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cartographie interactive >  environnement et développement durable  > Le Sommet de Johannesburg : et après ?

AGARWAL Anil, IMCHEN Achila, NARAIN Sunita, Notre Terre, SHARMA Anju

Le Sommet de Johannesburg : et après ?

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> Introduction de l’ouvrage "Poles Apart, CSE", New Delhi, 2001, in Notre Terre n° 8, mars 2002

Les signes prémonitoires ne sont pas bons, c’est le moins qu’on puisse dire. Un an seulement avant le Sommet du développement durable de Johannesburg qui doit faire le point sur les progrès accomplis depuis Rio (1992), le président des Etats-Unis, George W. Bush, donnait un coup terrible à ceux qui rêvent d’une responsabilité collective vis-à-vis de notre planète : son pays ne participerait pas aux négociations du Protocole de Kyoto qui doit imposer aux pays industrialisés une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Vis-à-vis de l’atmosphère, cet élément essentiel du patrimoine commun de l’humanité, les Etats-Unis fuient donc leurs responsabilités, alors qu’ils sont les premiers coupables, les plus gros producteurs de ces gaz.

Article publié dans Notre Terre.

La communauté internationale n’est pas capable de faire entendre raison aux Etats-Unis, et cela fragilise énormément les institutions mondiales chargées de veiller au bon état de l’environnement planétaire. Au cours des dix dernières années, de nombreux organismes et traités internationaux ont vu le jour dans ce domaine. Mais ce n’est pas pour cela que les choses vont mieux, que les ressources de la planète sont gérées de façon plus équitable. Au contraire, les fissures du système s’élargissent et aggravent les contrastes entre riches et pauvres, entre pays du Nord et pays du Sud. Depuis la Conférence des Nations unies sur l’environnement à Rio, les leaders mondiaux ont complètement laissé de côté les principes de démocratie et d’équité en matière de gestion de l’environnement.

Les priorités des pays du Nord

Les intérêts économiques des pays puissants et des grosses entreprises ont constamment pesé sur les négociations et orienté les décisions. Cela est évident pour la plupart des grandes traités sur l’environnement : Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique, Convention sur la biodiversité, Protocole de Carthagène sur la biosécurité, Protocole sur la responsabilités et l’indemnisation en cas de dommages résultant de mouvements transfrontières et de l’élimination de déchets dangereux dans le cadre de la Convention de Bâle. Dans le passé, les gouvernements des pays du Nord n’ont pas vraiment caché leur intention de protéger d’abord leur industrie nationale. C’est ainsi qu’on a souvent sacrifié « l’efficacité écologique » planétaire au nom d’une soi-disant « efficacité économique » définie selon des critères bien étroits. La décision du président Bush de se retirer du Protocole de Kyoto, alors que les Etats-Unis ont été et restent l’un des tous premiers responsables du réchauffement climatique, illustre bien ce propos : on s’intéresse à l’environnement, on accepte des accords multilatéraux uniquement dans la mesure où cela ne remet pas en cause les intérêts économiques des pays riches. Quand le pays le plus puissant de la planète refuse d’assumer ses responsabilités en matière d’émission de gaz à effet de serre, ce qui entraînera des effets désastreux et bien des souffrances dans des pays pauvres, que peut faire la communauté internationale sinon essayer de convaincre ?

Les problèmes de l’environnement ne sont pris au sérieux que s’ils touchent vraiment les pays du Nord. Cette tendance, apparue au cours des années récentes, a de quoi nous alarmer. Le gouvernement américain peut bien décider de quitter les négociations du Protocole de Kyoto : selon les scientifiques, ce sont surtout les pays du Sud qui devraient subir les conséquences du réchauffement climatique. Les gouvernements des pays du Nord ne s’intéressent guère aux négociations sur la désertification ou la biodiversité parce que ces problèmes concernent surtout des pays du Sud. Par contre, les trous dans la couche d’ozone et les polluants organiques persistants sont des problèmes qui peuvent toucher aussi les populations des pays du Nord. Ils sont donc pris au sérieux et les négociations avancent bien plus vite sur ces deux chapitres.

Comment contraindre les gros coupables ?

Pour le Protocole de Kyoto, la communauté internationale essaie désespérément de faire revenir les Etats-Unis à la table des négociations, mais jusqu’à présent la société civile n’a pas trouvé le moyen de forcer ce pays à assumer ses responsabilités. Les « gros bâtons » prévus dans les négociations mondiales sur l’environnement pour faire obéir les récalcitrants sont essentiellement des sanctions économiques, qui ne seraient applicables qu’à l’encontre de pays pauvres. Dans le cadre du Protocole de Montréal, par exemple, on peut menacer les pays en développement d’une suspension de l’aide s’ils ne remplissent pas leurs engagements. Mais il n’existe pas de mécanisme de contrainte à l’égard des pays industrialisés qui ne respecteraient pas leurs objectifs. Pour ce qui est du Protocole de Kyoto, le système de contrainte prévu pour les pays industrialisés saura être indulgent : finalement, ces pays tâcheront de respecter leurs engagements s’ils le voudront bien. Pour la Convention de Bâle, ce sont encore essentiellement les pays développés qui risquent d’être les contrevenants, mais il n’y a aucune pénalité de prévu à l’égard des coupables : onze ans après la signature de ce texte, il reste encore à élaborer un mécanisme de contrainte.

Par ailleurs, dans les négociations mondiales sur l’environnement, on n’a pas réussi jusqu’à présent à attribuer les responsabilités « à qui de droit », alors que le plus souvent les soupçons se portent sur des établissements industriels des pays du Nord, ces nouvelles vaches sacrées qu’il faut absolument protéger, quel que soit le coût. On a parfois essayé de mettre en place directement des mécanismes appropriés afin que les entreprises soient vraiment responsables de leurs produits. Dans deux cas au moins ça a été l’échec : pour les dispositions relatives à la responsabilité du Protocole de Carthagène sur la biosécurité et de la Convention de Bâle. Dans le premier cas, les pays du Nord ont réussi à écarter tout protocole sur la responsabilité. Dans le second cas, il n’est pas prévu de clauses de responsabilité dissuasives pour les établissements industriels qui produisent des déchets dangereux. Au lieu de subir des pénalités, les industriels ont parfois même été récompensées d’avoir malmené l’environnement. La firme Du Pont, qui fabriquait une bonne partie des fluorocarbures (CFC), allait bénéficier d’un marché mondial captif en matière de produits de substitution, les hydrochlorofluorocarbures (HCFC), autorisés par le Protocole de Montréal et dont on savait qu’elles peuvent aussi affecter la couche d’ozone. Du Pont et d’autres fabricants de CFC n’ont pas du tout été pénalisés pour avoir porté atteinte à l’environnement de la planète. Les industriels ont continué à inventer, à produire et à vendre des produits chimiques qui attaquent la couche d’ozone, sans se soucier du reste. Les négociateurs du Protocole de Montréal sont très occupés à chercher un accord sur des dates limites pour l’arrêt de fabrication de ces nouvelles substances, mais à aucun moment il n’a été question de faire porter une quelconque responsabilité aux fabricants.

Les négociations mondiales sur l’environnement obligent les pays du Sud à opérer de nombreuses mutations technologiques qui coûtent cher, mais elles ne prévoient pas de dispositif approprié pour aider ces pays à faire un grand bon qualitatif en avant en matière de technologie. Le Protocole de Montréal a prévu une aide financière aux pays du Sud pour faciliter leur passage à de nouveaux produits chimiques. Mais comme la première génération de produits de substitution s’avère aussi préjudiciable à la couche d’ozone, les pays du Sud devront supporter les coûts de la deuxième transition. C’est la même chose dans les négociations sur le climat : les mécanismes de flexibilité ont été prévus pour encourager l’usage de carburants fossiles plus propres dans les pays du Sud, pas pour les aider à franchir le pas et à adopter des énergies renouvelables. Lorsque les pays du Sud devront s’engager aussi à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, ils devront abandonner les technologies énergétiques relativement améliorées mais classiques pour lesquelles ils avaient reçu une aide des pays du Nord.

Les leaders des pays du Sud parlent-ils assez fort et clair ?

Dans toutes ces négociations, les pays du Sud continuent malheureusement à être des spectateurs. Il leur manque souvent l’information et le savoir-faire indispensables pour pouvoir y participer utilement. Habituellement ils ont donc une attitude d’opposition au lieu de faire eux-mêmes des propositions concrètes pour une gestion de l’environnement mondial qui soit démocratique et qui tienne compte de leurs propres intérêts. Pour le moment force est de dire que les négociateurs du Sud n’ont guère fait preuve de clairvoyance pour apporter leur vision des choses au débat sur l’environnement mondial. Leur stratégie se résume à deux arguments bien simples : obtenir des pays du Nord quelques petits engagements en matière de transfert de technologie et quelques aides supplémentaires, ensuite prétexter de ce que les pays du Nord ne tiennent jamais leurs engagements pour bloquer les prochaines négociations.

Mais il y a plus grave : les pays du Sud n’ont pas été capables d’élaborer et de mettre en œuvre chez eux des programmes de développement appropriés. Ils auraient pu profiter de la Convention des Nations unies sur la désertification pour mobiliser les millions de gens défavorisés qui survivent sur des terres très dégradées afin de remettre en état cet environnement et améliorer la sécurité alimentaire et l’activité économique. Mais pour cela il faut absolument que la population locale soit dans le coup, car la lutte contre la désertification ne se limite pas à planter des arbres et à faire pousser de l’herbe. ll est bien plus important de donner aux gens la possibilité de gérer eux-mêmes les affaires locales. Malheureusement les gouvernements des pays du Sud ont omis de procéder à une telle dévolution de pouvoir lors de la préparation et de la mise en œuvre des plans nationaux. Et ils n’ont pas pris soin de créer un cadre législatif et administratif adapté pour relayer sur le plan national la Convention pour la protection de la biodiversité.

Parce qu’ils ne sont pas assez présents dans l’arène quand se mettent en route les grands processus internationaux, les gouvernements des pays en développement se retrouvent plus ou moins sur la touche. Ils n’ont pratiquement rien dit dans le débat en cours sur les nouvelles formes que devrait prendre la gouvernance mondiale de l’environnement, cela en vue du Sommet du développement durable de Johannesburg. Au Sommet de la Terre de Rio, en 1992, on avait créé la Commission du développement durable qui devait superviser et guider l’action en faveur de l’environnement. Mais cette structure est devenue par la suite un simple « parloir », avec la connivence de ceux-là même qui l’avait instituée. Elle a été incapable de coordonner et de diriger l’effort international en faveur de l’environnement. Aujourd’hui le cadre institutionnel mondial chargé de l’environnement est en crise. Les gouvernements des pays du Nord penchent de plus en plus pour une Organisation mondiale de l’environnement constituée à partir du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) qui serait réorganisé et renforcé.

Par le passé, les problèmes des pays pauvres n’ont guère fait partie des grandes préoccupations internationales, loin s’en faut ! Malgré tout les représentants des pays du Sud osent espérer que le Sommet du développement durable de Johannesburg s’intéressera aussi à leurs problèmes de développement. Peut-être ne s’agit-il que d’une illusion, surtout si à Johannesburg le débat se centrera finalement sur l’adhésion des pays industrialisés (Etats-Unis...) aux accords existants. Les leaders des pays du Sud doivent en tout cas dire clairement qu’ils cherchent avant tout à améliorer le sort de leurs concitoyens laissés de côté par la mondialisation de l’économie, à lutter en priorité contre certaines faiblesses de leurs pays qui les empêchent de prendre le chemin du développement durable. Il leur faudra donc

  • Combattre la pauvreté écologique dont souffrent la plupart des ruraux qui vivent dans des écosystèmes dégradés ;
  • Renforcer la démocratie au niveau local et global pour mieux gérer les ressources disponibles ;
  • Lutter contre la pollution, qui va sans doute augmenter rapidement dans ces pays sous l’effet de la croissance économique.

Création d’un fonds mondial, d’un programme mondial pour donner aux populations marginalisées le pouvoir de se prendre en main et lutter contre leur état de « pauvreté écologique »

Il est clair que la mondialisation en cours va laisser au bord de la route des milliards de pauvres, et pendant des décennies, tant qu’ils n’auront pas la possibilité d’accéder eux aussi aux marchés nationaux et mondiaux. Ces populations marginalisées vivent dans des conditions vraiment déplorables : elles n’ont pas accès à l’eau potable, à une nourriture suffisante, aux soins de santé essentiels. Dans les pays en développement, pour presque un tiers de la population l’espérance de vie ne dépasse guère les 40 ans.

Peu de gens se rendent compte que dans une bonne partie des pays en développement, la pauvreté des campagnes est la conséquence non pas d’une soi-disant « pauvreté économique » mais de la « pauvreté écologique », c’est-à-dire une insuffisance de ressources naturelles qui empêche le décollage économique local. D’après l’Etat de la pauvreté rurale, un rapport publié par le Fonds international de développement agricole (FIDA), plus d’un milliard de personnes vivent dans une pauvreté absolue, et une bonne partie de ces gens habitent sur des terres dégradés. La remise en état de ces espaces sera déterminante pour relancer l’agriculture et l’élevage. Pour cela il faut une gestion appropriée des sols et de l’eau afin d’assurer une bonne production de biomasse : arbres, herbe, cultures. Malheureusement on ne s’intéresse pas beaucoup à la pauvreté écologique parce que la plupart des économistes ne comprennent pas ce que signifie gestion de l’environnement et des ressources naturelles, et la plupart des environnementalistes ne comprennent pas la nature de la pauvreté.

Si les terres et les écosystèmes sont en bon état, si les gens les exploitent de manière durable, ils devraient pouvoir mener une vie saine et digne. Dans bon nombre de pays en développement, à l’instigation des pouvoirs publics ou d’organisations non gouvernementales, des projets exemplaires ont été menés à bien. Ceux-ci ont démontré qu’avec une bonne gestion des ressources naturelles, basée sur des systèmes communautaires de récolte de l’eau, on finit par obtenir une transformation radicale de l’environnement local, de l’économie locale. Ralegan Siddhi, situé dans une région très abîmée du Maharashtra, était sans doute, dans les années 1970, l’un des villages les plus pauvres de l’Inde. Aujourd’hui ce serait l’un des plus riches : plus du quart des ménages ont des revenus annuels qui atteignent 12 000 dollars (voir Notre Terre n° 5).

Pour les temps qui viennent il faudra mobiliser les populations marginalisées, accorder à ce milliard de gens des droits et des responsabilités pour qu’ils puissent se sortir de leur pauvreté écologique en mettant en valeur les ressources naturelles de l’environnement et redynamiser l’activité locale. Il faut arrêter la dégradation des ressources naturelles, il faut remettre en état les ressources naturelles. Au cours du XXe siècle, pour résoudre les problèmes de développement économique et de marginalisation, il faudra absolument trouver la bonne gouvernance, celle qui donnera aux populations locales le pouvoir de s’assumer et de se libérer de la pauvreté écologique.

Dans notre monde interdépendant, parmi tous les droits de l’Homme il en est un d’absolument fondamental : celui pour chacun d’assurer sa survie. Le chômage et la pauvreté frappent une multitude de gens et leur imposent des privations qui sont injustifiables à la fois selon des critères moraux, juridiques et socio-économiques. Cette multitude qui n’a pas de travail ou qui n’a pas assez de travail, ce pourrait être quand même le moyen de lancer un programme massif, mondial de réhabilitation de l’environnement, de restauration des ressources naturelles d’où les pauvres tirent leur subsistance quotidienne. Cela est particulièrement vrai dans les campagnes des pays du Sud. Partout en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie, les villageois pourraient améliorer leur environnement, les écosystèmes, les modes culturales afin d’assurer la pérennité des communautés. Pour cela il faudra planter des arbres, refaire les pâturages, protéger les sols, récolter l’eau sur place, produire de l’énergie à petite échelle. En mettant en œuvre un programme mondial de l’emploi orienté vers la réhabilitation de l’environnement, on arrêterait la progression de deux grandes calamités : la pauvreté, la dégradation de l’environnement.

Pour s’attaquer aux problèmes d’environnement, on doit adopter une approche intégrée qui prenne en compte le local et le mondial : l’action locale dans une perspective mondiale, l’action mondiale dans une perspective locale. L’Agenda 21 a sans doute longuement abordé les relations entre pauvreté et environnement, un problème qui concerne au plus haut point les pays pauvres. Mais au cours de la décennie qui a suivi le Sommet de la Terre à Rio, on n’a pas vraiment essayé de trouver des solutions concrètes à cette question.

C’est pour cette raison que les mouvements associatifs (la société civile) impliqués dans l’action locale doivent sans tarder pouvoir intervenir dans le débat mondial. Les groupes qui militent pour l’environnement et le développement feront bénéficier les programmes mondiaux de leur expérience et, plus important encore, pèseront sur les orientations. Le processus de mondialisation en cours exige de « penser localement et d’agir mondialement » au lieu de « penser mondialement et d’agir localement ». C’est seulement ainsi que la gouvernance mondiale et ses règles et structures commenceront peut-être à prendre en compte l’intérêt des pauvres et des marginalisés.

L’élément le plus important du développement durable c’est le renforcement de la démocratie, à l’échelle locale, à l’échelle mondiale

Il faut renforcer les pratiques démocratiques locales pour que les collectivités puissent décider elles-mêmes de l’usage à faire des ressources naturelles locales : c’est essentiel pour assurer une bonne gestion de l’environnement. Et pour que les nations puissent s’entendre entre elles, il est évident qu’il faut aussi au nouveau mondial des structures démocratiques. L’aspect le plus encourageant de ce XXIe siècle commençant est que la mondialisation va faire apparaître des leaders plus divers sur la scène mondiale. Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la société civile s’est développée de façon extraordinaire et l’on est en droit d’être impressionné par tout ce qu’elle a fait pour apporter un peu plus de raison sur cette planète, notamment en matière d’environnement. La première partie du siècle écoulé avait été marquée par des progrès scientifiques et technologiques sans précédent dont les retombées sur la vie quotidienne des populations dépendaient essentiellement des décisions d’un petit nombre de leaders politiques et d’hommes d’affaires. Face aux problèmes écologiques qui sont apparus, des gens ont réagi et ont dit que les démocraties des pays occidentaux n’étaient finalement pas assez démocratiques. Les gens n’acceptaient plus que leurs élus décident seuls du lieu d’implantation d’une centrale nucléaire. Ils voulaient participer au processus décisionnel, en disant aux décideurs : « Ca ne se fera pas dans mon jardin. On vous a élus pour prendre des décisions, mais vous n’avez pas pour autant le droit de décider de tout et n’importe comment en notre nom ».

Au cours des années 1970, on a donc vu s’épanouir dans les pays occidentaux une société civile très militante qui a progressivement fait école ailleurs, y compris dans les pays du Sud, souvent dotés de régimes politiques plutôt étatiques et socialistes. Grâce à des milliers de militants bénévoles qui montraient la voie, s’est constituée à travers le monde une impressionnante mouvance écologiste qui a fini par pousser les gouvernements et les industriels à s’occuper aussi des problèmes d’environnement.

Dans la deuxième partie du XXe siècle, on est donc passé lentement du concept de démocratie représentative à celui de démocratie participative. Et ça c’est très encourageant car la diversification du leadership est à coup sûr une bonne chose. En ce XXe siècle commençant nous avons de nouvelles chances d’établir une société civile mondiale, et ce faisant de réduire aussi la dominance exercée par la société civile des pays du Nord. Aujourd’hui tous ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir doivent se rendre compte que la mondialisation technologique et la révolution des moyens de communication modifient très subtilement le rapport de forces de multiples façons, pas seulement dans le champ du militaire. L’intérêt majeur de cette évolution c’est que les politiciens peuvent peut-être la freiner, mais ils ne l’arrêteront pas. Sans doute y aura-t-il des hommes politiques responsables qui ne se sentiront pas menacés par la chose, qui l’encourageront même. Mais soyons réalistes : il ne manquera pas non plus, en particulier dans les pays en développement, des leaders de tous ordres qui s’estiment déstabilisés.

Une gouvernance participative

Un autre changement est en cours à travers le monde, Il est lent mais fort important : des systèmes de gouvernance monolithiques cèdent peu à peu du terrain au profit de façons de faire davantage pluralistes. Ainsi de plus en plus de gens ont leur mot à dire sur ce qui concerne leur vie, leur environnement. Et cela devrait immanquablement établir une meilleure harmonie entre les populations et le milieu qu’elles occupent. Jetons un coup d’œil en arrière sur l’Histoire de l’Inde. Il y a environ 250 ans, lorsque les Britanniques étendaient leurs tentacules sur ce pays, chaque village avait son école. L’Inde était le pays le plus urbanisé et le plus riche du monde, à l’exception peut-être de la Chine. On avait construit des centaines, des milliers de structures pour récolter l’eau et mieux mettre ainsi en valeur les terres. On comptait des centaines, des milliers de bois sacrés.

Le pillage du pays par les Britanniques a contribué à financer leur Révolution industrielle. Mais il y a eu plus grave : les bouleversements imposés au système de gouvernement. Avant l’arrivée de ces colonisateurs, les gouvernants ne faisaient pas grand chose pour le public en général, ils préféraient inciter les gens à faire les choses eux-mêmes. C’est ainsi que dans les villes et les villages il y avait bien un million d’organismes qui s’occupaient des barrages, des réservoirs, dont il subsiste des milliers aujourd’hui encore, souvent en bien mauvais état. A la place de toutes ces institutions, les Britanniques ont développé une énorme bureaucratie qui a été bien incapable de s’occuper de la multitude de structures diverses qui avaient été bâties pour assurer l’approvisionnement en eau en respectant l’environnement naturel. Partout dans le monde d’ailleurs la philosophie de la gestion de l’eau changeait : l’eau, qui était l’affaire de tout un chacun, devenait l’affaire des gouvernements. Avec plus d’un siècle de recul, on ne peut pas dire que ce soit mieux.

Dans les pays en développement les structures étatiques d’aujourd’hui se sont révélées grossièrement incompétentes et corrompues. Quand on étudie l’Histoire de l’Inde du point de vue de l’environnement, on constate que es anciens maîtres du pays n’édictaient pratiquement pas de règles dans ce domaine. La plupart des règles étaient fixées à la base, et cela entrait généralement dans le droit coutumier appliqué par les communautés, avec au besoin des sanctions sociales et religieuses. Les groupes nomades, par exemple, se déplaçaient suivant des circuits qui se croisaient rarement. Dans les Etats modernes il y a au sommet des parlements qui font d’innombrables lois alors qu’à la base il n’y aura personne pour vraiment les appliquer. Et comme traditionnellement on n’obéit guère au maître du pays, le système étatique moderne aboutit à un désastre extraordinaire. La corruption n’est qu’un aspect de la défiance vis-à-vis du chef. Dans le passé on avait une structure gouvernementale pyramidale. La pyramide inversée d’aujourd’hui tangue et flageole. On commence cependant à comprendre qu’elle devrait impérativement prendre au moins la forme d’un tonneau pour pouvoir répondre aux défis actuels. Des gouvernements monolithiques sont en train de se retirer du secteur industriel et tôt ou tard ils vont devoir se retirer aussi du secteur social et du secteur environnemental.

Dans les années à venir, deux courants vont accroître leur pression sur l’Etat nation : la mondialisation de l’économie et de l’écologie, d’une part, la gestion des ressources naturelles et la préservation de l’environnement, de la qualité de la vie, d’autre part. Dans le premier cas, l’Etat nation cédera du terrain devant des systèmes de gouvernance mondiale (Organisation mondiale du commerce, traités internationaux pour la protection de l’environnement...). Dans le second cas, l’Etat nation devra développer la gouvernance locale, permettre à des institutions démocratiques locales de participer activement à la gestion des villes et des villages.

La société civile dans les pays du Sud

La société civile a un rôle essentiel à jouer pour cette transformation. Dans les pays occidentaux elle représente une force tandis que dans les pays du Sud, même si la démocratie élective semble y être de plus en plus acceptée comme principe de gouvernement, elle commence tout juste sa croissance. Pour l’heure les mouvements citoyens des pays du Sud ne participent que de façon très marginale aux nouvelles structures mondiales pour la gouvernance de l’économie et de l’environnement. La conséquence de cela c’est que les programmes d’action mondiaux négligent bon nombre des problèmes environnementaux des pays du Sud : dégradation des sols, désertification, et les droits des pauvres sur l’environnement afin qu’ils puissent assurer leur survie.

Les mouvements écologiques des pays occidentaux essaient de représenter les intérêts de toute l’humanité, mais ils se cantonnent généralement à des programmes où prédominent des objectifs de conservation de la faune et de la flore. Il n’y a pas lieu de s’en étonner, étant donné les niveaux de développement économique atteints par ces pays. Très peu de représentants de la société civile des pays du Sud sont intervenus dans le débat sur le changement climatique, qui constitue pourtant un problème écologique majeur. Le principe d’un partage équitable des droits sur l’atmosphère a été largement accepté, mais les possibilités d’intervention des groupes écologistes des pays du Sud dans les processus de négociation sont restés très limitées. Cela coûte cher et le pays d’origine ne peut fournir qu’un appui limité. Et peu de donateurs occidentaux acceptent de faire un effort soutenu pour favoriser une telle participation. Il faut bien constater que là où la société civile est tout juste en train d’émerger, là où elle reste faible, de puissants lobbies vont pouvoir plus facilement influencer le gouvernement, notamment dans la sphère économique. Et les choses ne vont pas s’améliorer avec la croissance économique. Il ne faut pas s’étonner que les négociations de l’Organisation mondiale du commerce soient devenues beaucoup plus importantes que les négociations internationales pour la protection de l’environnement.

Il faut mettre en place un cadre approprié pour faciliter l’adoption de nouvelles technologies à la fois respectueuses de l’environnement et équitables. Il faut créer un système qui pénalise les modèles de développement nocifs

Sous l’effet du boom économique de l’Asie dans les années 1980, certains pays de la région sont maintenant parmi les plus pollués de la planète. Aujourd’hui les responsables gouvernementaux ont le fervent espoir que la mondialisation leur apportera la prospérité économique. Mais il sont peu nombreux à comprendre que le modèle économique occidental est très consommateur d’énergie, très technique et finalement très toxique. Avec la forte croissance économique de l’après-guerre, des villes comme Tokyo ou Los Angeles ont été rapidement confrontées à d’énormes problèmes de pollution de l’air et de l’eau. Les sociétés occidentales ont tiré les leçons de leurs erreurs et ont adopté un comportement plus discipliné vis-à-vis de l’environnement, et elles ont réalisé d’assez gros investissements dans des technologies plus propres. Mais la bataille est encore loin d’être gagnée. L’activité économique fait toujours entrer d’énormes quantités d’éléments toxiques dans l’écosystème planétaire. Les cycles du carbone et de l’azote sont perturbés et cela n’est pas bon pour l’avenir de l’humanité. Or la croissance économique à l’occidentale entraîne dans son sillage une partie sans cesse croissante delapopulation mondiale. Qu’en sera-t-il des grands équilibres écologiques de la planète ?

Pour créer des richesses, les acteurs économiques vont accroître leur pression sur l’environnement naturel et produire une énorme pollution. Au cours de années 1970 et 1980, l’Asie du Sud-Est et de l’Est a connu une croissance économique sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui cette région est aussi la plus polluée de toute la planète : on respire très mal à Taipei, à Delhi, etc. Des études de la Banque mondiale nous apprennent que lorsque le produit intérieur brut de la Thaïlande doublait dans les années 1980, ses taux de pollution étaient dans la même période multipliés par dix ! Le Centre pour la science et l’environnement de Delhi a aussi réalisé une étude d’où il ressort qu’au cours des années récentes l’activité économique indienne a doublé, que la pollution d’origine industrielle a été multipliée par quatre, que la pollution automobile a été multipliée par huit. Ces tendances vont persister jusqu’à ce qu’il y ait une prise de conscience massive des dangers que cela représente pour la santé publique et l’avenir à long terme de l’humanité. Puisque c’est la généralisation du modèle technologique occidental qui est à la source d’une pollution urbaine et industrielle croissante, il faut que quelque chose de nouveau se passe à l’échelle mondiale dans le domaine technologique. Pour répondre à la fois aux impératifs du développement et de la lutte contre la pollution, les pays en développement ont besoin de technologies d’un bon rapport coûts avantages. Il faut faire preuve de hardiesse et encourager ces pays à passer d’emblée à des techniques innovantes (pile à combustion, pile solaire...) non polluantes au lieu de cheminer par les divers stades de la modernisation classique.

Et si l’on accepte de tendre vers un partage équitable des ressources mondiales, il faudra forcément concevoir des modes de consommation durables. On peut y parvenir de diverses façons :

  • Par des procédés plus performants. On apprendra à faire mieux avec moins, on développera des technologies de nouvelle génération à la fois durables et équitables.
  • En se mettant d’accord sur des « niveaux de satisfaction », c’est-à-dire des limites supérieures à la consommation en tenant compte de divers critères écologiques et éthiques pour parvenir à un peu plus d’équité et de justice sociale.

On pourrait faire aujourd’hui beaucoup de choses pour « dématérialiser » et « désénergifier » les façons de faire et d’être, sans pour autant s’imposer une baisse du niveau de vie. Mais pour favoriser les technologies appropriées innovantes, pour que les gains de performance se répandent à grande échelle, il faudra nécessairement agir par le biais des incitations fiscales. Une nouvelle technique plus efficace, plus performante peut sans doute nous aider à reculer un peu dans l’avenir le moment où nous devrons nous imposer des « niveaux de satisfaction ». Cela ne suffira pas malheureusement car si la consommation continue à croître rapidement, il faudra des gains d’efficacité énormes pour limiter l’impact écologique du développement aux niveaux actuels. Considérons deux problèmes : les cabinets, le réchauffement climatique.

Les cabinets

Pour traiter les déchets issus de nos besoins naturels, les pouvoirs publics ont construit à grands frais des réseaux d’égouts qui ont pollué de nombreux cours d’eau. Il faut ensuite construire des stations d’épuration qui représentent de gros investissements. Dans les pays en développement il y a là un problème écologique sans doute mais aussi un problème de justice sociale. Dans les villes beaucoup de gens n’ont pas un endroit pour habiter bien à eux. De toute façon, faute d’argent ils ne peuvent s’offrir un raccordement au réseau. Le tout-à-l’égout profite donc surtout aux populations urbaines les plus aisées. Dans la plupart des pays en développement c’est le budget public qui subventionne cette infrastructure et les stations d’épuration, et il n’y a plus assez d’argent pour fournir de l’eau potable à tous, pour assurer un assainissement général. En aidant les riches à faire caca dans le confort, on malmène sans doute tous les principes d’une bonne gestion des finances publiques. Et pourtant c’est ce qui se passe tout le temps, et ça ne va pas s’arranger car les pays du Sud connaissent une urbanisation rampante.

Il faut concevoir les choses autrement : il revient aux producteurs de la matière fécale de gérer le problème sur place. Heureusement certains travaillent actuellement à développer de nouvelles solutions pour le traitement des déchets domestiques dans cet esprit, en évitant de mélanger le cycle de l’alimentation et de la terre avec le cycle de l’eau, car cela crée plein de problèmes. Il n’est pas impossible que les cabinets secs à compost deviennent la technique au goût du jour au cours des années à venir. On se débarrassera alors de la chasse d’eau, on réduira sérieusement la consommation d’eau dans les villes et on luttera contre la pollution des cours d’eau. Il se passe aussi des choses nouvelles dans le traitement de « l’eau grise », c’est-à-dire les eaux usées ménagères qui pourraient être collectées et traitées par des groupes de population. Au cours de ce siècle, il est très possible que les grosses infrastructures soient remplacées par des systèmes communautaires et domestiques.

Le réchauffement de la planète

Même sur cette question compliquée du réchauffement climatique qui devient un vrai panier de crabes, on peut sans doute aussi avancer. Brièvement, le problème vient de ce que nous continuons à utiliser des carburant fossiles qui émettent du carbone. La solution c‘est donc de s’orienter vers des sources d’énergie qui ne produisent pas de carbone. L’énergie solaire a fait des progrès rapides et si elle se vulgarisait il suffirait de quelques décennies pour échapper aux scénarios catastrophes du réchauffement climatique. Sinon la menace va rester là pendant des siècles.

On entend souvent dire par des gens du Nord que si les pays industrialisés réduisaient leurs émissions de gaz à effet de serre tandis qu’on laisserait les pays en développement accroître les leurs, tout cela serait peine perdue. Les Etats-Unis ont adopté sur ce sujet une position forte : il faut que tous les pays, y compris les pays en développement, participent à l’effort de réduction des émissions de dioxyde de carbone et des autres gaz qui provoquent le réchauffement de la planète. Les industriels des pays occidentaux soutiennent aussi ce raisonnement. S’ils sont les seuls à devoir supporter les coûts de réduction de ces émissions de gaz nocifs, ou bien ils fermeront boutique, ou bien celles qui ont des taux d’émissions élevés délocaliseront vers des pays qui n’imposent pas de mesures restrictives dans ce domaine. Les émissions de gaz à effet de serre sont très liées à la croissance économique. Dans le monde il y a beaucoup de pays qui sont très pauvres, et ils vont malheureusement augmenter leurs émissions à mesure que se développe leur économie. Il serait déplacé de croire que les leaders des pays en développement accepteront de prendre de nouveaux engagements qui alourdiraient encore plus leur fardeau économique alors que tous inspirent à une croissance rapide de l’économie nationale. Ils ne peuvent non plus accepter les inégalités et distorsions qui prévalent aujourd’hui dans l’économie mondiale.

Ces problèmes apparemment insolubles peuvent cependant être résolus à condition que le monde entier fasse un effort vraiment sérieux en matière de politique énergétique. Nous devons nous libérer de notre dépendance actuelle vis-à-vis de l’énergie fossile (charbon, gaz naturel, produits pétroliers et nous tourner vers des énergies qui n’émettent pas ou peu de CO2 (solaire, biomasse, énergie éolienne et hydroélectrique...). Les menaces que fait peser sur nous le changement climatique seraient alors repoussées et chaque pays pourrait consommer autant d’énergie qu’il le souhaiterait.

Recherche et développement et volonté politique

Pour opérer cette transition, il faudra satisfaire à deux conditions préalables : premièrement, consacrer beaucoup plus d’argent à la recherche, deuxièmement, développer au plus vite le marché de l’énergie solaire afin que la production de masse fasse baisser les prix du matériel. Les échanges de droits à émettre des gaz à effet de serre, basés sur des quotas, peuvent ici se révéler utiles. Cela inciterait les pays à tendre vers des taux d’émissions faibles afin de pouvoir disposer le plus longtemps possible d’une part non utilisée de droits à émettre et en tirer avantage sur le marché des échanges.

Dans cet environnement économique, il serait plus facile de créer un marché mondial pour les technologies du solaire produites par les pays occidentaux, d’abord dans les pays en développement puis dans les pays industrialisés également. Cela donnerait une solide impulsion à la transition mondiale vers des technologies zéro émission de gaz. Cette façon de procéder est rationnelle car les pays en développement peuvent généralement capter plus d’énergie solaire que les pays occidentaux, et plus ils utiliseront d’énergie solaire au lieu du pétrole ou du charbon, mieux ce sera pour lutter sur le long terme contre le réchauffement climatique. Dans les pays en développement, il y a même de nos jours des millions de localités, de villages, de hameaux qui ne sont pas reliés à un réseau de distribution d’électricité : plus de deux milliards de gens n’ont pas l’électricité. Pour eux il faudrait de l’énergie solaire plutôt que des réseaux de distribution d’électricité classiques qui produisent du carbone.

On fait aussi des progrès avec le moteur à hydrogène qui jouera un rôle majeur dans le secteur des transports. Vers 2010 on verra circuler sur les routes des véhicules fonctionnant avec une pile à combustion ou des batteries. Cela devrait réduire considérablement les émissions de carbone dans ce secteur. Mais bon nombre de ces technologies ne parviendront pas jusqu’aux pays en développement si l’on ne tient pas compte de leurs besoins particuliers. Actuellement il y a environ 4 millions de véhicules en Inde. On en compterait 500 millions si le pays avait le même pourcentage de véhicules par habitant que les Etats-Unis. Dans quelques dizaines d’années, il y aura certainement plus de 100 millions de scooters dans ce pays. Les scooters représentent déjà aujourd’hui 70 pour cent du total des véhicules. Ailleurs en Asie, à Bangkok, à Taipei, on est aussi envahi par les scooters. Or les entreprises ne s’intéressent guère au développement de scooters fonctionnant à l’électricité ou à la pile à combustion. Ils oublient tout simplement d’investir dans des technologies accessibles aux pauvres.

Il est clair que les grands changements du XXIe siècle ne porteront pas seulement sur la nature des choses que le monde produira mais aussi sur la façon dont les choses se feront. Pour opérer ces mutations, il faudra pouvoir compter sur des leaders qui acceptent de mettre en place un système de gouvernance décentralisé pour la gestion des ressources naturelles. Ce système devra veiller au respect du principe d’équité en attribuant des droits appropriés aux populations concernées ; il devra favoriser des technologies plus autonomes qui donnent à la fois plus de liberté et plus de responsabilité aux ménages et aux communautés. La transition ne se fera pas nécessairement sous l’égide des pouvoirs politiques ou des industriels. L’impulsion peut venir aussi de la société civile mondiale. Mais pour cela il faudra entreprendre de gros efforts d’information et de formation pour que, de par le monde, les citoyens prennent conscience de leurs responsabilités et militent pour la justice sociale et le développement durable. Le Mahatma Gandhi est souvent considéré comme un apôtre des pauvres. Mais son message d’attention et de partage sera encore plus pertinent dans un monde prospère. L’esprit de Gandhi s’impose dans l’aisance et la richesse encore plus que dans la pauvreté.

document de référence rédigé le : 1er mars 2002

date de mise en ligne : 6 octobre 2004

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