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CAILLAT Michel, FERAL Maude, GASPARINI William, JEAN Arnaud

Sport et mondialisation

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> Peuples en marche, n°193, mars-avril 2004, dossier thématique

Cet été, les Jeux Olympiques, l’événement sportif planétaire par excellence, retrouveront leur berceau d’origine, la Grèce. A cette occasion, les valeurs éternelles du sport ne manqueront pas d’être célébrées... tandis que de multiples sponsors et autres “partenaires officiels” trusteront les écrans à chaque retransmission télévisée et que les produits dérivés déferleront dans les temples modernes, ceux de la consommation.

Car le sport s’est fait rattraper. « Le nouveau modèle sportif est fondé sur l’assujettissement direct du sport à la raison économique » explique William Gasparini, sociologue du sport. Au mépris, par exemple dans l’industrie du sport, du respect des principes éthiques fondamentaux dont se réclame le mouvement olympique. Voilà pourquoi nous vous proposons, en clôture de ce dossier, la pétition que lance ce mois de mars le collectif De l’éthique sur l’étiquette.

Sommaire :

  • « Le modèle sportif assujetti à la raison économique », entretien avec le sociologue du sport William Gasparini
  • Le sport n’est pas un jeu mais une vision du monde. Entretien avec Michel Caillat, auteur de Le Sport et membre du Mouvement critique du sport
  • A quand un “alter-sport” ?, par Arnaud Jean
  • Course aux profits : à vos marques, prêts..., par Maude Feral
  • En savoir plus

« Le modèle sportif assujetti à la raison économique »

Entretien avec William Gasparini [1], propos recueillis par Pierre Jobert

- Peuples en marche - Sponsors, achat de sportifs par les grands clubs, culte de la performance et du résultat, explosion des droits de retransmission télévisées et son corollaire : la course à l’audience... L’impression domine que, comme dans la plupart des secteurs de la vie sociale, l’idéologie néo-libérale s’est à son tour emparée du sport... Qu’est-ce qui a présidé à cette évolution ?

William Gasparini - Le nouveau modèle sportif qui tend à s’imposer progressivement est d’abord fondé sur l’assujettissement plus direct du sport à la raison économique. Il relève d’un économisme apparemment simpliste dont l’axiome premier est que les institutions en général et les organisations sportives en particulier (clubs, associations de loisirs, dispositifs sportifs municipaux) n’ont de sens que dans le service qu’elles doivent rendre aux usagers-consommateurs et dans leur efficacité managériale. Comme un virus informatique, la doxa néo-libérale pénètre sournoisement le sport de l’intérieur pour mieux le coloniser. Le football, le rugby et le basket contemporains illustrent parfaitement ce processus : les caractéristiques de la transformation du sport n’ont pas simplement été déterminées par la cohérence d’un projet des élites économiques visant à réguler l’univers sportif selon des critères marchands. Cette mutation a également été rendue possible par l’attitude ambivalente des sportifs, supporters, téléspectateurs, consommateurs de biens et services sportifs et par la conviction qui s’est peu à peu installée que les changements introduits étaient “inéluctables”.
L’idéologie néo-libérale dans le sport apparaît nettement dans la conjoncture politique particulière du début des années 80 qui voit d’une part la gauche au pouvoir mettre fin à la double utopie étatiste de la réalisation de la société assurantielle et de l’alternative au capitalisme et, d’autre part, la constitution d’un nouveau marché libre-échangiste : le marché sportif.
Cette mutation doit évidemment être replacée dans le cadre plus général des transformations du capitalisme depuis les années 1980. L’enjeu crucial en est l’affaiblissement de tout ce qui, institutionnellement, juridiquement, culturellement, limite l’expansion sociale de la pensée libérale : le néo-libéralisme vise alors à l’élimination de toute “rigidité”, y compris psychique, au nom de l’adaptation aux situations les plus variées que rencontre l’individu dans son travail comme dans ses loisirs et son existence en général. Dans ce contexte, le sport va constituer dans le même temps le laboratoire et le fer de lance des idées néo-libérales.

- Pem - Vous êtes, à l’Université de Strasbourg, spécialisé en sociologie du sport. Quelle est la fonction sociale traditionnellement remplie par le sport, et qu’est-ce que ce glissement du sport sur une pente libérale traduit ?

W.G. - Travail, discipline éducative, spectacle, vecteur de propagande politique, moyen de prévention des risques sanitaires, outil de gestion des ressources humaines, vecteur d’intégration sociale, fabrique de rêve, rapport au monde... Le sport n’a pas une seule fonction sociale, comme il ne porte pas de seules valeurs éducatives. Il ne contient pas de valeurs intrinsèques, il n’est pas vertueux, éducatif ou intégrateur en soi ; il porte les valeurs qu’on lui attribue. Ce qui signifie que la pratique sportive peut aussi bien constituer un facteur d’intégration qu’un facteur d’exclusion. Les formes de chauvinisme, d’élitisme, de rejet des moins forts, de nationalisme et de racisme dans les pratiques sportives nous montrent bien la difficulté à affirmer que le sport intègre “naturellement”.
Ces réserves énoncées ne doivent cependant pas occulter les vertus éducatives, rééducatives et thérapeutiques des activités physiques et sportives qui ont été reconnues de longue date mais qui dépendent, pour une large part, des objectifs assignés au sport et de la qualité du lien et du dialogue social créés au travers de la pratique sportive. Dans certaines conditions de pratique sportive réflexive (notamment en Education physique et sportive ou dans certaines associations), le sport peut développer le respect de l’autre (adversaire et partenaire) et de la règle, le respect de son corps, etc. Dans sa conception libérale, au contraire, la pratique sportive marchande vise avant tout l’activité corporelle ou le spectacle sportif sans détour réflexif et critique : la seule utilité sociale du sport est une utilité marchande. On observe d’ailleurs que la consommation de biens, de spectacles, de médias et de services sportifs devient progressivement l’un des éléments structurants majeurs de la société française. Les équipementiers sportifs ne s’y trompent pas et leur politique marketing vise prioritairement les “jeunes”. Selon la directrice du marketing produits de la société Adidas France, « les 12-20 ans représentent le cœur de cible d’Adidas car ils sont surconsommateurs d’articles de sport et de formidables prescripteurs pour leurs parents ». Orangina ne s’y trompe pas non plus en lançant une campagne conjointe avec l’Union nationale du sport scolaire (UNSS) dans les collèges et lycées pour soutenir financièrement des projets pédagogiques à caractère sportif.

- Pem - N’y a-t-il pas un clivage entre ce qu’on pourrait appeler, pour reprendre une formule qui fait florès, le “sport d’en haut” et le “sport d’en bas” ? Si les grands clubs, les grandes fédérations lorgnent vers le marché (l’Olympique lyonnais est une holding avec ses filiales OL taxis, OL Voyages, OL Restauration...), le tissu sportif français repose lui largement sur un réseau associatif, bénévole, qui fonctionne avec d’autres valeurs.

W.G. - Il ne faudrait pas opposer de manière dichotomique les “forces du marché” à celles des traditions associatives en matière de sport. Mon propos n’est pas de systématiquement “stigmatiser” le sport professionnel qui existe officiellement en France depuis les années 30 et qui constitue un secteur d’emploi à part entière, avec ses débouchés professionnels mais aussi ses salariés précaires et exploités. Ni de dénoncer naïvement la marchandisation des biens sportifs ou le “contrôle des masses” (sportifs, supporters et téléspectateurs de spectacles sportifs) par les appareils idéologiques sportifs. En tant que sociologue, j’essaye d’analyser selon quels mécanismes sociaux un nouvel imaginaire économique s’installe progressivement dans des univers sportifs dont il était traditionnellement absent. Pour comprendre ce processus, il ne s’agit pas de séparer le sport “d’en haut” et le sport “d’en bas”, mais au contraire d’étudier les interactions entre les deux ainsi que la diffusion de ce modèle dans toute la société française, y compris dans les associations sportives.
En schématisant, le monde sportif associatif est actuellement partagé entre la tradition d’encadrement de la jeunesse sportive (mission d’utilité publique) et le “renouveau” associatif qui vise davantage la “prestation de services sportifs” (mission d’utilité ludique et économique). Derrière l’apparente homogénéité du “monde sportif associatif” se dégagent des singularités non seulement sportives et structurelles, mais aussi politiques et éthiques. D’un côté, nous avons un monde sportif civique fonctionnant selon une éthique sportive associative où le sport remplit une fonction intégrative et réglementaire mais aussi une mission de service public (par délégation). Il comprend aussi bien le système sportif fédéral (le sport de compétition, pour aller vite) que le système des loisirs sportifs où le sport n’est pas une fin en soi mais est considéré comme un moyen pour atteindre des objectifs sociaux, éducatifs, récréatifs, politiques ou religieux. Ce deuxième système englobe aussi bien les fédérations sportives affinitaires que les mouvements d’Education populaire qui visent à encadrer la jeunesse à travers notamment les centres de plein air et les colonies de vacances.
D’un autre côté, nous avons un monde sportif marchand qui est régi par les principes qui servent habituellement à définir les lois du marché. Etre concurrentiel, capter la clientèle, réussir une affaire, obtenir le meilleur prix, tirer profit d’une transaction... sont autant d’objectifs qui illustrent le fonctionnement de clubs sportifs professionnels (mais qui se situent paradoxalement dans le monde sportif associatif). Deux arguments du monde marchand reviennent souvent pour légitimer la rapide commercialisation du sport professionnel : rattraper les retards par rapport aux autres pays européens et “libérer” le sport de son “carcan étatique”. En partie contrôlé par des acteurs non sportifs (médias, équipementiers, sociétés de communication et marketing, sponsors, etc.), ce monde remet en question l’éthique d’intérêt général et le principe de solidarité véhiculés par le monde précédent.

- Pem - Le ministre des Sports, Jean-François Lamour, a travaillé à une loi. D’une manière plus générale, de quelle latitude disposent les politiques dans un domaine où la dimension européenne (avec la pression médiatique et économique des différentes rencontres sportives), voire mondiale (les JO, Coupe du monde) est déterminante ?

W.G. - En effet, les politiques sportives publiques se transforment peu à peu, tant au niveau national qu’au niveau local, sous la pression de dynamiques qui proviennent des champs économiques et médiatiques mais aussi de l’Union européenne. Si l’on prend l’exemple du spectacle sportif télévisé, les changements proviennent d’abord de la privatisation des télévisions dès le début des années 80, dans un contexte de libéralisation du paysage audiovisuel dans tous les pays européens. Comme le marché des téléspectateurs sportifs intéresse les annonceurs (public important et fiable), les organisateurs de spectacles sportifs vont progressivement augmenter le tarif des droits de retransmission pour les TV. Avec la multiplication des chaînes privées et payantes qui sont en concurrence, les sports professionnels médiatisés vont voir arriver des sommes colossales, avec comme conséquence, une explosion des salaires des joueurs de foot. L’offre en matière de retransmissions sportives s’est largement libéralisée depuis, avec le développement de réseaux thématiques (TVSport en 1988 et Eurosport en 1989) et de bouquets numériques (Canal satellite, TPS et AB Sat en 1996). L’autre conséquences est non seulement la diffusion par les médias privés dominants (Canal+, TF1) de sports uniquement “spectacularisables”, qui produisent de l’audimat en flattant le grand public (au détriment des sports non télégéniques), mais aussi le retrait progressif du service public dans le monde du sport et la propagande de schèmes de pensée néo-libéraux notamment auprès des jeunes.
Dans ce contexte de libéralisation, les politiques publiques ont pour rôle de réguler le marché des retransmissions. Or, avec la libéralisation des droits TV prévue dans la loi Lamour du 1er août 2003, on assiste au contraire à une nouvelle offensive libérale du gouvernement Raffarin, puisque cette loi accentue la dérégulation du sport. Dans ce texte, il est dit que les fédérations ont la possibilité de céder la propriété des droits de retransmission des matchs aux sociétés (clubs pro), pour qu’ils les négocient individuellement, directement avec les chaînes de TV. Alors que jusqu’à présent, les fédérations étaient les seules propriétaires du droit d’exploitation des manifestations sportives qu’elles organisent. Ce qui permettait d’une part aux fédérations de mutualiser les recettes et d’en redistribuer une partie aux clubs amateurs et, d’autre part à l’Etat de contrôler le respect de la liberté de l’information au public (pour éviter la mainmise de chaînes privées à péage qui supprimeraient l’accès libre du public aux retransmissions de matchs importants). En instituant une copropriété de droit entre des fédérations assurant une mission de service public et des clubs (sociétés privées), le gouvernement, sous la pression des grands clubs de football, vient de créer les conditions d’une privatisation et une libéralisation à terme de ces droits de diffusion. La boîte de Pandore vient de s’ouvrir et les regards des ultralibéraux du football professionnel sont résolument tournés vers les modèles italien, espagnol ou anglais.
Dans cet exemple on voit que le ministre des Sports applique finalement les principes de son gouvernement à son secteur, notamment celui de la privatisation progressive des services et du retrait de l’Etat dans les différents secteurs de la vie sociale. Il s’agit en réalité de réduire l’aire d’emprise de l’Etat et son rôle à ses seules fonctions régaliennes (sécurité, justice et défense du territoire).

- Pem - Le généticien Albert Jacquard raconte souvent cet exemple, en Afrique, de matchs de foot où le buteur change d’équipe pour redonner à la rencontre son intérêt. Quels modèles sportifs alternatifs existe-il ? Et par qui sont-ils portés ?

W.G. - La réalisation intégrale de la doxa sportive néo-libérale n’est en rien une fatalité. A travers les actions d’éducation populaire dans les milieux sportifs, la création de collectifs visant la critique de la consommation sportive (comme, par exemple, le “Collectif De l’éthique sur l’étiquettes”), les forums sociaux du sport, les revendications pour davantage de solidarité entre clubs professionnels et clubs amateurs, les luttes syndicales des fonctionnaires du service public des sports et de l’éducation nationale (notamment de l’éducation physique et sportive), l’engagement des sociologues du sport... nombre d’entre eux tentent de s’organiser pour lutter symboliquement contre l’offensive néo-libérale, non seulement dans les univers sportifs mais aussi dans tous les espaces d’éducation par le sport et de réflexion sur cette éducation (IUFM, UFR STAPS [2]). Il me semble alors possible de proposer un modèle universaliste alternatif et cohérent s’opposant au modèle néo-libéral et doté de chances raisonnables de se réaliser. Cette « utopie scientifique et réaliste » selon Pierre Bourdieu (1998) devrait réaffirmer la valorisation des vertus éducatives du sport, le renforcement du soutien moral et juridique de l’Etat social aux conceptions et aux intérêts des dirigeants bénévoles oeuvrant pour un sport fédéral réellement humaniste, l’intensification des actions contre la corruption mafieuse dans le sport professionnel et le développement du service public d’éducation par le sport dans les établissements scolaires et dans les banlieues.

- Pem - En quoi ces modèles, ces pistes de réflexion, s’intègrent-elles à une alternative plus globale au néo-libéralisme ?

W.G. - Comme dans tous les secteurs de la vie sociale, pour le néolibéralisme, tout ce qui n’est pas néolibéral est archaïque, vieillot, passéiste, quelque chose comme un mixte entre le Front national et le Parti communiste. En préconisant le libre-échange et la réduction du rôle de l’Etat à ses fonctions régaliennes, la conception néo-libérale du sport veut prendre les traits de la modernité. L’un de mes projets est de montrer que le sport constitue un laboratoire de cette nouvelle conception où l’on teste des dispositifs qui seront par la suite appliqués dans d’autres secteurs. Ainsi en est-il de la gestion des associations, de la télévision numérique à péage ou de la gestion des ressources humaines. Comme tout système idéologique et institutionnel, la vision libérale du sport traverse tout le champ de l’expérience sociale. Et c’est bien là sa force. Elle s’insinue dans les institutions et les rouages des Etats et s’insère dans les structures mentales avec le consentement (passif ou actif) de certaines fractions de la population. Sa propagande ne mène pas une attaque frontale mais pénètre le corps social par les faiblesses de la cuirasse, le talon d’Achille de la culture de la résistance : la jeunesse, les classes populaires, les enfants d’immigrés enclins à adhérer aux discours du sport business, du marketing sportif (qui promeut la marque sportive symbole d’une identité juvénile “branchée”) et du politiquement correct (le sport comme “ascenseur social” pour les jeunes défavorisés).


Le sport n’est pas un jeu mais une vision du monde

Entretien avec Michel Caillat, propos recueillis par Arnaud Jean

Michel Caillat est auteur de Le Sport et membre du Mouvement critique du sport [3].

- Peuples en marche - Quel est l’objet du Mouvement critique du sport ?

Michel Caillat - Le Mouvement critique du sport est une association dont le but est d’analyser les fonctions politiques, idéologiques, économiques et mythologiques du sport. Nous affirmons que le sport n’est pas un jeu mais une vision du monde, et qu’on ne peut pas être sportif ou non-sportif innocemment.
Le rôle de la sociologie critique est d’inciter à la réflexion, de faire du sport, “fait social total”, un lieu de pensée, de prise de conscience. Nous cherchons à “désenchanter un monde” où l’on parle trop souvent de ce qui n’existe pas pour ne pas avoir à parler de ce qui existe.
Ce dont nous traitons (le sport entendu comme pratique compétitive institutionnalisée qu’il ne faut pas confondre avec l’exercice physique) ne saurait faire l’objet d’une quelconque révélation, qu’elle prenne la forme du vécu (qui met les émotions à la place de l’analyse) ou de l’évaluation quantitative (qui met l’obsession du résultat à la place du sens).

- Pem - Peut-on dire que le sport est mondialisé, à quelle initiative ou sous contrôle de qui ?

M.C. - Depuis 1896, l’activité sportive a une dimension internationale. Un système sportif de plus en plus intégré s’est mis en place à la fin du XIXème et au début du XXème siècle avec ses institutions (Comité international olympique, fédérations internationales et nationales...), l’ensemble organisant un espace global de compétition quasiment unifié.
L’erreur est de croire que la mondialisation est un phénomène nouveau. Le processus de marchandisation et son extension à l’échelle planétaire est aussi ancien que le capitalisme, la particularité actuelle (depuis 1980) étant la financiarisation. Le sport n’échappe pas à ce “faux nouveau monde” marqué par des flux économiques sans précédent, le poids croissant de la télévision, l’arrivée en masse de firmes géantes, la déréglementation généralisée, la liberté de circulation des sportifs, la création d’instruments financiers qui bouleversent la donne (l’entrée en Bourse des clubs par exemple). Pourquoi le sport aurait-il échappé au bouleversement général ?
La mondialisation sportive s’intègre dans (et participe de) la mondialisation, terme peu signifiant si l’on ne précise pas “mondialisation capitaliste”, c’est-à-dire ce « processus d’achèvement de la marchandisation de toutes les activités humaines dans le monde, processus conduit par le capital financier » selon Jean-Marie Harribey. Parler de mondialisation sans qualification ou sans autre qualification que libérale à la place de capitaliste est un non-sens. Parler de sport sans y voir la marque du capitalisme également.

- Pem - Quelles sont les dérives majeures constatées de cette mondialisation ?

M.C. - On ne peut pas parler de dérives puisque le sport n’a jamais été ce qu’il dit être. L’idéal sportif est une pure construction idéologique. Affirmer comme certains que « la perméabilité du sport à l’économie de marché met en cause les valeurs éthiques traditionnelles constituant l’essence même du sport » et conduit à sa “propre négation” (affairisme, dopage, corruption, tricherie, violence), c’est oublier que tout a changé dans le sport sauf sa logique interne.
Le monde du sport s’est créé un univers fictif, guidé dans l’action par des exigences morales en oubliant les conditions concrètes de ladite action. Il proclame de beaux idéaux (pureté, loyauté, fraternité) sans tenir compte de la réalité de la pratique. La mondialisation sportive comme la mondialisation économique « ne peut fonctionner que si les acteurs ont une morale contraire à celle qu’elle propage ».

- Pem - Par exemple, le Paris-Dakar est-il un symbole du déséquilibre Nord sud ?

M.C. - En 1988, René Dumont déclarait : « Ce rallye est indécent. Je compare cela à une bande de fêtards qui organisent un banquet mais pas chez eux, et qui entrent chez un pauvre pour ripailler sans l’inviter à partager [...]. La vraie aventure c’est la lutte contre la faim ». En exploitant les terres africaines, les terres de la pauvreté, du sida, de la famine, de la sous-nutrition, des carences sanitaires, de l’analphabétisme, en faisant des pays pauvres des terres de compétitions sportives, on est entré dans la catégorie d’obscénité.
Et n’oublions pas la dimension symbolique : supprimer le “Telefonica-Dakar” (sa dénomination officielle) ne supprimerait pas la faim mais effacerait la tâche indélébile qui consiste pour les sportifs à aller partout en toute “neutralité” : à Berlin en 1936, en Argentine en 1978, à Moscou en 1980 et peut-être en Chine en 2008. Et toujours au nom d’un apolitisme aveugle. Le rallye ne sert pas l’Afrique, il se sert de l’Afrique. Se taire c’est être le complice d’une insulte à ce continent.

- Pem - Sur le phénomène de la mondialisation du sport, y voyez-vous des améliorations ou des évolutions possibles ?

M.C. - Le sport est passé par l’institutionnalisation et par le marché ; il n’a pas échappé à la “marchandisation du monde”. Il est l’activité physique du capitalisme, et la sportivisation planétaire est à la fois l’exemple-type et la conséquence de la mondialisation capitaliste. L’Histoire le prouve, vouloir réformer le sport et en limiter les excès est aussi crédible que de vouloir vider la mer avec une petite cuillère.


A quand un “alter-sport” ?

Signe des temps : plus de pays adhèrent au Comité international olympique qu’à l’Organisation mondiale de la santé... Et les Iraniens sont capables de donner les derniers résultats de l’Inter de Milan. Le sport, comme le reste, est mondialisé. Reste à trouver, loin du modèle fédéral compétitif, le moyen d’en faire un instrument de vraie solidarité. Un “alter-sport” est-il possible ?

Le sport est mondialisé, c’est certain, et on imagine mal comment il pourrait ne pas l’être puisque tous les grands champs le sont : la culture, les échanges financiers, les médias, l’économie, l’environnement... Il est mondialisé à travers les pratiques sportives. Football, basket, rugby... les principaux sports s’internationalisent, souvent sous l’impulsion des ligues professionnelles des pays développés qui drainent ainsi de plus larges audiences télé et créent une norme. « Quand je me promène dans les plus petits villages iraniens, je suis souvent étonné de constater que mes interlocuteurs connaissent les derniers résultats de Chelsea ou de l’Inter de Milan », avoue Christian Bromberger, ethnologue, spécialiste du monde persan et du football. La dernière Coupe du monde de rugby en Australie est l’exemple le plus récent de la mondialisation organisée d’un sport qui, jusqu’en 1987 et le premier mondial néo-zélandais, se vivait en comité restreint, de part et d’autre du planisphère. Cette dernière coupe fut donc celle de la mondialisation triomphante du rugby. Dans ce contexte, difficile pour les pratiques locales d’émerger et de rayonner, même si certaines disciplines “identitaires” survivent et parfois se renforcent, au-delà de cette concurrence. Après l’exception culturelle, peut-il exister une exception sportive ?

Autre observation symptomatique : les grandes assemblées mondiales rassemblent moins que les regroupements sportifs. Ainsi, 192 pays constituent l’Office mondial de la santé (OMS) alors qu’ils sont 199 à adhérer au Comité international olympique (CIO).

Les effets de la mondialisation

Comment analyser les effets de cette mondialisation ? Ils sont malheureusement souvent négatifs et reflètent des schémas de dominants et dominés déjà répandus. Argent, dopage, trafic de jeunes talents, surcompétition... les exemples ne manquent pas et se multiplient depuis une dizaine d’années.

Les pratiques sportives sont elles aussi concernées par le déséquilibre Nord/Sud. Entre pillage et coopération, le match tourne à l’avantage du pillage. L’actualité des derniers mois est cruelle : l’achat des footballeurs africains de plus en plus jeunes, l’équipe de football nationale du Brésil où seul le gardien de but joue dans son pays d’origine, la difficulté des équipes nationales africaines qui n’ont pu compter sur leurs joueurs jouant en Europe durant la dernière Coupe d’Afrique des nations, la vente par certains athlètes de leur nationalité...

Malgré tout, certaines initiatives apportent un peu d’espoir, comme par exemple l’Académie de football de Jean Marc Guillou au Sénégal qui développe les talents des jeunes footballeur sénégalais en tentant de les préserver du pillage des grands clubs. Mais malheureusement, dans ces pays, l’aide de l’Etat est insuffisante pour faire face aux pressions financières venant souvent du Nord : les politiques de développement du sport reposent sur des moyens financiers très faibles, et les cadres techniques sont très peu nombreux. Illustration avec le Conseil supérieur du sport africain : il est idéalement composé de cinquante pays, mais seuls dix d’entre eux versent leur cotisation. L’aide internationale est anecdotique avec, par exemple, un fonds symbolique de solidarité olympique de 210 millions de dollars pour tous les pays africains et ceci pour 4 ans. De plus - détournements obligent - certaines de ces sommes ne sont jamais arrivées à leurs destinataires.

La naissance d’une alternative sportive

Depuis quelques années pourtant, une pensée différente non seulement s’organise mais devient lisible. Tout d’abord en France où, depuis longtemps, des fédérations sportives offrent une pratique différente, reposant sur des valeurs humanistes et non sur une pratique de haut niveau. Ces fédérations dites “affinitaires” envisagent le sport comme un outil d’éducation, un prétexte à échanger, le support d’un projet associatif, vecteur de l’apprentissage et de l’exercice de la citoyenneté. L’Ufolep (Union française des œuvres laïques d’éducation physique) souhaite par exemple s’associer localement pleinement à la prochaine campagne du collectif “De l’éthique sur l’étiquette” (lire p.32). Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) vient de s’engager volontairement dans la voie de cette réflexion et propose lui-même un engagement du mouvement sportif français autour, entre autres, de la mondialisation. Le CNOSF, qui regroupe toutes les fédérations sportives, a présenté le 18 décembre dernier, son “agenda 21”, charte pour un développement durable de tout le mouvement sportif. Ce premier “agenda 21” du secteur associatif concerne différents secteurs du développement durable (politiques sportives, environnement, solidarité, économie). Des objectifs généraux sont affichés et des déclinaisons concrètes sont proposées : conduire les actions de coopération internationale dans le respect des principes du développement durable et en particulier avec les pays en voie de développement, privilégier dans les achats les produits fabriqués selon les principes du développement durable (matériaux recyclables, refus du travail des enfants, commerce équitable), veiller au respect, par les employeurs sportifs, des droits des personnes et des réglementations sociales etc. Quant au Mouvement critique du sport (lire interview p.24) il propose aussi depuis plusieurs années une pensée alternative à la libéralisation sportive.

Sport et Forums sociaux

A l’extérieur de nos frontières, la dynamique s’enclenche avec une présence de plus en plus importante du sport dans les rassemblements altermondialistes. Un séminaire a été organisé dans le cadre du dernier Forum social européen de Paris/St-Denis autour de trois thématiques : les conséquences négatives de la marchandisation du sport, la politique sportive et l’économie du sport. En août 2003, le Forum mondial du sport organisé à Saint Denis (93) proposait une réflexion alternative à la grande foire médiatique des championnats du monde d’athlétisme. Ainsi des problématiques engagées ont été abordées, comme “mixité et pratique”, “le sport éducatif”, “l’équilibre Nord/Sud” en présence de nombreuses personnalités. Succès au rendez vous avec plus de 2 000 participants à ce moment de débats et d’échanges de vues. Ces thèmes, transversalité et éducation globale obligent, étaient émaillés de rendez-vous culturels (expositions, concerts, ateliers découvertes). La fréquentation importante de ce rendez-vous a d’ailleurs été une heureuse surprise et démontre l’intérêt porté. Il est déjà envisagé de reproduire un autre moment de réflexion et de sensibilisation lors des Jeux olympiques d’Athènes.

Il est possible de faire du sport « un instrument de solidarité et d’expression du besoin de vivre mieux, que l’idée d’un “alter-sport” doit puiser sa source dans des conceptions qui se démarquent du modèle compétitif fédéral » affirme René Moustard, du mouvement des Assises nationales du sport. Il faudra de toute façon que toute cette problématique se développe puisqu’après 2004, année européenne d’éducation par le sport, les Nations unies viennent d’annoncer 2005 comme “Année mondiale du sport”. A chacun de démontrer que 2005 ne sera pas uniquement l’année du sport mondialisé.

Arnaud Jean


Course aux profits : à vos marques, prêts...

Vous serez peut-être de ceux qui suivront les Jeux Olympiques d’Athènes. L’un des temps forts sera sans conteste la cérémonie d’ouverture, toujours fortement médiatisée, avec la parade des équipes nationales. Peut-être apercevrez-vous, entre deux drapeaux et quatre paires de jambes bien musclées, les logos de quelques grandes marques du sport et autres multinationales. Vous les remarquerez à peine. Et pourtant...

Les Jeux Olympiques d’été 2004 retournent dans leur berceau d’origine, la Grèce. A cette occasion, les médias et le CIO (Comité international olympique) ne manqueront pas de rappeler les principes fondateurs de l’un des événements sportifs internationaux les plus fameux. La Charte olympique, élaborée par Pierre de Coubertin en 1894 lors de la réinitialisation des Jeux tels que pratiqués dans la Grèce Antique, précise notamment : « Le rôle des Jeux Olympiques est de placer partout le sport au service du développement harmonieux de l’Homme, dans l’optique d’encourager l’établissement d’une société pacifique et soucieuse de la préservation de la dignité humaine ».

Quel est aujourd’hui l’équilibre entre respect et mise en œuvre effective de ces principes et recherche de fonds pour pérenniser et rendre toujours plus spectaculaire cet événement ?

Marketing et JO

Depuis une vingtaine d’années, la politique de marketing a pris une place prépondérante dans l’organisation et la gestion des Jeux Olympiques. Sur son site officiel, le CIO n’hésite d’ailleurs pas à proclamer que le programme de marketing « est devenu le moteur de la promotion, de la sécurité financière et de la stabilité du mouvement olympique ».

Ce programme se résume essentiellement à deux opportunités offertes aux multinationales. La première permet de devenir sponsor en apportant un appui financier, technique et logistique aux Jeux et de bénéficier en retour d’une plate-forme marketing idéale : non seulement les multinationales peuvent communiquer autour d’un événement marqué fortement par des idéaux et des valeurs connus de tous, mais, en plus, elles se retrouvent au cœur d’un des événements les plus médiatisés au monde. Pendant deux semaines tous les deux ans (les JO d’hiver alternent avec ceux d’été), les “JO” sont présents à travers tous types de médias dans plus de 200 pays et touchent plusieurs milliards de personnes.

La seconde opportunité offerte aux multinationales est l’obtention d’une licence qui leur permet de produire des accessoires et vêtements portant le logo des Jeux.

Pour 2001-2004, le parrainage représente 40% des revenus du CIO, soit 1 815 millions de dollars pour les Jeux d’Athènes. Quant aux royalties attendues liées aux ventes de produits sous licence, elles se montent à 66 millions de dollars. Coquettes sommes... qui génèrent de confortables revenus redistribués aux comités d’organisation des Jeux, aux comités nationaux olympiques (pour développer la pratique du sport et prendre en charge les frais d’entraînements et de formation) et aux fédérations internationales de sport. Le CIO en conserve 8% pour ses propres frais et dépenses administratives.

Le marketing qui venait du foot...

L’inspirateur de cette politique marketing est Joao Havelange, président de la Fifa (Fédération internationale de football association) dans les années 70. Cette fédération, dont l’objet est la promotion du football, compte aujourd’hui parmi les plus grandes au monde. Elle est aussi, grâce notamment à sa politique marketing mise en œuvre depuis 30 ans, une puissance économique mondiale dont les revenus dépassent le PIB de nombreux pays et qui génère de manière directe ou indirecte de multiples profits. C’est sa stratégie commerciale qui a fait de la Fifa une institution mondiale puissante dont les liens et les ramifications dépassent maintenant largement le monde du sport.

Dans sa course au développement des bénéfices et à la popularité, la Fifa et Joao Havelange ont pu bénéficier de l’appui de deux alliés de taille expérimentés : Coca-Cola et Adidas. Chacune à sa façon a appuyé Havelange. Coca-Cola a notamment permis de financer les voyages du président de la Fifa, la construction de terrains d’entraînement dans ces pays et l’obtention des voix des Etats dont le président avait besoin pour se maintenir à ce poste.

Les deux multinationales lui ont permis de concevoir et de développer une stratégie commerciale qui est aujourd’hui un véritable succès. L’idée de génie : créer des liens toujours plus forts entre la Coupe du monde, les médias et les sponsors.

Il suffit pour cela d’appliquer la loi de l’offre et de la demande. Les sponsors assurent à la Fifa revenus financiers, appuis techniques et communication tandis que la Fifa leur accorde un accès libre à l’un des espaces publicitaires les plus vastes au monde. Les multinationales y ont trouvé leur compte, notamment les grandes marques de sport qui ont trouvé là un terrain de jeux à la mesure de leurs ambitions.

Les victimes de la guerre des marques

En 2002, le marché des vêtements et accessoires de sport représentait plus de 58 billions de dollars. Les trois plus grandes marques (Nike, Adidas et Reebok) réalisaient respectivement, 1 123, 408 et 195 millions de dollars de profits.

La féroce concurrence et la guerre de marketing qui se joue entre les marques de sport est à la mesure des marchés à conquérir ou préserver. Dans un tel contexte, l’espace médiatique offert par ces grands événements internationaux ne peut être qu’attractif. Quoi de mieux pour y développer son image autour de valeurs fortes d’équité, d’esprit d’équipe... ?

Seulement voilà. Loin du discours, il y une autre réalité... Comme l’exprime Blanca Velasquez du CAT [4], « il faut à tout prix montrer le double visage des multinationales du sport : derrière les grands coups publicitaires, il y aussi la violation des droits de l’homme au travail »... et le détournement de principes essentiels au profit des lois du commerce.

Pour être toujours plus compétitives, les multinationales du sport réduisent sans cesse les coûts de fabrication au profit des budgets de conception et de marketing. En 2002, Nike investissait ainsi plus de 1 000 millions de dollars dans la publicité et la promotion de sa marque. Adidas y consacrait 775 millions et Puma, 107 millions.

Parallèlement, les prix de vente des produits baissent afin de répondre à la demande des consommateurs et à la pression exercée par les distributeurs, notamment Foot Loocker et Décathlon.

Les délocalisations s’imposent donc dès les années 80 et, aujourd’hui, la quasi totalité des produits se fabrique chez des sous-traitants dans les pays du Sud.

Les politiques d’achats de ces grands noms du sport pèsent directement sur les fournisseurs et les sous-traitants et, par voie de conséquence, sur les ouvriers qui produisent à la chaîne les vêtements et accessoires.

Lorsque Nike, Adidas, Reebok, ou encore Puma ou Lotto passent commande, ils exigent les prix les plus bas, les délais les plus courts et la qualité la plus haute.

Résultat : les conditions de travail dans les sites de production sont bien loin du respect des normes internationales et nationales du droit du travail, comme en témoigne Melle Phan, ouvrière dans une usine thaïlandaise cliente de Puma : « Tous les jours, nous travaillons de 8h à midi. Ensuite, c’est la pause repas et nous travaillons encore de 13h à 17h. Nous devons effectuer tous les jours des heures supplémentaires qui débutent à 17h30. Durant la haute saison, nous devons travailler jusqu’à 2 ou 3 heures du matin. Bien que nous soyons exténués, nous n’avons pas le choix. [...] Je gagne environ 50 dollars par mois [...]. Certains mois, pendant la basse saison, quand je gagne moins d’argent, il ne me reste que 30 ou 40 cents. [5] »

Au-delà des salaires bas, de la rémunération à la pièce, des heures supplémentaires forcées et des conditions de santé et de sécurité non respectées, il y a une précarité intense : l’emploi est très volatile car le secteur de la confection et du textile est saisonnier. Egalement parce que la concurrence entre fournisseurs, voire entre pays, est particulièrement aiguë. Dans de telles conditions, difficile pour les ouvriers de créer des syndicats. Et lorsque de telles velléités existent, elles sont seulement réprimées mais peuvent être à l’origine de menace de fermeture d’un site de production.

Codes de conduite

L’adoption de codes de conduite par les grandes marques de sport, suite aux campagnes internationales de dénonciation menées depuis les années 90, est un premier pas qui, pour l’instant, n’a pas apporté de grandes améliorations dans les conditions de travail et relève plutôt, une fois n’est pas coutume, de l’opération de communication. Les grandes marques doivent aller plus loin, notamment en mettant en place des moyens de contrôle des conditions de travail, et en favorisant l’organisation des travailleurs et leur implication dans ce processus. Bien évidemment, elles doivent aussi accepter de remettre en cause leurs politiques d’achats et reconnaître leur responsabilité directe dans le non respect des droits fondamentaux des ouvriers des zones de production.

Ces campagnes de dénonciation n’ont pas suscité de promptes réactions du mouvement olympique et sportif en général. Des codes de conduite ont été adoptés par certaines organisations comme la Fifa... mais restent lettre morte. Le monde du sport ne semble pas s’émouvoir des partenariats ou des licences accordées à des multinationales dont on connaît bien les pratiques sociales et qui ont été maintes fois remises en cause.

Pour les JO d’Athènes, on retrouve d’ailleurs des partenaires de longue date du mouvement olympique et de la Fifa : Coca-Cola et McDonald’s, ainsi qu’Adidas, fournisseur officiel des uniformes 2004. Sur son site officiel, la Fifa déclare encourager ses partenaires « à être plus que des noms vus et revus par des millions de personnes ». Elle ajoute même que leur réputation et la nature de leurs produits reflètent sérieux et respect pour les valeurs du plus grand sport au monde... !

Le CIO affirme de son côté que l’un des objectifs de son programme marketing est de « préserver le caractère spécial des Jeux Olympiques, de protéger et promouvoir l’image et les idéaux olympiques à travers le monde, et d’œuvrer avec tous les partenaires de marketing à la mise en valeur de l’olympisme ». Certes, mais à quel prix ? Les idéaux et les valeurs qui fondent le mouvement sportif ne doivent pas être des produits de marketing de plus, vides de tout sens et de toute réalité pour satisfaire aux ambitions de pouvoir des uns et aux velléités d’expansion des autres.

Maude Feral


En savoir plus

- Ouvrages

  • Une nouvelle citoyenneté pour la planète : aspects sociaux du développement durable, Peuples Solidaires, 2003, 36 p.
  • Codes de conduite des multinationales : outils de progrès social ou coup de pub ? Peuples Solidaires, 2003, 111 p.
  • Revue des évolutions européennes en matière de vérification et de suivi des conditions de travail dans les secteurs de l’habillement et des articles de sport, Amsterdam, SOMO, 2001, 32 p.
  • Agenda 21 du mouvement olympique : le sport pour le développement durable, Comité international olympique, [sans lieu], CIO, 1999, 50 p.
  • Vers un label social ? Articles de sport et droits de l’Homme, les consommateurs agissent, Centre Français d’Information sur les Entreprises (CFIE), Paris, mai 1998, 62 p.
  • Forum mondial du sport, actes, éditions PSD (Agenda 21, à télécharger sur le site http://www.franceolympique.com)

- Revues

  • Revue Enjeu de l’UFOLEP USEP, « Sport et mondialisation », n° 376
  • « Sport passion », Le Courrier de l’Unesco, n° 9904, avril 1999, p. 17-36.
  • « Que développe le sport ? », Défis-Sud, n° 32, avril 1998, p. 13-34.
  • « Jeux olympiques et société globale », Ecologie et politique, n° 17, juin 1996, p. 7-17.

- Sur le web

- Publications de William Gasparini

  • Sociologie de l’organisation sportive, Ed. La Découverte, Paris, 2000
  • Les concours de la fonction publique dans les métiers du sport et de l’EPS, Ed. Vigot, Paris, 2000
  • L’organisation sportive (Dir.), Ed. Revue EPS, Paris, 2003
  • Direction de l’ouvrage : Sport, performance et santé. Perspectives éthiques, Ed. Université Marc Bloch, Strasbourg, 2004.
  • Ainsi que des tribunes dans Libération sur la pensée néo-libérale dans le sport (6 articles depuis 2000)

[1] W. Gasparini est maître de conférence en Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) à l’Université Marc-Bloch de Strasbourg, spécialisé en sociologie du sport. Il est également membre du Conseil scientifique d’Attac.

[2] IUFM : Institut universitaire de formation des maîtres, STAPS : Sciences et techniques des activités physiques et sportives

[3] CAILLAT Michel, Le Sport, Collection “Idées reçues”, Editions Cavalier Bleu, 2002. Mouvement Critique du Sport : critique.sport@libertysurf.fr.

[4] Comité d’appui aux travailleurs, organisation basée au Mexique, dans la région de Puebla, “riche” en maquillas...

[5] Témoignage extrait du rapport “Play fair at the Olympics” de la Clean Clothes Campaign et d’Oxfam.

document de référence rédigé le : 1er avril 2004

date de mise en ligne : 18 août 2003

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