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CABANE Jean

Réduire les inégalités

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> CDATM (Centre de documentation et d’animation Tiers monde), Centre-Infos, février 2006

De très fortes inégalités subsistent dans le monde et de plus, on constate que les inégalités qui avaient plutôt diminué entre riches et pauvres tendent à se creuser à nouveau depuis une vingtaine d’années. En France, la même tendance est observée [1]. Il est devenu urgent d’arrêter cette dynamique inégalitaire et de réduire en priorité les inégalités les plus criantes. En 2000, le secrétaire général des Nations unies, avait convaincu les chefs d’Etat, d’adopter une Déclaration du millénaire dont l’objectif n° 1 était d’éradiquer la faim et l’extrême pauvreté ; il ne suffit pas de le dire, il faut le faire.

Réduire les inégalités, c’est ouvrir un chantier immense compte tenu de la diversité et de la complexité des situations. On doit se poser deux questions simultanément : pourquoi réduire les inégalités et les inégalités de quoi ? [2].

Une nécessité économique

Certes, les inégalités sont insupportables sur un plan éthique, mais, au-delà des injustices qu’elles représentent, elles sont contre-productives, dans la mesure où développement économique et développement humain sont intimement liés. Un groupe humain obtient son efficacité maximale lorsque tous ses membres sont en mesure d’apporter leur contribution au fonctionnement du groupe ; cela exclut tout type de discrimination ou de marginalisation et suppose des conditions de vie favorables au développement des potentialités de chacun. La collectivité et les personnes y trouvent un avantage. Il s’agit d’un principe à appliquer quelle que soit l’échelle - locale, régionale ou mondiale - et la nature de la collectivité - publique ou privée.

L’application de ce principe demande une prise de conscience des réalités. Dans tous les domaines des activités humaines, la tendance naturelle est l’application de ce principe dans un cercle restreint, oubliant ceux qui sont à la périphérie et qui se trouvent sacrifiés au profit d’une élite, pour la réalisation de projets ou la satisfaction d’ambitions, projets ou ambitions dont les grandeurs sont trop souvent discutables. Il y a de réelles difficultés à généraliser le principe de la réduction des inégalités à une échelle autre que locale. Dépasser cet échelon implique des choix en contradiction avec la posture économique dominante. D’après l’économiste John K. Galbraith, seule une politique volontariste avec la mise en place de contre-pouvoirs, peut limiter l’action "de groupes dominants qui agissent dans la société, partout et toujours, pour renforcer la répartition inégale du pouvoir et de la richesse à leur profit" [3].

Une nécessité vitale

"Les inégalités alimentent les conflits, les violences et les guerres. L’insécurité sociale renforce l’intolérance et met en danger les libertés et la démocratie" [4]. "Le monde a connu une augmentation du nombre de guerres civiles au point qu’au milieu des années quatre-vingt-dix, un quart des pays dans le monde était concerné. Plus fréquentes, les guerres civiles sont aussi devenues plus longues. Par ailleurs, la géographie de ces guerres civiles correspond assez largement à celle des pays les plus pauvres, en développement et en transition" [5].

On ne voit pas comment, on pourra atteindre l’objectif d’un développement durable à l’échelle de la planète sans réduire les inégalités et donc sans faire avancer la démocratie et la paix. Pour faire comprendre aux populations les plus riches qu’elles doivent consommer moins pour permettre aux populations les plus pauvres de consommer plus sans mettre en danger l’écosystème planétaire, des débats démocratiques sont nécessaires.

La nature et l’origine des inégalités

Avant de réduire des inégalités, il faut d’abord se poser des questions sur la nature et sur les origines des inégalités entre pays et au sein des pays.

  • Les populations les plus défavorisées sont dans le monde rural

Les inégalités dans le monde agricole se situent au niveau du partage de la terre entre les exploitations paysannes consacrées principalement aux cultures vivrières et les grandes propriétés vouées aux cultures d’exportation. Les petits producteurs ont un accès difficile à des terres fertiles et sont souvent réduits à exploiter des terres ingrates. Du fait d’une surproduction par rapport à la demande et compte tenu les circuits de distribution, les cours des produits agricoles sont trop bas à la production pour permettre aux petits producteurs de survivre. Finalement leur choix est entre la situation d’ouvriers agricoles avec des salaires de misère et l’aventure à la ville.

Globalement, dans tous les pays, des populations agricoles sont sacrifiées. Ce phénomène est moins marqué dans les pays industrialisés qui ont les moyens de soutenir la production agricole des grandes exploitations et d’intégrer moins difficilement les populations issues de l’exode rural. Dans les pays faiblement industrialisés, ces populations se retrouvent dans les "cordons de misère" à la périphérie de grandes villes qui deviennent des mégapoles ingérables en matière de sécurité et de salubrité.

  • Les rapports Nord-Sud et la politique impérialiste des grandes puissances

Entre pays riches et pays pauvres, les décisions sont prises lors de rencontres bilatérales où les rapports de force sont omniprésents. Théoriquement, les échanges commerciaux sont favorables au développement. L’expérience montre que cela ne se vérifie pas quand un pays pauvre commerce avec un pays riche. Ainsi, l’accord de libre-échange Mexique-Etats-Unis a renforcé la domination des Etats-Unis et accru les inégalités au Mexique en détériorant les conditions d’existence de la paysannerie mexicaine tout en créant un nombre insuffisant d’emplois peu qualifiés mal rémunérés [6]. Les Institutions financières internationales (IFI) profitant de l’endettement des pays pauvres, leur imposent des économies sur les budgets sociaux qui rendent encore moins efficaces les politiques en matière d’éducation et de santé.

L’exploitation des richesses naturelles des pays peu industrialisés dépend d’entreprises internationales pour la technique et la commercialisation et finalement ces pays n’en tirent qu’un faible bénéfice avec en "prime", des atteintes à l’environnement. Les cultures vivrières sont sacrifiées au profit des cultures d’exportation avec la complicité d’"élites locales".

Le développement économique mondial ne fait qu’accroître des inégalités existant à l’intérieur des pays. On assiste plutôt au développement de territoires déjà développés au détriment de ceux qui le sont moins : "à l’échelle nationale comme à l’échelle mondiale, les activités économiques se regroupent dans les régions déjà les plus développées" [7].

Les pays les plus inégalitaires de la planète font partie du continent américain (en tête, le Brésil et le Mexique, et parmi les pays riches, le plus riche d’entre eux, les Etats-Unis). Tous sont des pays créés à partir de colonies de peuplement. On ne peut s’empêcher d’établir un lien entre un passé lointain où des populations locales ont été délibérément sacrifiées et un comportement actuel qui garde la mémoire d’une domination inhumaine en acceptant trop facilement de très fortes inégalités.

A cette occasion, un parallèle s’impose. On ne peut que déplorer la lamentable controverse en France sur la loi concernant "le rôle positif de la présence française outre-mer" qui montre que les Français, eux aussi, n’ont pas encore tiré les leçons des aspects peu glorieux de leur passé. On a oublié que "La colonisation a enseigné, un déni de justice et de démocratie" et "qu’elle est une tache sur la conscience humaine, car elle est fondée sur l’inégalité entre les peuples et les civilisations" [8].

On doit ajouter qu’il y a des "sacrifiés", des deux côtés, colonisés et colonisateurs, colonisation et décolonisation s’accompagnent de violences les plus extrêmes. Si le bilan économique est positif pour certains, le bilan humain est négatif pour tous.

Aujourd’hui, la politique impérialiste des grandes puissances économiques et militaires se perpétue. Leur volonté de contrôler partout les productions issues des ressources naturelles les met en compétition avec des pays qui ne peuvent s’opposer à leur puissance militaire. Comme l’a si bien dit, l’économiste libanais Georges Corm pour expliquer leur rôle dans les conflits du Proche et Moyen Orient, elles exportent leurs rivalités. Elles ont de lourdes responsabilités dans le déclenchement et la poursuite de nombreux conflits meurtriers dans des pays qui ont déjà des difficultés à résoudre des problèmes politiques et économiques et, bien sûr, qui ont aussi des responsabilités dans ces conflits.

Que faire pour réduire les inégalités ?

Pour décrire les actions à mener en vue de la réduction des inégalités, on peut s’inspirer du projet proposé par G. Massiah (4) basé sur "l’idée qu’une démocratie mondiale est possible" et en citer de larges extraits. La cause profonde des inégalités est le non-respect des droits. "Une régulation de l’économie et des échanges est possible à partir du respect des droits civils et politiques autant que sociaux, économiques et culturels".

  • Le droit international

Un droit international, fondé sur la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et la Charte des Nations unies, devrait garantir les droits fondamentaux. Leur indivisibilité devrait être reconnue et ils devraient être tous justiciables. La réduction des inégalités passe indirectement par la lutte pour le Droit international.

  • L’annulation de la dette

"L’annulation de la dette pourrait préfigurer la mise en place d’un système économique fondé sur le droit international". "La gestion de la crise de la dette a servi aux pays dominants pour remettre au pas les pays du Sud et mettre fin aux espoirs nés de la décolonisation. Mais cette annulation doit absolument s’inscrire dans la perspective d’une réforme du système international qui a engendré la dette. La coresponsabilité des emprunteurs et des prêteurs permettrait de discuter de la légitimité des dettes devant des instances juridiques compétentes".

  • Une fiscalité internationale

La mise en œuvre d’une fiscalité internationale "s’inscrit dans une réorientation des fondements du système international" : financement des biens publics mondiaux, sauvegarde et développement des biens communs, lutte contre le dumping social et le dumping fiscal, redistribution fondée sur les droits, financement des budgets des autorités publiques et des institutions internationales" et la lutte contre les paradis fiscaux.

  • Contrôler le pouvoir économique

"Les entreprises multinationales sont considérées comme les acteurs déterminants". "Le contrôle est basé sur le refus de la toute-puissance des marchés financiers et de leur logique destructrice" et "le respect des droits et de la démocratie dans les entreprises". "La responsabilité sociale des entreprises ne peut être fondée sur le volontariat des dirigeants des entreprises et doit reposer sur une réglementation définie par des politiques publiques".

  • Redéfinir les institutions financières internationales (IFI)

Les IFI et l’OMC doivent être complètement redéfinies". "On attend spécifiquement de ces institutions, d’une part, la stabilité du système monétaire et la prévention des crises financières, et d’autre part, un système financier qui favorise un développement respectueux des droits humains". "On peut aussi, pour le moins, en attendre qu’elles fonctionnent démocratiquement". "Il s’agit aussi de les intégrer au système des Nations unies".

  • Le mouvement citoyen mondial

"Le projet du mouvement citoyen mondial est celui d’une démocratie mondiale qui ferait son chemin à travers les associations citoyennes et les mouvements sociaux et citoyens qui construisent une société civile mondiale à travers la formation d’une opinion publique mondiale et d’une conscience universelle". "Plusieurs des propositions portées par le mouvement citoyen mondial répondent à cette double nécessité : lutter contre les inégalités sociales et géopolitiques, et construire les fondements d’un nouveau système international à partir des avancées du droit international".

"La solidarité internationale entre les peuples est une réponse à l’idée absurde, et mortelle, de la guerre des civilisations. Pour faire avancer la civilisation, il faut s’attaquer d’abord à la barbarie que constitue l’ordre injuste du monde".

[1] Dossier, "John K. Galbraith, un intellectuel en économie", L’Economie politique, 28, P.18

[2] Gustave Massiah, " Un projet pour le mouvement altermondialiste", L’Economie politique, 25, 2005/01, P. 49

[3] Vincent Médina, "Causes et conséquences des guerres civiles", Problèmes économiques, n° 2857, 2004/09/01, P. 15

[4] Xavier De La Vega, "A qui profite l’Alena", Alternatives économiques, 209, 2002/12, P. 54

[5] Philippe Frémeaux, "Entreprises et territoires : une dépendance accrue", Alternatives économiques, 43, 2000/01, P. 57

[6] Gérard Vindt, " Positive, la colonisation ?", Alternatives économiques, 238, 2005/07, P. 84

[1] Louis Maurin, "La société de l’inégalité des chances", Alternatives économiques, 244, 2006/02, P. 56

[2] Amartya Sen, "Repenser l’inégalité", Seuil, 2000/05, 286 P.

[3] Dossier, "John K. Galbraith, un intellectuel en économie", L’Economie politique, 28, P.18

[4] Gustave Massiah, " Un projet pour le mouvement altermondialiste", L’Economie politique, 25, 2005/01, P. 49

[5] Vincent Médina, "Causes et conséquences des guerres civiles", Problèmes économiques, n° 2857, 2004/09/01, P. 15

[6] Xavier De La Vega, "A qui profite l’Alena", Alternatives économiques, 209, 2002/12, P. 54

[7] Philippe Frémeaux, "Entreprises et territoires : une dépendance accrue", Alternatives économiques, 43, 2000/01, P. 57

[8] Gérard Vindt, " Positive, la colonisation ?", Alternatives économiques, 238, 2005/07, P. 84

document de référence rédigé le : 1er février 2006

date de mise en ligne : 6 mars 2006

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