborer des politiques, avec un fonds pour le développement durable, alimenté par les Etats membres selon leur PNB et une fiscalité internationale sur les mouvement de capitaux, les taxes d’aéroport, l’énergie non renouvelable.

[7] Or, « Le niveau de vie des Américains n’est pas négociable... », dixit l’ancien président Clinton

[8] On considère ici le développement durable comme un développement humain équitable dans le respect des équilibres naturels, intégrant les aspects sociaux, environnementaux, économiques, culturels, et la participation de la société civile à l’élaboration, la mise en place et l’évaluation des politiques.

document de référence rédigé le : 1er septembre 2003

date de mise en ligne : 16 août 2004

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