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L’affaire Oposa v. Factoran (1993) et la jurisprudence ultérieure (Philippines)
> Janvier 2005
Cet article présente plusieurs décisions de justice prononcées aux Philippines dans les années 1990 en matière de droits environnementaux. Ces décisions constituent aujourd’hui des cas de référence au niveau international car elles ont consacré la justiciabilité des droits environnementaux et ont promu une conception étendue de ces droits, allant jusqu’à reconnaître le droit des générations futures.
1. L’AFFAIRE OPOSA V. FACTORAN
Titre complet : Juan Antonio Oposa et al., contre Honbl Fulgencio, Jr., Sec DENR et al.
Instance : Cour suprême des Philippines, 30 juillet 1993
Types de droits : Droits des jeunes et des enfants, droits environnementaux
Nature du cas : Action collective ; cause d’action et locus standi ; questions de droit constitutionnel relatives au droit à un environnement sain et équilibré ; revue judiciaire et doctrine de la place du politique ; responsabilité intergénérationnelle ; non-déclassement de contrats.
Résumé de l’affaire : En 1990, 40 enfants, âgés de 9 mois à 16 ans et issus de toutes les régions du pays, sont représentés par leurs parents dans une action intentée contre le Ministre de l’Environnement et des Ressources Naturelles (DENR). L’action intentée est une action collective , déposée au nom de ces enfants et des générations futures. L’action cherche l’arrêt de toutes les concessions d’exploitation forestière en cours et de l’octroi de toute nouvelle concession.
L’action se fonde sur le droit à un environnement sain et équilibré. Les plaignants arguent en effet qu’au rythme actuel de déforestation, estimé à 120 000 hectares par an, les 800 000 hectares existants de réserves de forêts primaires seraient totalement détruits en moins de 10 ans. Les plaignants ne pourraient donc en bénéficier et en profiter une fois atteint l’âge adulte. Cette action se réfère notamment à des dispositions constitutionnelles concernant le droit à un environnement sain et équilibré (section 16, article 2) ainsi qu’à différents décrets présidentiels reconnaissant la responsabilité intergénérationnelle en matière environnementale.
En première instance, l’action fut rejetée par le tribunal, celui-ci considérant notamment que les plaignants n’ont pas le locus standi (aptitude à être partie à une action en justice), puisqu’il s’agit de mineurs et des personnes pas encore nées et n’ont pas de « cause d’action » (motif à engager une action en justice) recevable.
Les plaignants ont alors saisi la Cour Suprême, qui a rejeté ce raisonnement. Dans une décision unanime, celle-ci a en effet considéré que :
Un enjeu complémentaire consistait à déterminer si les plaignants avaient un droit à un environnement équilibré, même si ce droit était énoncé non pas dans la section de la constitution consacrée aux droits fondamentaux mais dans la sections portant sur la déclaration des principes et des orientations générales de l’Etat. La Cour a sur ce point déclaré que : « Bien que le droit à un environnement sain et équilibré figure dans la Déclaration des principes et des orientations générales de l’Etat et non dans la Charte des droits fondamentaux, cela n’implique pas que celui-ci est moins important que n’importe lequel des droits civils et politiques énumérés dans cette dernière. Un tel droit appartient à une catégorie entièrement à part de droits, car il concerne rien de moins que l’auto-préservation et l’auto-perpétuation -justement et adroitement soulignés par les plaignants - et dont la promotion peut même être considérée comme prévalant sur tous les gouvernements et toutes les constitutions ; (...) En réalité, ces droits fondamentaux n’ont même pas besoin d’être inscrit dans la Constitution car ils existent depuis l’origine de l’humanité »
Soulignons donc que ce n’est pas le fond de l’affaire qui a été jugé mais la capacité des plaignants à intenter une action en justice et à se fonder sur le droit à un environnement sain et équilibré et le droit des générations futures. Alors que l’affaire était en cours d’examen, le ministère de l’environnement et des ressources naturelles a pris une décision administrative prohibant l’octroi de nouvelles concessions dans les réserves de forêts vierges du pays. Analyse juridique
Ce cas a de nombreuses implications juridiques et fait l’objet de nombreuses références dans des affaires ultérieures, aux Philippines et à l’étranger. Il est considéré comme une affaire majeure, faisant date en matière de droits environnementaux. Il a notamment permis de mettre en avant les éléments suivants :`
Sources
Cette présentation est une traduction d’informations et d’analyses issues des textes suivants :
2. LA JURISPRUDENCE ULTERIEURE
L’affaire Oposa a été suivie de nombreux cas, examinés par la Cour suprême des Philippines et qui lui ont permis d’étendre et de préciser le droit à un environnement sain et équilibré, et ainsi de faire progresser la protection de l’environnement.
Gaspillage dissipateur des ressources forestières du pays
La Cour suprême a été très active dans la protection des ressources forestières du pays. Dans Ysmael v. Deputy Executive Secretary (190 SCRA 673, 684 [1990]), la Cour a pris connaissance d’office du gaspillage dissipateur des ressources forestières du pays qui a non seulement causé une perte irrévocable de flore et de faune spécifiques à cette région, mais a aussi produit des effets économiques et sociaux encore plus désastreux et durables. Le délicat équilibre naturel ayant été bouleversé, un cercle vicieux d’inondations et de sécheresses a été enclenché et les stocks alimentaires et énergétiques nécessaires aux habitants ont été largement épuisés.
Remèdes procéduraux
La Cour a veillé à ce que les remèdes procéduraux ne puissent être utilisés pour contrecarrer les objectifs de protection de l’environnement. Dans Paat, et al. v. Court of Appeals, et al. (266 SCRA 167 [1997]), elle a établi que le replevin - une action spéciale visant à recouvrer des biens mobiliers - ne peut pas être utilisé pour recouvrer un bien qui est l’objet d’une confiscation administrative engagée par le DENR en application du Code Révisé de la Forêt des Philippines, en reconnaissant qu’ « un recours pour replevin n’est jamais destiné à constituer un moyen procédural pour mettre en cause les ordres de confiscation et déchéance des licences acquises, émis par le DENR en application de l’autorité qui lui est donnée par [le Code de Forêt] ».
Interprétation des faits
Dans l’interprétation des faits, la Cour n’a pas cédé à la tentation de faire des distinctions chicaneuses au détriment de la protection de l’environnement. Ainsi, dans Mustang Lumber, Inc, v. Court of Appeals, et al. (257 SCRA 430 [1996]), la Cour a donné une interprétation de l’expression « bois de construction » qui inclut « bois de charpente », puisque l’exclusion du terme « bois de charpente » des dispositions pénales du Code Révisé de le Forêt contreviendrait au but même de la loi, c.-à-d. de minimiser, voire d’arrêter, l’exploitation forestière illégale qui a déboisé les forêts philippines. La Cour a affirmé qu’ « en ce qui concerne la possession de bois de construction sans les titres légaux exigés, la section 68 [du Code de la Forêt] ne fait pas de distinction entre la matière brute et la matière travaillé. Nous ne devons pas non plus la faire ».
Amener une instance provinciale à adopter d’urgence la législation nécessaire à la protection de l’environnement
La Cour a affirmé le rôle décisif du gouvernement local dans la protection de l’environnement, dans Tano, et al. v. Socrates, et al. (278 SCRA 154 [1997]). Elle a établi la validité de plusieurs réglementations gouvernementales qui visent essentiellement à interdire la pêche au cyanure. La Cour a ordonné aux instances législatives de la ville de Puerto Princesa et de la Province de Palawan de faire preuve de la volonté politique nécessaire en adoptant d’urgence la législation requise pour protéger et améliorer l’environnement marin, et en prenant ainsi part à la tâche herculéenne d’arrêter la vague de destruction écologique. Elle a exprimé l’espoir que d’autres services du gouvernement local sortiraient ainsi de leur léthargie et adopteraient une attitude plus vigilante dans la bataille contre la décimation du secteur de la pêche et des ressources aquatiques philippines, qui sont l’héritage des générations futures.
Développer le champ de la protection de l’environnement
La Cour doit parvenir à suivre le développement constant du champ de la protection de l’environnement, en essayant toujours d’interpréter des concepts légaux traditionnels à la lumière des tendances émergentes en matière de droit de l’environnement. La doctrine régalienne selon laquelle toutes les terres du domaine public consacrées à l’exploitation agricole, minière et forestière, ainsi que les autres ressources naturelles des Philippines, appartiennent à l’État doit être réconciliée avec le concept de « titre indigène » (native title) et les revendications à leur domaine ancestral de communautés culturelles indigènes. Les conceptions traditionnelles de la propriété devraient accommoder de plus en plus une responsabilité de protection de l’environnement. Les notions conventionnelles de valeur doivent incorporer le concept de coûts environnementaux. En matière de conventions internationales, la Cour doit trouver les moyens d’accorder une reconnaissance et de donner vie aux engagements internationaux, même si, comme c’est souvent le cas, il n’existe aucune législation pour les mettre en vigueur.
Sources : Traduction d’extraits du document : ESCAP, Judicial Review : Environmental Cases brought before the judiciary. Environmental Cases in the Philippines, disponible à : http://www.unescap.org/drpad/vc/ori... (UNESCAP est la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie et le Pacifique
document de référence rédigé le : 1er janvier 2005
date de mise en ligne : 25 avril 2005
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