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SAINSAULIEU Ivan

Crises et recompositions du travail social

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> Les Cahiers de Louise

Ce texte part du constat d’un malaise ou d’une inquiétude des travailleurs sociaux qu’il veut saisir d’après une revue synthétique de la littérature. Cela nous conduira à analyser le travail social sous les trois angles de la sociologie des professions, de l’action publique (sociale) et de la crise du lien social.

La question du sens de la mission sociale de service public traverse tous les secteurs liés au « travail sur autrui ». En nous concentrant ici sur l’évolution des professions du social, on pourrait résumer les inquiétudes des travailleurs sociaux par l’évolution de ce que l’on appelait « l’humanisme » dans les métiers du travail social. Le malaise provient de ce que l’on ne voit pas ce qui prend la place des valeurs et des engagements qui semblaient prévaloir auparavant. Pour aller vite, les métiers du social semblent désabusés à l’heure où, dans les quartiers, cela devient « trop social ». Le social tend à représenter moins une mission qu’un fardeau sans espoir.

Les travailleurs sociaux : des recompositions sociologiques

L’âge d’or du travail social est en général situé dans la période 1970-1980, date à laquelle naît l’appellation. La période faste pour les croyants se situe plutôt dans la période pionnière des Assistantes sociales, au début du XXe siècle (les éducateurs apparaissant pendant la seconde guerre mondiale, en 1942, avant les animateurs en 1960). Jacques Ion et Bertrand Ravon (2002) soulignent l’origine conservatrice du travail social. Il s’agit de conjurer le péril social en moralisant les classes populaires, même si les vocations des aspirants au travail social, y compris des « bourgeoises catholiques », ne se limitaient pas à cette conception du contrôle (Dubet, 2002) : déjà se manifestait la volonté d’émanciper le peuple, avec des expériences alternatives, comme celle des résidences sociales (Bouquet, 2005). Pour la sociologue Jeannine Verdès Leroux (1978), le travail social a toujours cherché fondamentalement (subjectivement et surtout objectivement) à contrôler les pauvres. Deux époques se sont succédé. Dominant jusqu’en 1968, le modèle du contrôle moral des classes pauvres par le corps étranger des assistantes sociales est ensuite peu à peu remplacé par une forme de contrôle social plus souple basée sur l’écoute et ayant pour but de prévenir des énervements plus sporadiques.

Cette approche jette une lumière crue sur le travail social comme facteur d’ordre. Elle est étayée par l’évidence sociologique du recrutement des assistantes sociales de cette époque. Selon les statistiques de l’INSERM en 1970, les assistantes sociales, alors métier dominant du travail social, sont issues à près de 65 % de milieux favorisés (cadres moyens et supérieurs, commerçants et patrons, professions libérales), à 30 % de milieux agricoles ou employés, et à moins de 8 % de milieux ouvriers.

La thèse du contrôle rencontre cependant des limites. D’abord, le changement de composition sociologique du recrutement des métiers du social. Le travail social s’est considérablement développé, pour représenter 800 000 salariés (en 2000). Plus précisément, les métiers du travail social mobilisaient, en 2002, près de 350 000 professionnels (hors aide à domicile) selon une étude publiée en novembre 2005, par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), à partir des données déclaratives de la dernière enquête Emploi de l’INSEE. La hausse des effectifs est située à 4 % par an en moyenne, de 1993 à 2002, du fait notamment du développement récent de l’aide à domicile et de l’assistance maternelle ; les assistantes sociales représentent 40 400 salariées, soit moitié moins que les éducateurs (99 100), et derrière les animateurs (59 600).

La deuxième objection faite à la thèse du contrôle social est l’existence de la dimension de l’émancipation. Elle a largement été impulsée par le bénévolat associatif puis par le militantisme des années 1970. Comme dans le soin, il s’agit de rendre la personne ou le groupe autonome, libre de déterminer son destin. Le travail social se veut « libérateur de spontanéité » (Ion, Ravon, 2002) : aider à retrouver les racines, les traditions, faire émerger les créativités, les styles d’expression. Au contrôle social s’ajoute donc l’émancipation, dans un rapport plus ou moins contradictoire ou ambigu, en tous les cas « paradoxal » (Autès, 1999). Au confluent de logiques d’action et d’assistance, le travail social obéit selon Autès à une structure double, condition même de son efficacité, comme fabrique de cohésion et de lien. Il produit à la fois l’assignation à un ordre social et l’émancipation démocratique des individus et des groupes. Il se situe sur le double registre des institutions et des subjectivités. Cette position charnière empêche de lui fixer une fonction univoque, il faut au contraire le saisir au travers de la dualité contrôle institutionnel et libération individuelle du travailleur comme de l’usager, les deux pôles étant souvent incarnés par des générations différentes. Pour lire l’article : Crises et recompositions du travail social

date de mise en ligne : 21 mai 2007

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