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cartographie interactive >  démocratie et gouvernance  > La problématique de la sociabilité et de l’inclusion sociale vue du Sénégal

DAFF Sidiki Abdoul

La problématique de la sociabilité et de l’inclusion sociale vue du Sénégal

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Cet article reprend l’Intervention de Sidiki DAFF lors des 2° Journées Internationales de Participation Citoyenne dans les Communes (Palais des congrès de Cordoue, 21/03). Il relate une expérience partipative, s’appuyant sur l’expérience de Porto Alegre et sur les principes énoncés par la Charte Afrcaine du partenariat. Ce processus departicipation citoyenne et d’inclusion sociale, initié par le CERPAC, a été mené avec une commune de Guédiawaye, banlieue de Dakar. La démarche y est décrite mais aussi les limites et difficultés de cette expérience qui pourrait être élargie à bien d’autres communes dans toute l’Afrique.

Nous sommes des acteurs venant d’horizon différents mais unis par le combat pour la « démocratiser radicalement la démocratie » et la construction d’un monde plus juste. Etant de cultures différentes, les termes que nous utilisons peuvent ne pas renvoyer à la même réalité, mais en les confrontant nous pouvons tirer des leçons et des moyens d’action communs.

  • Pauvreté et inclusion sociale

Dans mon pays, le Sénégal, la pauvreté est la chose la mieux partagée mais elle n’induit pas automatiquement une exclusion sociale comme cela est le cas dans les pays du Nord. En effet dans mon pays (en Afrique en général), la dureté des conditions de vie est atténuée par des mécanismes de sociabilité diverses dont les associations de quartiers et les réseaux sociaux sont porteurs. Dans un contexte de sous-développement, caractérisé par la fragilité des institutions nationales et locales, ces structures créent des espaces libres où ils offrent des ressources capables de satisfaire des besoins spécifiques permettant de faire face tant bien que mal à la rudesse de la vie. L’associativité doit être comprise comme un capital social, une sorte d’assurance-vie.

Leurs activités dépassent ce cadre pour s’étendre à l’échelle de la cité pour prendre en charge une partie du service public que les municipalités ne peuvent où ne veulent assumer. C’est le cas des ordures ménagères, de l’éducation, de la santé etc. Les organisations s’auto imposent pour pallier les carences des institutions publiques.

C’est en constatant, la capacité du mouvement associatif à s’impliquer bénévolement dans la prise en charge des tâches dévolues à l’état et aux collectivités mais aussi leur incapacité à interpeller de manière intelligible la puissance publique, que le CERPAC a initié avec une commune de Guédiawaye, un processus participatif s’appuyant sur l’expérience de Porto Alegre mais aussi des principes énoncés par la « Charte Africaine du partenariat »

  • Participation citoyenne et inclusion politique

Autant les cadres associatifs s’impliquent à fond dans la prise en charge des services, autant ils sanctionnent les municipalités en refusant de payer les impôts et les taxes. Ainsi s’installe un dialogue de sourd et un cercle vicieux. Au « vous devez payer les impôts pour que la mairie réalise des ouvrages sociaux » répond le « nous ne payons pas les impôts parce que vous ne faites rien, vous êtes patripoches ». La prise en charge partielle du service public par les populations et leur refus de payer ont été analysés par le CERPAC comme une revendication forte à participer pleinement à la gestion de la cité, elle est un appel à la cogestion. En effet comme le mentionne la « Charte Africaine du Partenariat », les organisations de base, formelles ou informelles « sont une forme de représentation de la population. Elles agissent dans l’intérêt de celle-ci, en font émerger une parole collective, et ont à rendre des comptes à la communauté tout entière. Les autorités locales de leur côté, issues d’une élection démocratique, constituent une autre forme de représentation de la population. Elles doivent reconnaître mutuellement leur légitimité. La reconnaissance mutuelle est un préalable au partenariat. »

  • L’expérience de mise en place des comités participatifs à Guédiawaye

Depuis Mai 2002, les communes de Guédiawaye ont connu de nouvelles équipes municipales dont certaines ont eu comme programme de campagne électoral le budget participatif de Porto Alegre. C’est cette opportunité que le CERPAC (qui est un des promoteurs de cette expérience au Sénégal) a saisi pour proposer à une mairie la mise en œuvre d’une gestion participative. Il gère en rapport avec la mairie le comité de pilotage pour la mise en œuvre d’une démocratie participative mais avec un parti pris clairement affirmé par le CERPAC : il privilégie ses rapports avec les populations et ce sera l’attitude de la municipalité vis-à-vis de leur besoin qui déterminera la nature des rapports tissés.

Pour le CERPAC, il ne s’agit pas de recopier cette expérience mais d’en saisir le sens profond qui est la promotion de la démocratie participative. Cet engagement signifie que les nouvelles autorités locales ont décidé de rompre avec le clientélisme, la mauvaise gestion des biens publics, l’absence de transparence et de compte rendu qui a caractérisé les équipes précédentes. Elles prennent l’option de faire avec les gens, une démarche impliquant la participation des populations. Elle implique la reconnaissance et la confiance mutuelle entre différents acteurs dans les modes d’organisation et d’actions qu’ils ont librement choisi. Ici les acteurs sont les organisations des populations et les autorités locales. Il s’agit par cette démarche de renouer les fils du dialogue et de créer des espaces de concertation. Nous sommes loin du Budget Participatif, car nous venons de loin et nous cherchons à travers cette expérience à ouvrir des espaces d’innovations démocratiques. Il s’agit de rompre la dichotomie entre les deux acteurs mais aussi de créer les conditions d’un dialogue et d’un minimum de transparence dans la gestion des affaires publiques. Les comités ont pour vocation de repérer les problèmes et de participer avec le conseil municipal à leur traitement. Dans leur composition ils tiennent compte de la diversité qui existe dans leur zone d’évolution ce qui explique la cohabitation de structures de type associatives classiques et des associations traditionnelles n’ayant pas une reconnaissance légale mais représentative d’une catégorie de la population.

1) Les Comités Participatifs de Quartier (CPQ)

Ils sont des représentants d’associations et de personnes physiques qui souhaitent y participer. Nous avons insisté sur la participation individuelle car nous cherchons à éviter une autre de délégation de pouvoir et la capture de la parole des citoyens par les « barons d’associations ou d’ONG » ou de « mères de mbotaay ».

2) Les comités de secteurs d’activités

L’expression citoyenne ne se limitant pas seulement au quartier car certains citoyens ont des activités et des préoccupations transversales c’est à dire qui concernent toute la collectivité locale (commerçants, transporteurs, santé, éducation etc.), les CPQ ont été complétés par des comités de secteurs d’activités travaillant à l’échelle de la commune entière sur des sujets qui ne peuvent être traités qu’à cette échelle, tels que la santé, l’éducation, etc.

3) La Coordination Participative (CP)

Elle est issue des différents conseils au prorata des effectifs des comités. Les membres de la CP qui font la synthèse de ce qui vient des comités sont présents au conseil municipal avec droit d’intervenir dans les débats mais sans voix délibérative.

4) L’Espace Local d’interpellation Démocratique (ELID)

Il correspond à une rencontre annuelle publique directe entre le Maire et les populations dans un endroit assez vaste pendant un ou deux jours pendant lesquels l’exécutif municipal rend compte à ses mandataires (les populations) du travail effectué pendant un an, de l’usage fait des fonds de la collectivité local, de l’état d’exécution du plan de développement local, des difficultés rencontrées etc. Dans l’immédiat nous travaillons avec la municipalité pour l’organisation de cette rencontre pour faire l’état des lieux laissés par l’ancienne équipe que l’équipe actuelle assume au nom de la continuité de l’action publique. Une telle démarche aura un effet de déclic et sera annonciatrice d’une démarche de transparence. En plus, cela permet de visualiser ce qu’il est possible de faire dans le court, moyen et long terme donc de prévenir les conflits.

  • Les limites de l’expérience

1-Le faible niveau de formation d’information des délégués des comités :

Parler de démocratie participative signifie « capaciter » les acteurs que sont les élus et les populations car l’accès aux connaissances est indispensable pour construire une parole intelligible et une intelligence collective. A ce niveau le CERPAC qui a mis à la disposition des délégués et des associations la "Maison du Citoyen", est entrain de voir les voies et moyens pour assurer cette formation car sans celle ci on aura affaire à des comités formels facilement manipulables. Dans cette expérience nous sommes conscients que les rapports précèdent le dialogue pour conquérir plus d’espace et d’indépendance vis à vis du pouvoir local

2-Les limites des élections démocratiques (principe une personne, une voix) :

Si tous les délegués ont été élus par vote, il est à noter que les chefs de quartier, des personnes porteuses de légitmité sociale, bien que présents n’ont pas daigné se présenter aux élections. A la limite, ils se sont mis hors de ce mode de choix qui ne répond pas à leur conception de la représentativité. Ne pas intégrer cette catégorie, c’est courrir le rique de les avoir contre les comités et ils ont une capacité de nuisance énorme car ils sont investis d’une reconnaissance sociale forte. A ce niveau il y a une réflexion profonde à mener en Afrique

3-La prégnance de l’esprit clientéliste :

Elle continue de prévaloir au sein des populations qui pendant 40 ans ont eu des rapports clientélistes avec les différents élus locaux pour faire aboutir leur demande. Cet esprit s’est manifesté pendant la mise sur pied des comités par des phrases d’apparence sibyllines mais très significatives « nous sommes derrière vous M. le Maire, nous vous soutenons » sans compter les propos de louange inhibiteurs. En effet le maire étant chef local du parti soumis aux impératifs des dirigeants nationaux du parti (élargir sa base électorale), les deniers publics pourraient être utilisé pour cet objectif.

  • Conclusion

Voilà sommairement l’expérience que nous bricolons, et notre chemin est semé de rocailles mais le dit un adage peul « le lutteur qui a peur de la défaite ne doit pas descendre dans l’arène. En conséquence il ne connaîtra pas le goût amer de la défaite mais non plus celui suave de la victoire », nous acceptons de descendre dans l’arène.

document de référence rédigé le : 21 mars 2004

date de mise en ligne : 3 septembre 2004

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